CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 19/03/2018, 16BX02410, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LARROUMEC
Judgement Number16BX02410
Record NumberCETATEXT000036729819
Date19 mars 2018
CounselCABINET DE CASTELNAU
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le département de la Haute-Garonne a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre (composé des SCP d'architectes Cirgue Dargassies et Espagno Milani et du bureau d'études techniques Beterem Ingenierie), la société Eiffage construction Midi-Pyrénées et la société Apave Sud Europe à lui verser la somme de 203 320 euros TTC en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait des deux catégories de désordres constatés dans le bâtiment C de l'hôtel départemental, devant être prise en charge respectivement à hauteur 40 155,70 euros TTC par le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre in solidum, 158 081,30 euros TTC par la société Eiffage construction Midi-Pyrénées et 5 083 euros TTC par la société Apave Sud Europe, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts.

Par un jugement n° 1203488 du 8 juin 2016, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 20 juillet 2016 et 7 juillet 2017, le département de la Haute-Garonne, représenté par MeH..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1203488 du 8 juin 2016 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner les constructeurs à lui verser la somme de 203 320 euros TTC, devant être prise en charge respectivement à hauteur de 40 155,70 euros TTC par le groupement solidaire de maîtrise d'oeuvre in solidum, 158 081,30 euros TTC par la société Eiffage construction Midi-Pyrénées et 5 083 euros TTC par la société Apave Sudeurope, à titre principal, sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité décennale, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

3°) à titre très subsidiaire, de condamner le seul groupement de maîtrise d'oeuvre in solidum à lui verser cette somme de 203 320 euros TTC, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts ;

4°) de mettre à la charge de chaque intervenant à l'acte de construire dont la responsabilité est engagée la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a écarté chacun des fondements invoqués pour fonder la responsabilité des intervenants à l'acte de construire, qu'il s'agisse de la garantie de parfait achèvement, de la garantie décennale ou du défaut de conseil des maîtres d'oeuvre ;
- s'agissant d'abord de la garantie de parfait achèvement, il résulte d'une jurisprudence constante que le constructeur est tenu à une obligation de résultat, à laquelle il manque si le produit qu'il installe s'avère défaillant à remplir sa fonction, nonobstant le fait qu'il ait été prévu au marché avec l'accord du maître d'ouvrage ;
- il résulte de deux arrêts de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 12BX00434 (30 mai 2014, Sté Bureau Veritas) et n° 13BX00189 (2 déc. 2014, SNC Eiffage construction Nord Aquitaine) que l'absence de réserves lors de la réception ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la garantie des constructeurs si le désordre se manifeste postérieurement à la réception, et ce même si la cause structurelle de ce désordre existe et est apparente au jour de la réception, mais ne produit pas encore ses effets, du fait des conditions exogènes prévalant à cet instant ;
- en l'espèce, dès lors que le phénomène de rayonnement rasant à l'origine des phénomènes d'éblouissement et de chaleur excessive, que les résilles " brise-soleil " ont failli à occulter, n'est généralement constaté qu'en hiver, le département était dans l'incapacité d'émettre la moindre réserve quant aux performances de la résille installée lors de la réception de l'ouvrage, du fait de la position du soleil haute sur l'horizon en été ;
- ainsi, le fait que le désordre n'ait pas été apparent lors de la réception, ne saurait faire obstacle à la mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement à ce titre ;
- en particulier, le fait que la résille installée ait été celle prévue au marché, sur conseil du groupement de maîtrise d'oeuvre, est sans incidence, dès lors que cette résille s'avère structurellement défaillante à remplir la fonction de brise-soleil qui était la sienne et que le marché lui assignait, ce qui caractérise un manquement à l'obligation de résultat des intervenants à l'acte de construire ;
- si les défendeurs font valoir que la département avait été informé des problèmes de luminosité excessive en amont, il convient de relever, d'une part, que dans la notice thermique réalisée au tout début des études, le groupement de maîtrise d'oeuvre a préconisé la solution d'une façade double peau avec stores intégrés, en listant ses divers avantages, et s'était engagé à trouver des solutions pour réduire le risque d'éblouissement, notamment par la mise en oeuvre de brise-soleil ;
- s'agissant de la responsabilité décennale, c'est à tort que le tribunal, qui a dénaturé le rapport de l'expert et insuffisamment motivé son jugement au regard de l'article L. 9 du code de justice administrative, a considéré que la luminosité excessive et les températures trop élevées constatées dans certains bureaux des façades sud et ouest du nouveau bâtiment, qui sont limitées aux périodes de l'année et aux heures du jour où le soleil est rasant, ne rendent pas cet ouvrage impropre à sa destination, dès lors que le fait qu'un désordre soit intermittent, et n'affecte qu'une partie de l'ouvrage et de ses usagers, ne fait pas obstacle à une telle qualification ;
- à cet égard, dès lors que l'expertise diligentée par le tribunal a conclu de façon parfaitement explicite que les phénomènes d'éblouissement rendent l'ouvrage impropre à sa destination, le tribunal ne pouvait se borner à affirmer, sans aucune motivation ou se référer à une quelconque autre pièce de l'instruction, que la luminosité excessive ne rendait pas l'ouvrage impropre à sa destination ;
- s'agissant de la responsabilité contractuelle des maîtres d'oeuvre pour manquement à leur devoir de conseil, le tribunal ne pouvait pas juger que les désordres constatés " n'ont pas pour cause une malfaçon qu'il aurait appartenu au maître d'oeuvre de déceler, mais l'imperfection de la résille " brise-soleil " prévue au marché ", sans entacher son jugement d'une contradiction de motifs, dès lors que le tribunal a précédemment estimé, au moins implicitement mais nécessairement, que la défaillance de la résille à remplir sa fonction était apparente au moment de la réception, puisque c'est la raison pour laquelle il a écarté la mise en oeuvre de la garantie de parfait achèvement ;
- ainsi, en jugeant à la fois que les désordres étaient apparents (pour écarter la garantie de parfaitement achèvement) et qu'ils ne l'étaient pas (pour écarter le défaut de conseil des maîtres d'oeuvre), le tribunal a entaché le jugement attaqué d'une contradiction de motifs, aboutissant à une forme de déni de justice pour le département ;
- c'est la raison pour laquelle le département soutient à titre principal que les désordres n'étaient pas apparents lors de la réception de l'ouvrage, et que c'est donc la garantie de parfait achèvement qui doit être mise en oeuvre, faute pour les intervenants à l'acte de construire d'avoir respecté leur obligation de résultat qui impliquait, notamment, la protection des usagers contre l'éblouissement et les températures anormalement hautes ;
- si, toutefois, la cour en jugeait autrement, elle n'aurait alors d'autre choix que de tirer les conséquences de sa propre appréciation en constatant que les maîtres d'oeuvre ont manqué à leur devoir de conseil en s'abstenant de conseiller au département de formuler les réserves nécessaires sur la résille défectueuse installée, et de condamner le groupement de maîtrise d'oeuvre à l'indemniser de l'intégralité du préjudice subi du fait de ce défaut de conseil, lequel est, en toute hypothèse, d'autant plus avéré qu'il ressort de l'étude thermique réalisée en phase de conception qu'ils avaient conscience du risque d'éblouissement et s'étaient engagés à compléter leurs études pour le neutraliser ;
- à cet égard, il ne saurait être sérieusement soutenu que les défaillances du produit finalement installé avaient été signalées au département dans cette étude, dès lors qu'au stade de l'APS, le département n'avait validé qu'un principe (la DFV) - que le groupement de maîtrise d'oeuvre avait présenté explicitement et à plusieurs reprises comme une solution offrant une occultation solaire efficace - et non un produit (la résille défectueuse finalement préconisée et installée) ;
- ainsi, le groupement de maîtrise d'oeuvre n'a pas approfondi les études relatives aux stores, comme il s'y était engagé dans cette étude thermique et comme il lui appartenait de le faire dans le cadre de sa mission ;
- s'agissant du chiffrage du préjudice et de la répartition des responsabilités, le département entend renvoyer la cour au mémoire complémentaire qu'il a produit en première instance le 19 février 2016, seuls étant rappelés, pour l'essentiel, les résultats de l'expertise sur ces points ;
- en ce qui concerne le préjudice lié à la luminosité excessive, la somme de 100 000 euros HT retenue par l'expert, correspondant au coût lié à la poste d'un store vénitien sur l'ensemble des façades Sud (85 modules) et Ouest (320 modules) du bâtiment, devra être majorée du surcoût lié aux contraintes de poses résultant de travaux en site occupé, impliquant un phasage de l'opération par bureaux, en fonction de leur occupation, soit une somme totale de 140 000 euros HT ;
- en ce qui concerne le préjudice lié à la surchauffe des bureaux de la façade Sud, qui requiert la mise...

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