CAA de MARSEILLE, Chambres réunies, 06/04/2016, 12MA02987, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. MOUSSARON
Judgement Number12MA02987
Record NumberCETATEXT000032374427
Date06 avril 2016
CounselWEIL, GOTSHAL ET MANGES LLP
CourtCour administrative d'appel de Marseille (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Corsica Ferries a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la délibération n° 2000/108 en date du 7 juin 2007 par laquelle l'Assemblée de Corse a attribué au groupement constitué entre la Société Nationale Corse Méditerranée et la Compagnie Méditerranéenne de Navigation la délégation de service public de la desserte maritime entre le port de Marseille et plusieurs ports de Corse et la décision en date du 7 juin 2007 par laquelle le président du conseil exécutif de la collectivité de Corse a signé la convention de délégation dudit service, ainsi que d'enjoindre à la collectivité territoriale de Corse, à titre principal, de résilier la convention et, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat pour qu'il prononce la nullité de ladite convention, dans un délai de neuf mois, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 0700904 en date du 24 janvier 2008, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 08MA01604 du 7 novembre 2011, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé le jugement en date du 24 janvier 2008 du tribunal administratif de Bastia, la délibération n° 2007/108 en date du 7 juin 2007 et la décision en date du 7 juin 2007 précitées et enjoint à la collectivité territoriale de Corse de procéder à la résiliation amiable du contrat à compter du 1er septembre 2012, ou de saisir le juge du contrat dans un délai de six mois à compter de la notification de l'arrêt afin qu'il prenne les mesures appropriées.

Par une décision n° 355616 du 13 juillet 2012, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la Compagnie Méridionale de Navigation et de la Société Nationale Corse Méditerranée, annulé l'arrêt susmentionné et renvoyé l'affaire devant la Cour.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, initialement enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 21 mars 2008, sous le n° 08MA01604 et, après renvoi par le Conseil d'Etat, sous le n° 12MA02987, la société Corsica Ferries, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2008 du tribunal administratif de Bastia ;

2°) d'annuler la délibération et la décision susmentionnées ;

3°) d'enjoindre, dans un délai de neuf mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à la collectivité territoriale de Corse, à titre principal, de résilier la convention et, à titre subsidiaire, de saisir le juge du contrat pour qu'il prononce la nullité de ladite convention, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de la collectivité territoriale de Corse et de l'office des transports de la Corse (OTC) la somme de 6 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement a été rendu en violation du principe d'impartialité consacré par l'article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du fait de la présence dans la formation qui a rendu le jugement attaqué, du magistrat qui a été juge du référé précontractuel à deux reprises dans la même affaire ;
- le jugement attaqué a omis de répondre au moyen tiré de la méconnaissance du règlement du Conseil en date du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime ; en tout état de cause, en ne précisant pas en quoi le service complémentaire était conforme à l'article 4 de ce règlement, le jugement querellé est insuffisamment motivé ;
- les déclarations et initiatives de la collectivité territoriale de Corse entachent la procédure d'appel d'offre de partialité ; l'obligation d'impartialité s'impose également en application de l'article 432-14 du code pénal ; l'OTC a également eu une attitude partiale ;
- les dispositions du cahier des charges ne sont pas conformes à l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales car elles ne stipulent pas le montant des tarifs et il en résulte, en faveur du délégataire, un pouvoir unilatéral de fixer les tarifs du service public, contraire aux principes généraux du droit ; l'absence de fixation des tarifs du service public ne permet ni de garantir l'effectivité des " lois du service public ", en particulier le principe d'égalité, ni de connaître le montant de la subvention d'exploitation versée au délégataire ;
- les dispositions du cahier des charges de la délégation relatives au service complémentaire, en ce qui concerne les périodes d'été et de printemps-automne, sont contraires au règlement n° 3577/92 du Conseil du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime qui impose de vérifier si l'initiative privée peut répondre à des augmentations de trafic ; le service complémentaire instauré par le cahier des charges ne répond pas à un besoin réel de service public ; l'absence de carence de l'initiative privée se présume de la seule évolution de la desserte maritime ; à titre subsidiaire, la Cour pourrait demander au délégataire de produire le taux de remplissage de ses navires afin de démontrer l'inutilité du service complémentaire ;
- en retenant l'offre du groupement SNCM/CMN, alors qu'il ressort des pièces du dossier que cette offre était constitutive d'un abus de position dominante, l'assemblée de Corse a entaché d'illégalité la délibération contestée ; ladite offre a été regardée par le conseil de la concurrence comme étant susceptible de constituer un abus de position dominante en méconnaissance des dispositions de l'article L. 420-2 du code de commerce ;
- la subvention publique versée au groupement SNCM/CMN au titre de l'exécution de la délégation de service public excède les coûts de ce service, de sorte que cette subvention est constitutive d'une aide d'Etat au sens de l'article 87§1 du traité instituant la communauté européenne ; n'ayant pas été notifiée à la Commission européenne en application de l'article 88 de ce même traité, elle est illégale ; le Conseil de la concurrence a estimé que la demande de subvention de la SNCM était manifestement excessive, de sorte qu'elle ne peut être regardée comme une juste compensation des coûts du service public ;
- la délibération de l'assemblée de Corse du 7 juin 2007 est entachée d'illégalité en tant qu'elle approuve le rapport du conseil exécutif, désigne comme délégataire du service public le groupement constitué de la SNCM et la CMN et autorise le président du conseil exécutif à signer la convention de délégation de service public de la desserte maritime de la Corse qui y est annexée alors que cette convention a été conclue à la suite d'une procédure irrégulière et que plusieurs stipulations de cette convention sont illégales ; pour les mêmes raisons, la décision du même jour du président du conseil exécutif de signer ladite convention avec le groupement constitué de la SNCM et la CMN est entachée d'illégalité ; l'annulation ou la réformation du jugement attaqué impliquera la nullité de cette convention ;
- l'injonction pourra être assortie d'un délai raisonnable pour l'exécuter afin d'assurer la continuité du service public de la desserte maritime de la Corse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2009, la collectivité territoriale de Corse et l'office des transports de la Corse, représentés par la SCPF..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Corsica Ferries France la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :
- le référé précontractuel qui a pour objet de faire respecter, à titre préventif, les manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence en matière de passation de contrats et marchés est distinct du recours pour excès de pouvoir qui a pour objet l'annulation d'une délibération d'une collectivité territoriale ;
- le jugement a bien indiqué dans ses visas que la requérante avait soutenu que le service de pointe institué par la convention ne répond pas à un besoin de service public et a répondu au moyen tiré de la méconnaissance du règlement européen du 7 décembre 1992 sur le cabotage maritime ;
- dans sa décision du 6 avril 2007, le Conseil de la concurrence ne les a pas mis en cause et a considéré que le groupement SNCM-CMN n'avait pas de caractère anticoncurrentiel ;
- le service de pointe de trafic a été créé par la délibération de l'assemblée de Corse en date du 24 mars 2006 ; le juge administratif n'a pas censuré ce service ; l'article 4 du règlement du 7 décembre 1992 autorise la conclusion de contrats de service public avec les compagnies de navigation s'il existe un besoin réel de service public, en raison de l'insuffisance des services réguliers de transport dans une situation de libre concurrence ; la Commission européenne n'a jamais imposé de distinction à l'intérieur d'une même ligne ; les besoins du service public sur l'ensemble de l'année sont incontestables ; il est impossible de dissocier ce service de pointe du reste du service et la jurisprudence permet d'insérer ce service de pointe dans l'ensemble des services assurés par le délégataire ; en outre, la concurrence n'est pas écartée puisque l'attribution de la desserte par délégation de service public ne donne pas lieu à l'exclusivité sur les lignes considérées ;
- les déclarations invoquées par la requérante n'ont pas eu d'incidence sur la régularité de la procédure ;
- conformément aux dispositions de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales, la convention stipule les tarifs à la charge des usagers et précise l'incidence sur ces tarifs des paramètres ou indices qui déterminent leur évolution ; la convention avait déterminé, dans le cahier des charges figurant à l'annexe I, le montant des tarifs réclamés aux usagers et correspondant aux obligations de délégation du service, ainsi que l'ensemble des variations applicables en fonction des catégories de passagers et de marchandises et des...

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