CAA de BORDEAUX, 1ère chambre Bis - (formation à 3), 30/04/2019, 18BX04279, 18BX04280, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme POUGET M.
Judgement Number18BX04279, 18BX04280
Record NumberCETATEXT000038444215
Date30 avril 2019
CounselPOUGAULT
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler les arrêtés du 9 novembre 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a prononcé, d'une part, son transfert aux autorités italiennes dans le cadre du traitement de sa demande d'asile et, d'autre part, son assignation à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois.

Par un jugement n° 1805325 et 1805326 du 19 novembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ces deux arrêtés et a enjoint au préfet de la Haute-Garonne d'enregistrer la demande d'asile de M. A...et de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 10 décembre 2018 sous le n° 18BX04279, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour d'annuler ce jugement du 19 novembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :
-c'est à tort que le magistrat désigné a annulé l'arrêté de transfert de M. A...aux autorités italiennes au motif tiré de ce qu'il avait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne le faisant pas bénéficier de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dès lors que, d'une part, il n'est pas démontré que l'Italie ne respecte pas les droits fondamentaux des étrangers sollicitant l'asile, et que, d'autre part, M. A...ne démontre ni être atteint d'une grave pathologie, ni que l'exécution du transfert peut entraîner une aggravation de son état de santé et que cette aggravation sera irrémédiable ;
-l'annulation de l'arrêté de transfert impliquait seulement qu'il lui soit enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2019, M.A..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne et demande à la cour de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, d'enjoindre au préfet d'enregistrer sa demande d'asile, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale dans un délai de vingt-quatre heures suivant la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa demande et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable puisqu'elle n'est pas signée par le préfet et que son signataire ne justifie pas avoir reçu une délégation de signature ;
- la décision de transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivée en fait et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'appliquer la clause discrétionnaire prévue par l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 eu égard à l'incapacité des autorités italiennes, confrontées à un afflux massif de migrants d'instruire sa demande d'asile d'une part, et à son état de santé d'autre part ; il a démontré en première instance qu'il avait été hospitalisé pour une durée indéterminée ; ses problèmes de santé n'ont pas été pris en compte ; aucun interprète n'était présent lorsqu'il a été contraint de signer des documents rédigés en italien ;
- l'arrêté de transfert méconnaît l'article 4 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ;
- cet arrêté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par la circonstance que sa demande d'asile relève de la compétence des autorités italiennes ;
- il n'apparaît pas que le préfet ait communiqué préalablement aux autorités italiennes les données relatives à son état de santé, en méconnaissance des articles 31 et 32 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit au regard de l'article 23 du règlement (UE) n°604/2013 du 26 juin 2013 ; le préfet ne rapporte pas la preuve de la saisine des autorités italiennes dans le délai de deux mois ;
- l'Italie n'a pas répondu à la demande de reprise en charge du préfet ;
- cet arrêté méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cet arrêté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant assignation à résidence est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités italiennes ;
- elle méconnaît l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2019 à 12:00.

II. Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 10 décembre 2018 et 21 février 2019 sous le n° 18BX04280, le préfet de la Haute-Garonne demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du 19 novembre 2018 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse.

Il soutient que :
- sa requête au fond contient des moyens sérieux de nature à entraîner l'annulation du jugement et le rejet des conclusions à fin d'annulation présentées par M. A... devant le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse ;
- l'exécution de la décision du magistrat désigné du tribunal administratif de Toulouse entraîne des conséquences irréparables pour l'autorité administrative justifiant le sursis à exécution eu égard à la caducité dont sera frappé l'arrêté de transfert à l'expiration du délai de six mois à compter de la date du jugement attaqué.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2019, M.A..., représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête du préfet de la Haute-Garonne, demande à la cour de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable puisqu'elle n'est pas signée par le préfet et que son signataire ne justifie pas avoir reçu une délégation de signature ;
- le préfet ne justifie pas de moyen sérieux de nature à justifier l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par le jugement.

Par ordonnance du 14 janvier 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 15 mars 2019 à 12 heures.


Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :
- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la commission du 30 janvier 2014 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.

Par décision du 1er septembre 2018, le président de la cour a désigné Mme Sabrina Ladoire pour exercer temporairement les fonctions de rapporteur public en application des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme B...a été entendu au cours de l'audience publique.



Considérant ce qui suit :

1. M. D...A..., ressortissant camerounais né le 30 juin 1994, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français le 25 février 2018. Le 14 mai 2018, l'intéressé s'est présenté à la préfecture de la Haute-Garonne pour y formuler une demande d'asile. Constatant au vu du résultat du relevé de ses empreintes décadactylaires que l'intéressé avait introduit une demande d'asile en Italie le 26 octobre 2017, l'autorité préfectorale a saisi le 8 juin 2018 les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge sur le fondement de l'article 18-1 b) du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013. A la suite de l'accord implicite des autorités italiennes né le 25 juin 2018, le préfet de la Haute-Garonne a prononcé par deux arrêtés du 9 novembre 2018 le transfert de M. A...aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile, d'une part, et son assignation à résidence dans ce département pour une durée de 45 jours renouvelable une fois, d'autre part. Par une requête n° 18BX04279, le préfet de la Haute-Garonne relève appel du jugement du 19 novembre 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Toulouse, saisi par M.A..., a annulé ces deux arrêtés et demande, sous le n° 18BX04280, d'en ordonner le sursis à exécution.

2. Les requêtes n° 18BX04279 et 18BX04280 du préfet de la Haute-Garonne portent sur la contestation d'un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Dès lors, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

3. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
" (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".

4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre l'intéressé au bénéfice de l'aide juridictionnelle à...

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