CAA de NANCY, 3ème chambre - formation à 3, 20/11/2018, 16NC01686, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. MARINO
Judgement Number16NC01686
Record NumberCETATEXT000037628452
Date20 novembre 2018
CounselAARPI BIRD AND BIRD
CourtCour Administrative d'Appel de Nancy (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Aquatrium a demandé au tribunal administratif de Nancy de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 288 066 euros en réparation des préjudices résultant selon elle de plusieurs décisions refusant l'autorisation de mise sur le marché français des procédés de " Rétrofiltration " et de " Spirofiltration " pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine.

Par un jugement n° 1402446 du 31 mai 2016, le tribunal administratif de Nancy a limité à la somme de 31 770 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné l'Etat en réparation des préjudices subis par la société.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 juillet 2016 et deux mémoires en réplique enregistrés le 14 mars 2018 et le 9 mai 2018, la société Aquatrium, représentée par Me A..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Nancy du 31 mai 2016 en tant qu'il a limité le montant des réparations à la somme de 31 770 euros ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 288 066 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 2011 et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant qu'il limite à la somme de 11 770 euros l'indemnisation allouée en réparation des frais d'expert et d'avocat ;
- les refus d'autorisation des 12 novembre 2002, 15 octobre 2003, 22 février 2008 et 15 janvier 2009 sont entachés d'illégalité et lui ont fait perdre une chance sérieuse de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;
- elle remplissait les conditions requises pour exploiter le procédé de " Spirofiltration ", que celui-ci soit mis en oeuvre au stade du traitement des eaux ou au stade de l'affinage de ce traitement ;
- la demande initiale de mise sur le marché portait sur un procédé non innovant qui ne nécessitait aucune autorisation ;
- l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments s'est prononcée contre la mise sur le marché du procédé de " Spirofiltration ", utilisé pour la finition du traitement des eaux, alors que la société anonyme de gestion des eaux de Paris, dont les représentants siègent au sein de l'agence, utilise un procédé équivalent sans bénéficier d'autorisation ;
- les expérimentations conduites en 2006 sur le procédé de " Spirofiltration ", utilisé pour la clarification directe et la clarification par prétraitement, n'étaient pas nécessaires dès lors que ces deux modes de filtration figurent dans la liste des procédés autorisés de potabilisation de l'eau ;
- les refus d'autorisation n'ont pas permis la conclusion de deux marchés pour lesquels elle avait remporté l'appel d'offres ou ont fait obstacle à ce qu'elle conclue de tels contrats avec plusieurs collectivités intéressées, correspondant à un préjudice évalué à 783 084 euros ;
- ces refus ont entrainé la cessation de toute action commerciale à compter du 19 octobre 2003, la privant d'un chiffre d'affaires évalué à 694 400 euros ;
- l'impossibilité d'exploiter son procédé de filtration dans d'autres pays européens est à l'origine d'une perte de redevances évaluée à 210 000 euros ;
- elle a exposé des dépenses supplémentaires à raison des expérimentations conduites en 2006 et de la procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat pour un montant de 150 582 euros ;
- la dévalorisation de son image et la discrimination dont elle a été victime en raison des avis de l'agence française de sécurité des aliments est à l'origine d'un préjudice moral évalué à 450 000 euros ;
- ses demandes indemnitaires ne sont pas prescrites.

Par deux mémoires en défense enregistrés le 1er décembre 2016 et le 20 avril 2018, la ministre des affaires sociales et de la santé conclut au rejet de la requête et, par la voie d'un appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a condamné l'Etat à indemniser le préjudice moral subi par la société requérante pour un montant de 20 000 euros.




Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés ;
- la société requérante ne justifie pas d'un préjudice moral dès lors que les avis défavorables de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments n'ont pas été publiés et qu'elle ne produit aucun élément démontrant que les décisions litigieuses auraient eu des conséquences sur sa notoriété.

Par une ordonnance du 23 avril 2018, l'instruction a été close à la date du 9 mai 2018, à 16 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 89-3 du 3 janvier 1989 ;
- le décret n° 2001-1220 du 20 décembre 2001 ;
- le décret n° 2007-49 du 11 janvier 2007 ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guérin-Lebacq,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., pour la société Aquatrium.

Une note en délibéré a été présentée pour la société Aquatrium le 26 octobre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société Aquatrium a déposé le 22 mars 2002 à l'Institut national de la propriété industrielle un brevet d'invention correspondant à un procédé de traitement des eaux destinées à la consommation humaine, dénommé " Spirofiltration ", mettant en oeuvre la technique de la filtration lente des eaux brutes dans une série de bacs successifs. Dès le 14 novembre 2001, la société a saisi le ministre de la santé en vue d'obtenir une autorisation préalable à la commercialisation de son procédé de " Spirofiltration ". Consultée, l'Agence française de la sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a donné un avis défavorable le 28 octobre 2002, conduisant le ministre à rejeter la demande d'autorisation par une décision du 12 novembre 2002. La société Aquatrium a de nouveau saisi l'administration, les 6 janvier et 24 février 2003, en vue d'obtenir l'autorisation d'expérimenter son procédé, équipé d'une injection de coagulants, dans la perspective d'obtenir l'autorisation de mise sur le marché. Au vu de l'avis de l'AFSSA du 19 septembre 2003 se prononçant en faveur de cette demande, la société Aquatrium a été autorisée par l'administration le 15 octobre 2003 à conduire une phase d'expérimentation sur les sites de Lavallée et Rarécourt (Meuse). A l'issue de ces essais réalisés au cours de l'année 2006, la société a demandé au ministre de la santé de se prononcer sur la possibilité d'utiliser le procédé de " Spirofiltration " pour le traitement des eaux destinées à la consommation humaine en ce...

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