CAA de NANTES, 1ère chambre, 25/06/2020, 18NT02943, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BATAILLE
Judgement Number18NT02943
Record NumberCETATEXT000042074408
Date25 juin 2020
CounselPRIOL
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Sucrerie de Toury a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 98 768 euros en réparation du préjudice qu'elle estime avoir subi du fait du retard mis par l'Etat à transposer la directive n° 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l'électricité.

Par un jugement n° 1201723 du 31 janvier 2013, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Par un arrêt n° 13NT00966 du 18 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par la société Sucrerie de Toury contre ce jugement.

Par une décision n° 387833 du 26 juillet 2018, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi formé par la société Sucrerie de Toury, a, après avoir saisi à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne, annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour pour y être jugée.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 29 mars 2013, 21 janvier 2014, 22 octobre 2018 et 10 décembre 2019, la société Cristal Union, venant aux droits de la société Sucrerie de Toury, représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 98 768 euros, assortie de l'intérêt légal et de la capitalisation à compter de l'enregistrement de la requête ;

3°) à titre subsidiaire, de saisir le Conseil d'Etat ou la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le remboursement de la contribution pour l'aide juridique en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 8 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le juge administratif est compétent pour connaître des litiges opposant le service des douanes à un justiciable qui n'est pas redevable de droits de douane ainsi que des actions en responsabilité de l'Etat du fait de la méconnaissance de l'obligation qui incombe au législateur d'assurer la transposition des directives communautaires ;
- l'Etat est tenu de réparer les dommages résultant d'une violation du droit communautaire qui lui est imputable ; alors que l'article 14 a) de la directive n° 2003/96/CE du 27 octobre 2003 a prévu une exonération de taxe pour les produits énergétiques utilisés pour produire de l'électricité et a précisé que les États membres devaient transposer ces dispositions dans leur droit national avant le 1er janvier 2004, la France n'a mis en oeuvre cette exonération, partiellement, qu'à compter de 2006 ;
- les dispositions de l'article 266 quinquies du code des douanes, applicables à compter du 1er janvier 2006, ont imparfaitement transposé la directive n° 2003/96/CE du 27 octobre 2003 puisqu'elles excluaient de l'exonération les installations de cogénération de plus de cinq ans ; les dispositions du code des douanes, prises à la suite de la condamnation de la France par la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE), ne sont toujours pas conformes à la directive qui prévoit une exonération inconditionnelle de taxe sur les produits énergétiques utilisés pour la production d'électricité ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, si les États membres peuvent prévoir des conditions limitant l'exonération en faveur des installations de cogénération pour l'ensemble des produits énergétiques servant à la production combinée de chaleur et d'énergie selon l'article 15-1-c de la directive, ils sont en revanche obligés de prévoir une exonération inconditionnelle en ce qui concerne les produits énergétiques utilisés pour la seule production d'électricité, notamment la quote-part de produit mis en oeuvre pour la production d'électricité dans une installation de cogénération ;
- du fait de ce retard fautif, ses achats de gaz ont, à compter du 1er janvier 2004, été à tort soumis à la taxe intérieure de consommation de gaz naturel (TICGN) ; les dispositions de cette directive étant devenues d'effet direct à compter du 1er janvier 2004, elle peut, faute pour la France de les avoir transposées dans les délais prescrits, s'en prévaloir pour obtenir le remboursement des sommes qu'elle a indûment versées ;
- en vertu de l'article 352 bis du code des douanes, elle ne peut obtenir de ses fournisseurs le remboursement de cette taxe dès lors que celle-ci lui a été répercutée et supporte donc le dommage résultant de l'illégalité du dispositif national ; le préjudice qu'elle a subi correspond au montant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques que lui ont facturé ses fournisseurs entre le 1er janvier 2006 et le 25 décembre 2007, soit la somme de 98 768 euros, dont le paiement a affecté sa marge bénéficiaire ; il est justifié par la production de ses factures de gaz et la description de son procédé industriel individualisant la part des produits énergétiques utilisés pour produire de l'électricité ;
- en ce qui concerne les sommes versées au titre de l'année 2007, l'administration n'est pas fondée à lui opposer la prescription triennale prévue à l'article 352 du code des douanes dès lors que ce n'est qu'en 2011 que les nouvelles dispositions nationales ont été mises en conformité avec celle de l'article 14 a) de la directive n° 2003/96/CE du 27 octobre 2003 ;
- en ce qui concerne l'année 2006, l'administration ne peut justifier la taxation par le dispositif prévu à l'article 21-5 de la directive dès lors que ces dispositions n'ont été transposées qu'en 2011 et que la taxation dont elle a fait l'objet reposait non sur le dispositif de l'article 21-5 mais sur une interprétation erronée de l'article 14 a) ;
- son action n'est pas prescrite au regard des dispositions de la loi du 31 décembre 1968 dès lors que les conséquences dommageables n'ont pu être appréciées dans toute leur étendue qu'à compter du paiement de la taxe indûment supportée.

Par des mémoires, enregistrés les 21 juin 2013, 10 février 2014 et 1er octobre 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- la requête tendant à la restitution d'une taxe recouvrée par l'administration des douanes, ou l'action en responsabilité ayant le même objet, est portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ;
- la demande est identique à celle introduite devant la juridiction judiciaire, qui a fait l'objet d'une décision de rejet par le tribunal d'instance d'Orléans, confirmée en appel et dont le pourvoi a été rejeté par la Cour...

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