CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 30/10/2017, 15BX03027, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. CORNEVAUX
Record NumberCETATEXT000035990568
Judgement Number15BX03027
Date30 octobre 2017
CounselSCP MASSE - DESSEN - THOUVENIN - COUDRAY
CourtCour administrative d'appel de Bordeaux (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...E...a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner le département de la Gironde à lui verser la somme de 70 000 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait d'agissements fautifs qu'elle impute à son employeur, consistant en une mise à l'écart de son service et une privation de l'exercice effectif de ses fonctions, constitutives d'un harcèlement moral ayant porté atteinte à sa dignité ainsi qu'à son état de santé physique et mentale.

Par un jugement n° 1302992 du 7 juillet 2015, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.




Procédure devant la cour :

Par une requête sommaire et un mémoire ampliatif enregistrés les 7 septembre et 12 octobre 2015, Mme D...E..., représentée par la Société Civile Professionnelle H. Masse-Dessen - Thouvenin - Coudray, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 2015 ;

2°) d'annuler la décision de rejet de sa réclamation préalable ;

3°) de condamner le département de la Gironde à lui verser la somme totale de 70 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis, sauf à parfaire, outre les intérêts et les intérêts capitalisés ;

4°) de mettre à la charge du département de la Gironde la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que la copie qui lui a été transmise ne permet pas de s'assurer que sa minute comportait la signature des magistrats qui l'ont rendu, en violation de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- sur le fond, les premiers juges ont omis de mettre en oeuvre le régime de la charge de la preuve applicable au cas d'espèce et il n'apparaît nulle part, dans la motivation du jugement attaqué, qu'ils se seraient interrogés sur la question de savoir si les faits invoqués faisaient naître une présomption d'existence d'agissements constitutifs de harcèlement moral et, si tel était le cas, si le département avait soumis une argumentation de nature à renverser cette présomption en justifiant de ce que les faits dénoncés ne révélaient pas des actes qui avaient excédé l'exercice normal du pouvoir hiérarchique et qui n'étaient pas étrangers à toute considération de harcèlement moral ;
- en outre, c'est à tort que le tribunal a estimé qu'elle n'a pas fait l'objet d'agissements constitutifs de harcèlement moral, en relevant de manière erronée qu'elle s'était abstenue significativement de désigner l'agent qui se serait livré aux actes dont elle faisait état ;
- en effet, à la suite d'une réorganisation de la direction des collèges au cours du mois d'avril 2008, qui l'ont contrainte dans un premier temps à faire face à une surcharge de travail considérable, elle a été conduite progressivement à constater qu'elle était mise à l'écart de toutes les activités de la direction des collèges, que toutes les propositions qu'elle formulait dans le but de prévenir des risques professionnels se heurtaient au rejet ou à tout moins à la remise en cause systématique de la part de sa hiérarchie, qu'elle n'était plus associée à aucune des actions de prévention et de sécurité entamées au sein de son service, qu'elle ne recevait plus les comptes rendus des réunions et n'était plus conviée à faire partie des groupes de travail portant sur des missions relevant de sa compétence, à quoi s'ajoutent l'interdiction orale de se rendre dans les collèges, les refus qui lui ont été opposés à chaque fois qu'elle a demandé à pouvoir participer à une formation ou intervenir directement dans un établissement où existait une situation à l'origine d'un accident de service ou ayant justifié une alerte de la part d'un des gestionnaires des collèges ;
- c'est en vain qu'elle a contesté la dégradation de sa situation au sein du service, aucune de ses demandes visant à se voir confier des missions ayant en pratique un contenu réel ou pour bénéficier d'une mobilité, pas plus qu'aucune de ses démarches pour interpeller l'administration sur sa situation ne s'étant traduites par des mesures concrètes ;
- ne pouvant plus assurer convenablement ses tâches et les relations avec sa hiérarchie s'étant considérablement dégradées, épuisée physiquement et mentalement du fait d'une telle situation, elle a dû finalement être placée en congé de maladie pour cause d'un syndrome anxio-dépressif réactionnel à la dégradation de son cadre professionnel ;
- c'est dans ce contexte que l'autorité administrative a finalement cru pouvoir considérer qu'elle était à l'origine des difficultés relationnelles rencontrées et qu'elle n'avait pas atteint les objectifs qui lui avaient été fixés pour justifier du refus d'avancement qui lui a été opposé et de l'abaissement sensible de la notation qui lui a finalement été attribuée ;
- ainsi, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dès lors que la responsabilité du département se trouvait engagée en raison des faits de harcèlement moral dont elle a fait l'objet, elle est en droit de prétendre à la réparation des préjudices qu'elle a subis résultant, à hauteur de 30 000 euros, de la perte de chance sérieuse dont elle a été privée de bénéficier d'un déroulement de carrière plus favorable, ainsi que, à hauteur de 40 000 euros, de son préjudice moral et de ses troubles dans ses conditions d'existence.


Une pièce produite pour Mme E...a été enregistrée le 11 août 2016.


Par un mémoire en défense enregistré le 10 octobre 2016, le département de la Gironde, représenté par MeB..., conclut :

1°) avant dire droit, à ce qu'il sollicité auprès de Mme E...la production de l'expertise complète du docteur Ferrière et, plus généralement, de tout document médical utile ;

2°) au rejet de la requête d'appel et à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 7 juillet 2015.

Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est entaché d'aucune irrégularité dès lors que l'obligation de signature ne vaut que pour la minute du jugement c'est-à-dire l'original du jugement qui a été transmis à la cour avec l'entier dossier relatif à cette affaire, dont il n'est pas établi qu'il ne comportait pas les signatures requises ;
- sur le fond, il convient de rappeler que le juge administratif considère qu'" une souffrance psychologique liée à des difficultés professionnelles ne saurait caractériser à elle seule un harcèlement moral qui se définit également par l'existence d'agissements répétés de harcèlement et d'un lien entre ces souffrances et ces agissements " et que les multiples difficultés professionnelles d'un agent pouvaient caractériser une insatisfaction professionnelle et un défaut de reconnaissance sans pour autant constituer des agissements relevant du harcèlement moral ;
- en l'espèce, la demande indemnitaire de la requérante est vouée au rejet dès lors qu'aucune faute ne peut être reprochée au département, les décisions ou actes qu'il a pris à l'égard de Mme E...- et que celle-ci a cru pouvoir interpréter comme étant constitutifs de harcèlement moral - étant en réalité justifiés par des éléments objectifs voire une certaine bienveillance vis-à-vis de l'intéressée et relevant de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique ;
- il convient de rappeler, à titre liminaire, que dès son entrée en fonctions, Mme E... a éprouvé des difficultés à appréhender et exécuter ses missions qui lui avaient pourtant été exposées dans le détail, ce qui a été relevé lors de son évaluation professionnelle au titre de l'année 2005 ;
- malgré les instructions de sa hiérarchie, l'intéressée ne s'est pas recentrée sur les missions prioritaires que sa hiérarchie lui avait pourtant fixées, en l'occurrence, préconiser clairement les travaux et mesures à prendre au sein des établissements scolaires, de manière à garantir la sécurité des biens et des personnes et la continuité du service public, ce qui a été à l'origine d'un retard croissant de celle-ci dans ses missions, relevés notamment lors de ses évaluations annuelles successives pour les années 2006 et 2007, dont elle n'a d'ailleurs jamais contesté le contenu ;
- dans le cadre de la modification de l'organisation de la direction des collèges entreprise au cours de l'année 2008, aboutissant à la création de deux pôles (un pôle maîtrise d'ouvrage collèges et un pôle fonctionnement des collèges) placés sous la responsabilité d'un directeur adjoint des collèges, la collectivité a élaboré, afin d'aider MmeE..., une nouvelle fiche de poste de chargé mission prévention-sécurité au sein de la direction des collèges au sujet de laquelle l'intéressée, cadre A de la filière technique expérimenté et spécialiste de l'hygiène et la sécurité au travail, avait obtenu des informations détaillées ;
- ainsi qu'il ressort d'une note du 24 janvier 2008, ce poste de chargé de mission contenait de réelles missions concrètement détaillées, faisait appel à l'expertise de l'agent et répondait à l'obligation du département en matière de santé et sécurité ;
- en dépit d'une nouvelle affectation, au cours de l'année 2008, sur le poste de chargé de mission prévention-sécurité au sein de la direction des collèges, et de...

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