CAA de BORDEAUX, 5ème chambre - formation à 3, 05/02/2019, 16BX03809, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme JAYAT
Record NumberCETATEXT000038134595
Date05 février 2019
Judgement Number16BX03809
CounselCLL AVOCATS
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Compagnie Antillaise de Routes et Autoroutes et Importation de Bitumes-Moter (société anonyme Caraib Moter) a demandé au tribunal administratif de la Guyane de condamner le Grand port maritime de Guyane à lui verser la somme de 5 576 653 euros au titre des surcoûts liés à l'exécution de son marché et de prononcer la décharge des pénalités de retard qui lui ont été appliquées à hauteur de la somme de 1 003 315,96 euros.

Par un jugement n° 1500616 du 29 septembre 2016, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.






Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés le 30 novembre 2016, le 16 août 2017 et le 23 octobre 2017, la société Compagnie Antillaise de Routes et Autoroutes et Importation de Bitumes-Moter (société anonyme Caraib Moter), représentée par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Guyane du 29 septembre 2016 ;

2°) de condamner le Grand port maritime de Guyane à lui verser la somme de 5 576 653 euros, augmentée de la révision et des intérêts moratoires au taux contractuel de 7,05 % courant à compter du 10 janvier 2015 ainsi que de leur capitalisation à chaque année échue et à échoir ;

3°) de prononcer la décharge des retenues appliquées à son encontre à hauteur de 1 003 315,96 euros et, en conséquence, de condamner le Grand port maritime de Guyane à lui verser cette somme, outre les intérêts moratoires d'un montant à parfaire de 168 345,91 euros à capitaliser ;

4°) de mettre à la charge du Grand port maritime de Guyane la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement, que :
- le tribunal lui a communiqué un mémoire du Grand port maritime postérieurement à la clôture de l'instruction intervenue automatiquement trois jours francs avant l'audience ; le tribunal a commis une irrégularité en s'abstenant de prononcer une nouvelle clôture d'instruction après avoir communiqué ledit mémoire ;
- le tribunal n'a pas répondu aux moyens opérants contestant le bien-fondé des pénalités appliquées par le maître de l'ouvrage ;

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, que, s'agissant des demandes consécutives aux difficultés rencontrées lors de l'exécution des travaux :
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la société ne pouvait se prévaloir de l'existence de sujétions imprévues devant donner lieu à une indemnisation supplémentaire ; un problème technique a été rencontré lors de l'ancrage du pieu tube lors de l'opération de pré-forage ; contrairement aux indications des documents contractuels, le terrain dans lequel devaient être fichés les pieux ne comportait pas de couche de diorite altérée ; or, la présence de diorite altérée, qui était censée permettre une bonne exécution du pré-forage nécessaire à l'ancrage des pieux, était une quasi-certitude au vu du rapport de la société JPL Conseil ; cette analyse a été confirmée par le résultat des sondages délivrés dans le dossier de consultation ; les documents contractuels indiquent également, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, que les sols devaient comporter une couche de diorite altérée ;
- l'absence de diorite a aussi eu pour effet d'aggraver les autres difficultés dont l'ampleur n'était pas prévisible ; ainsi, l'entrepreneur a été confronté à un pendage très important de diorite ; le nombre très important de débris ferreux présents dans la zone de quai a entravé les opérations d'installation des pieux ; la présence d'une importante quantité de blocs rocheux erratiques a aussi perturbé les travaux ;
- le tribunal ne pouvait se fonder sur l'article A2.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) pour juger que l'entrepreneur est réputé, par le fait même de sa soumission, avoir pris connaissance de la nature des sols ; en effet, cet article n'est pas applicable aux caractéristiques géologiques et géotechniques à l'origine des difficultés rencontrées par le groupement durant les travaux ; les données en cause ont fait l'objet d'une autre stipulation figurant à l'article A2.3.13 du CCTP, lequel renvoyait bien aux études réalisées et non à une prétendue connaissance acquise par les candidats lors de leur visite in situ ;
- le tribunal ne pouvait se fonder sur l'article A2.3.13 du CCTP pour juger qu'il lui appartenait de faire procéder à des sondages complémentaires avant le dépôt de leur offre ; cet article ne concerne que l'entrepreneur choisi et non les candidats ; en tout état de cause, la réalisation de tels sondages n'était en pratique pas possible pour les candidats compte tenu des délais qui leur étaient impartis pour préparer leur offre ;
- la société a dès lors droit à être indemnisée de tous les frais qu'elle a dû assumer en raison des difficultés rencontrées lors de l'exécution des travaux, soit les perturbations liées à la mise en oeuvre des pieux, l'usure anormale et prématurée de son matériel, la découverte d'une table rocheuse, les frais fixes indivisibles exposés en raison du dépassement du délai contractuel d'exécution ;

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, que, s'agissant de la faute commise par le maître de l'ouvrage :
- le maître de l'ouvrage est légalement tenu de définir le programme de l'opération et de s'assurer de sa fiabilité avant de conclure le marché ; il a déjà été démontré que les documents constituant le dossier de consultation des entreprises étaient entachés d'erreurs quant aux caractéristiques géologiques et géotechniques du sous-sol ; ce faisant, le maître de l'ouvrage a commis une faute dans la préparation du marché qui engage sa responsabilité ; de plus, il n'était pas prévu que le titulaire du marché effectue des sondages complémentaires avant la remise de son offre ;

Elle soutient, en ce qui concerne le bien-fondé du jugement, que, s'agissant de l'existence de travaux supplémentaires :
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la société demandait une somme de 119 334 euros exclusivement au titre des surcoûts exposés pour les opérations de déroctage rendues nécessaires par la découverte d'une table rocheuse et non au titre des perturbations rencontrées lors de la mise en oeuvre des pieux ;
- si la société a indiqué devant le tribunal que le prix arrêté par la maîtrise d'ouvrage pour la rémunération des prestations complémentaires ne correspondait pas aux coûts réellement exposés, elle n'a cependant pas fait état d'une quelconque disproportion comme l'a relevé à tort le jugement ; un tel écart a été relevé en ce qui concerne les frais fixes indivisibles supportés par l'entrepreneur du fait de l'allongement de la durée d'exécution des travaux, soit un autre chef de préjudice que celui analysé par le tribunal ;
- la société a bien été tenue d'accomplir des travaux supplémentaires non prévus au marché ; ainsi, lors des terrassements, elle a découvert une table rocheuse, ce qui l'a conduite à faire appel à un sous-traitant ; le calcul par le maître de l'ouvrage du coût des travaux supplémentaires engagés est erroné car il lui appartenait de se fonder sur le devis établi par le sous-traitant ;
- la société a assumé des frais fixes indivisibles en raison du dépassement du délai contractuel ; l'allongement de la durée de chantier de deux mois n'est pas imputable à la société ;
- à supposer que le dépassement du délai contractuel soit limité à trois semaines, les premiers juges auraient commis une erreur d'appréciation en validant le mode de calcul de l'indemnisation proposé par le maître de l'ouvrage ; l'existence de travaux supplémentaires implique le maintien de l'ensemble des installations de chantier et les frais qui en découlent pour la société doivent être...

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