CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 17/12/2015, 15LY02572, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BOURRACHOT
Record NumberCETATEXT000031858203
Judgement Number15LY02572
Date17 décembre 2015
CounselPAQUET
CourtCour administrative d'appel de Lyon (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté, en date du 8 avril 2015, du préfet du Rhône ordonnant sa remise aux autorités italiennes et l'arrêté du 10 juin 2015 du préfet du Rhône l'assignant à résidence.

Par un jugement n°1505173, en date du 15 juin 2015, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 27 juillet 2015 sous le n°15LY02572 le préfet du Rhône demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2015 ;

2°) de rejeter la demande de Mme C...présentée devant le tribunal administratif de Lyon.

Il soutient que :

- l'intéressée se disant de nationalité nigériane, est entrée sur le territoire français à la date déclarée du 23 novembre 2014 ; elle a sollicité son admission provisoire au séjour au titre de l'asile le 24 novembre 2014 ; elle s'est présentée le 17 décembre 2014 pour déposer sa demande d'asile ; le guide du demandeur d'asile ainsi que le formulaire A et B lui ont été remis ; ainsi que le prévoit le règlement CE n°2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000, un relevé de ses empreintes digitales a été effectué le même jour ;
- l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'information relative aux conditions et aux modalités de la prise de ses empreintes ne lui a pas été remise.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, Mme C... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2015 ;

2°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions en sa qualité de demandeur d'asile ;

4°) subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative dans le délai de 8 jours à compter de l'arrêt a intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

5°) dans tous les cas de condamner l'Etat à verser à Me B...la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour cette dernière de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat et de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

S'agissant de la légalité externe :
- lors du relevé de ses empreintes digitales, le 17 décembre 2014, elle n'a été mise en possession d'aucun document d'information, et notamment d'aucune information concernant l'application du règlement " Eurodac " en violation de l'article 18 du règlement n°2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 et de l'article 29 du règlement n°603/2014 du 26 juin 2013 ; en ne l'informant pas des dispositions de ce règlement, des destinataires de ces données, de l'identité du responsable, de l'objet, des droits et des obligations des demandeurs d'asile, le préfet l'a privé d'une garantie substantielle en violation du droit d'asile ; elle n'a reçu les formulaires A et B reprenant les informations prévues à l'article 18 du règlement n°603/2014 non au moment de la prise d'empreinte mais ultérieurement à la fin de l'entretien individuel ;
- la décision litigieuse a été rendue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance de ses droits ;
- en l'absence d'interprète et de confidentialité de l'entretien, et en l'absence de remise des formulaires A et B préalablement à l'entretien, elle a été privée des garanties prévues à l'article 5 du règlement n°604/2013 ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des faits, d'un défaut d'examen complet de sa situation et d'une insuffisance de motivation en droit ; en effet, la décision de remise du 8 avril 2015 ne mentionne pas le fondement de la remise à savoir l'article 25-2 du règlement n°604/2013 ;
- la décision est insuffisamment motivée au regard de l'article 17-1 et 17-2 du règlement n°604/2013 ; elle ne mentionne aucun élément pertinent sur sa situation ; elle a au contraire fait valoir des éléments pertinents ; elle entend solliciter la protection internationale à l'encontre du réseau de traite dont elle a été victime en Italie où elle est menacée ainsi que sa famille au Nigéria.

S'agissant de la légalité interne :
- l'article 17 du règlement n°604/2013 a été méconnu, le préfet ayant omis de statuer sur la clause discrétionnaire avant de mettre en oeuvre la réadmission ; le préfet aurait dû faire jouer la clause de l'article 17 du règlement n° 604/2013 ; originaire de l'Etat d'Edo, elle a été victime de réseaux de prostitution en Italie et ce pays est confronté à un afflux massif de demandeurs d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle craint d'être retrouvée en Italie en raison de la présence sur place du réseau de prostitution qu'elle est parvenue à fuir ;
- elle ne pourra pas reprendre une vie normale dans le pays dans lequel elle a été soumise à ces violences ;
- la décision porte atteinte à l'article 10 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la commission du 2 septembre 2003 ;
- les autorités italiennes n'ont toujours pas formalisé un accord expresse manifestant que l'Italie se reconnait responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- le préfet n'indique pas s'il a effectué les concertations nécessaires à l'organisation de son transfert avec les autorités italiennes ;
- il n'est pas acquis que l'Italie se reconnaisse aujourd'hui responsable de l'examen de sa demande d'asile ;
- la décision porte manifestement atteinte aux droits et aux garanties du droit d'asile.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 14 septembre 2015.

II. Par une requête enregistrée le 28 juillet 2015 sous le n°15LY2635, le préfet du Rhône demande à la Cour de prononcer en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative le sursis à exécution du jugement n°1505173 du 15 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 8 avril 2015 ordonnant la remise aux autorités italiennes de Mme C... et du 10 juin 2015 l'assignant à résidence.

Il fait valoir que :
- l'intéressée n'est pas fondée à soutenir que l'information relative aux conditions et aux modalités de la prise de ses empreintes ne lui a pas été remise ;
- que le jugement est susceptible d'entrainer des conséquences difficilement réparables qui justifient qu'il soit sursis à son exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 novembre 2015, Mme C... conclut au rejet de la requête et demande à la Cour :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 juin 2015 et de rejeter la demande de sursis à exécution ;

2°) d'enjoindre au préfet de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile dans le délai de 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir et de lui remettre le dossier de demande d'asile à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides sous le même délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions en sa qualité de demandeur d'asile ;

4°) subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative dans le délai de 8 jours à compter de l'arrêt a intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative ;

5°) dans tous les cas de condamner l'Etat à verser à Me B...la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, à charge pour cette dernière de renoncer au bénéfice de la part contributive de l'Etat et de condamner l'Etat aux entiers dépens.

Elle soutient que :

Sur la demande de sursis à exécution :

- il n'y a plus lieu d'accorder le sursis à exécution dans la mesure où la décision du 8 avril 2015 n'est plus exécutoire, puisque le préfet, disposant d'un délai de 6 mois à compter de l'acceptation de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile, devait mettre en oeuvre son transfert effectif avant le 30 juillet 2015 en application du règlement n°604/2013 ce qu'il n'a pas fait ;
- le préfet ne soulève pas de moyen sérieux.

Sur la décision de remise du 8 avril 2015 :

S'agissant de la légalité externe :
- lors du relevé de ses empreintes digitales, le 17 décembre 2014, elle n'a été mise en possession d'aucun document d'information, et notamment d'aucune information concernant l'application du règlement " Eurodac " en violation de l'article 18 du règlement n°2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 et de l'article 29 du règlement n°603/2014 du 26 juin 2013 ; en ne l'informant pas des dispositions de ce règlement, des destinataires de ces données, de l'identité du responsable, de l'objet, des droits et des obligations des demandeurs d'asile, le préfet l'a privé d'une garantie substantielle en violation du droit d'asile ; elle n'a reçu les formulaires A et B qu'ultérieurement à la fin de l'entretien individuel ;
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