CAA de BORDEAUX, 2ème chambre, 19/11/2019, 17BX04056, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme GIRAULT
Record NumberCETATEXT000039434123
Judgement Number17BX04056
Date19 novembre 2019
CounselSCP CGCB & ASSOCIES BORDEAUX
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... et Mme A... D... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de Lot-et-Garonne à leur verser une indemnité globale de 54 237 euros, avec intérêts au taux légal, en réparation des troubles de jouissance, de la perte de valeur vénale de leur propriété et du préjudice moral subis en raison de la construction à Villeneuve-sur-Lot d'une rocade de la route départementale n° 911 (RD 911), ouverte à la circulation le 9 décembre 2013.

Par un jugement n° 1601085 du 24 octobre 2017, le tribunal administratif de Bordeaux a condamné le département de Lot-et-Garonne à verser à M. et Mme D... la somme totale de 23 000 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de réception de leur réclamation préalable le 7 mars 2016, mis à la charge du département les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 7 589,75 euros par une ordonnance du 5 février 2016 du président du tribunal ainsi qu'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et rejeté le surplus des conclusions de la demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 décembre 2017 et 5 avril 2019, le département de Lot-et-Garonne, représenté par Me H..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 octobre 2017 en tant qu'il l'a condamné à verser à M. et Mme D... la somme totale de 23 000 euros et qu'il a mis les frais de l'expertise à sa charge ;

2°) de rejeter la demande présentée par les époux D... ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme D... le paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Le département soutient que :
- c'est, tout d'abord, à tort que le tribunal administratif a considéré que les époux D... subissaient des nuisances visuelles en raison de la construction d'un mur anti-bruit au droit de leur propriété, située à Villeneuve-sur-Lot ; en effet, ils ne pouvaient bénéficier d'un droit acquis à une vue permanente sur un horizon dégagé ; de plus, le rapport d'expertise nuance l'impact de cette construction dès lors qu'un lotissement était en tout état de cause prévu sur les parcelles voisines en litige, au droit de la construction des intimés, de sorte que l'occultation de la vue est moindre avec le mur anti-bruit, du fait de sa hauteur modérée, qu'elle ne l'aurait été avec de nouvelles maisons d'habitation ; la vue sur le village classé du coteau voisin n'est d'ailleurs pas masquée, alors même qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait présenté un caractère exceptionnel ;
- c'est également à tort que le tribunal a estimé que la construction de la déviation engendrait une pollution chimique émanant des gaz d'échappement des véhicules et des poussières générées par le trafic routier, le rapport d'expertise n'ayant pas retenu de telles nuisances, la déviation se situant en contrebas de la propriété en litige ; au surplus, la voie située immédiatement au droit de la propriété des époux D... a été reconfigurée en impasse de sorte que le trafic routier de proximité et les nuisances liées aux poussières et à la pollution ont été sensiblement diminués ;
- le caractère anormal et spécial du préjudice invoqué n'est pas établi au regard de la comparaison entre l'état antérieur et l'état de l'environnement après réalisation des travaux, celui-ci n'ayant pas été dégradé dans des proportions manifestes ; la seule combinaison de nuisances visuelles et de pollutions diverses, retenues par les premiers juges, ne permet pas d'en déduire que la déviation, qui ne constitue pas une autoroute mais une voie routière limitée à 70 km/h, causerait aux intéressés un préjudice anormal et spécial ; qui plus est, le caractère de spécialité du préjudice n'est pas davantage établi dès lors que de nombreuses autres habitations seraient susceptibles d'être impactées par la présence de la rocade ;
- les époux D... n'ont pas davantage apporté la preuve de l'existence d'un préjudice moral, si bien que les premiers juges ont retenu à tort l'indemnisation d'un tel chef de préjudice ;
- c'est ensuite à tort que le tribunal s'est fondé sur le rapport du sapiteur immobilier aux fins d'évaluer la dépréciation de la valeur vénale du bien des époux D..., ce rapport ne reposant sur aucun élément fiable et vérifiable, en l'absence d'indications sur la méthode d'évaluation retenue et de toute production d'éléments de comparaison pour établir la valeur du bien avant ouverture de la déviation ; de plus, la méthode par comparaison visiblement utilisée pour établir cette valeur après ouverture de la déviation est entachée d'un biais méthodologique, les déclarations d'intention d'aliéner ne constituant pas des termes de comparaison fiables ; en outre, cette évaluation du sapiteur prend en compte des nuisances sonores que le rapport de l'expert ne retient pas ; il n'a pas été tenu compte de l'évolution générale du prix de l'immobilier sur la région du Villeneuvois, laquelle a conduit à une baisse du prix médian de vente de l'ordre de 4 % sur les cinq dernières années ; la réalisation d'un mur de clôture par les époux D... ne saurait être prise en compte dans l'évaluation de leur préjudice matériel dès lors que rien ne démontre qu'il a été réalisé à raison de la présence de la rocade et qu'en tout état de cause, il ne s'agit pas d'un préjudice en lien direct et certain avec les travaux publics litigieux ; au demeurant, dès lors que les époux D... ne prévoyaient pas de vendre leur bien, le préjudice de perte de valeur vénale n'est qu'éventuel ;
- enfin, c'est donc à tort que le tribunal a mis à sa charge les frais de l'expertise ordonnée en référé ;
- en revanche, le jugement du tribunal administratif devra être confirmé en ce qu'il rejette la demande des époux D... au titre de prétendus troubles de voisinage pendant les travaux de construction de la rocade et de prétendues nuisances sonores ;
- statuant dans le cadre de l'effet dévolutif, la cour devra rejeter la demande des époux D... dès lors que le caractère anormal et spécial des...

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