CAA de BORDEAUX, 2ème chambre (formation à 3), 02/06/2015, 13BX01792, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. PEANO
Judgement Number13BX01792
Date02 juin 2015
Record NumberCETATEXT000030681203
CounselCABINET CLARISSOU ET BADEFORT
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la requête sommaire, enregistrée le 2 juillet 2013 et le mémoire complémentaire, enregistré le 18 juillet, présentés pour Mme C...E..., épouseF..., demeurant..., par Me D...;

Mme F...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200913 du 20 juin 2013 du tribunal administratif de Limoges, en tant qu'il a condamné l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une indemnité d'un montant qu'elle estime insuffisant en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le virus de l'hépatite C imputable à une transfusion de produits sanguins ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité de 70 996,63 euros ou, subsidiairement, la somme figurant à l'offre partielle d'indemnisation et les intérêts de droit sur celle-ci à compter du 15 mai 2012, ainsi que la somme de 39 396,63 euros ou, très subsidiairement, de faire procéder à une expertise médicale ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le jugement attaqué a rejeté sa demande comme irrecevable, à hauteur de 8 324 euros, correspondant à la réparation des préjudices résultant du déficit fonctionnel temporaire total puis partiel et des souffrances endurées, dès lors que, le délai ayant été conservé par son recours gracieux qui n'a fait l'objet d'aucune décision expresse, sa demande n'était pas tardive ;
- en tout état de cause, cette somme ne lui a pas été versée et l'ONIAM doit être condamné à la lui payer, avec les intérêts de droit ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle ne justifiait pas de ses pertes de revenus, alors qu'elle disposait d'un emploi stable, qu'elle a perdu du fait de sa contamination et qu'elle avait produit tous les justificatifs relatifs à ses revenus professionnels des années antérieures ;
- ses préjudices résultant des souffrances endurées, du déficit fonctionnel temporaire et permanent ont été sous évalués ;
- son préjudice résultant de ce qu'elle bénéficie d'une pension de retraite inférieure à celle à laquelle elle aurait eu droit a été ignoré à tort par le tribunal administratif ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2013, présenté pour l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est Tour Galliéni, 236 avenue Charles-de-Gaulle à Bagnolet (93175), représenté par son président en exercice, par MeB..., qui conclut :
- au rejet de la requête ;
- à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il accorde à Mme F...une indemnité d'un montant excessif ;

Il fait valoir que :
- le tribunal administratif a retenu à juste titre la forclusion de certaines conclusions de la demande de MmeF... ;
- cette dernière ne justifie pas davantage qu'en première instance du lien de ses arrêts de travail et de son invalidité avec l'hépatite C dont elle est guérie ni du montant de ses pertes de revenus professionnels ;
- il en va de même de ses pertes de pension de retraite ;
- le taux de son déficit fonctionnel permanent ayant été fixé à 3 %, il ne pouvait pas justifier l'allocation d'une indemnité de 4 000 euros ;
- l'indemnisation des déficits fonctionnels temporaire et permanent ainsi que des souffrances endurées doit être ramenée à, respectivement, 1 460 euros, 4 432 euros et 2400 euros ;
- qu'aucun recours de la CPAM de la Corrèze ne pourrait être engagé contre lui ;

Vu le mémoire, enregistré le 17 octobre 2014, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Corrèze, représentée par son directeur en exercice, par Me Mounier, avocat, qui conclut :
- à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions ;
- à la condamnation de l'Etablissement français du sang (EFS) à lui verser la somme de 230 116,24 euros et 1 028 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- à la mise à la charge de l'EFS de la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté sa demande au motif qu'elle ne se prévalait d'aucune faute de l'EFS alors qu'il était établi que le sang transfusé provenait d'un donneur porteur du virus de l'hépatite C ;
- elle justifie de débours d'un montant de 230 116,24 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2014, présenté pour l'établissement français du sang (EFS), dont le siège est 20 avenue du Stade de France à La Plaine-Saint-Denis (93218), représenté par son président en exercice, par MeA..., qui conclut :
- au rejet des conclusions de la CPAM de la Corrèze ;
- subsidiairement, au sursis à statuer jusqu'à ce que le Conseil d'Etat ait rendu son avis sur la question de savoir si un tiers payeur peut exercer un recours indépendamment de toute faute ;
- à la mise à la charge de la CPAM de la Corrèze de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :
- les conclusions de la CPAM de la Corrèze, qui n'a présenté aucune demande préalable, sont irrecevables alors que MmeF... n'a pas demandé sa condamnation ;
- les sommes réclamées sont frappées par la prescription quadriennale à hauteur de 8 680,43 euros ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté la demande, aucune faute ne pouvant lui être imputée et il y aurait lieu de demander un avis au Conseil d'Etat pour savoir s'il peut être condamné en l'absence de faute ;
- au surplus, il n'est pas établi que le centre de transfusion sanguine de Brive-la-Gaillarde, qui dépendait du département de la Corrèze, est couvert par une assurance et le département devrait donc être appelé en cause ;
- la plupart des débours de la caisse ne peuvent pas être rattachés à la contamination de l'intéressée ;

Vu l'ordonnance du 28 octobre 2014 fixant en dernier lieu la clôture de l'instruction au 2 décembre 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 mai 2015 :

- le rapport de M. Bernard Leplat ;
- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;


1. Considérant qu'à l'occasion de l'accouchement par césarienne de MmeF..., le 17 juillet 1985 dans une clinique privée de Brive-la-Gaillarde, une transfusion de produits sanguins a été pratiquée ; qu'un bilan sanguin effectué le 24 décembre 2002 a révélé qu'elle était atteinte d'une hépatite C, génotype I ; qu'elle a, alors, subi du 11 mars 2003 au 11 mars 2004, un premier traitement antiviral, puis un second traitement, de novembre 2005 à juin 2007, qui a permis la négativation de l'ARN du virus de l'hépatite C (VHC) ; que Mme F... a été déclarée guérie de son hépatite C le 4 janvier 2008 ; que ce diagnostic de guérison a été confirmé par un examen post-thérapeutique réalisé en mars 2009 ; qu'imputant l'apparition de cette hépatite à la transfusion sanguine qu'elle avait subie en 1985, Mme F...a adressé, le 12 juillet 2010, une demande d'indemnisation à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) ; que par décision du 14 mars 2012, le directeur de l'ONIAM lui a proposé une offre d'indemnisation de ses préjudices résultant des souffrances endurées, d'une part et du déficit fonctionnel temporaire total puis partiel, d'autre part, pour un montant de 8 324 euros ; qu'il a refusé, par cette décision, le dossier dont il avait accusé réception le 17 novembre 2010 n'étant pas complet à cet égard, l'indemnisation des autres préjudices invoqués ; qu'après avoir formé, le 16 avril 2012 auprès du directeur de l'ONIAM, un recours gracieux contre cette décision et que celui-ci eut été rejeté le 8 juin 2012, MmeF..., a saisi le tribunal administratif de Limoges d'une demande, enregistrée le 16 juin 2012, tendant, dans le dernier état de ses écritures, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser une indemnité de 70 996,63 euros en réparation des préjudices subis du fait de sa contamination par le VHC ; que, par jugement du 20 juin 2013, le tribunal a condamné l'ONIAM à lui verser une indemnité de 4 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande, ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Corrèze tendant à la condamnation de l'établissement français du sang (EFS) à lui verser une somme correspondant aux dépenses engagées pour son assurée du fait de sa contamination ; que Mme F...relève appel de ce jugement, dont l'ONIAM demande, par la voie de l'appel incident, la réformation et dont la CPAM de la Corrèze demande l'annulation ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme F...a reçu trois culots globulaires à l'occasion de son accouchement par césarienne le 17 janvier 1985 ; qu'une enquête transfusionnelle a permis d'établir qu'un donneur à l'origine d'un des produits transfusés, identifié à l'occasion d'un don ultérieur, était porteur du...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT