CAA de NANTES, 3ème chambre, 17/07/2020, 18NT02229, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme PERROT
Judgement Number18NT02229
Record NumberCETATEXT000042133232
Date17 juillet 2020
CounselVOGEL & VOGEL
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Doux SA, Mes Gorrias et Ellouet, commissaires à l'exécution du plan et la société Doux Geflügel GmbH, ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler, d'une part, le titre de recettes n° 2013000062 émis par l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) le 9 avril 2013, d'autre part, la décision par laquelle FranceAgriMer a implicitement rejeté le recours gracieux formé par la société Doux à l'encontre de ce titre de recettes et enfin, la décision de récupération de la garantie bancaire à hauteur de 9 009 euros notifiée le 29 octobre 2013.

Par un jugement n° 1304069 du 11 avril 2018, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à ces demandes en annulant la décision de compensation notifiée le 29 octobre 2013. Le tribunal administratif de Rennes a par ailleurs enjoint à FranceAgriMer de verser à la société Doux SA, dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et sous réserve de changements dans les circonstances de fait ou de droit, la somme de 13 104 euros.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 juin 2018 et 3 mars 2020 sous le n°18NT02229, la SCP Abitbol et Rousselet et la Selarl AJIRE en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Doux SA ainsi que la SAS David-Goic et la Selarl EP et Associés en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Doux SA, représentées par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2018 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à la demande de la société Doux SA, de Mes Gorrias et Ellouet et de la société Doux Geflügel GmbH ;

2°) d'annuler le titre de recettes et la décision contestés ;

3°) de mettre à la charge de FranceAgriMer la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que le titre de recettes contesté faisait peser sur la société Doux la charge d'une preuve impossible ;
- le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 118 du code communautaire des douanes ;
- en se prononçant sur la légalité de l'absence de disposition expresse prévoyant les modalités de révision des normes de teneur en eau, alors que le moyen soulevé devant lui portait sur l'absence de révision de ces normes, le tribunal administratif a omis de répondre à ce dernier moyen ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en ce qui concerne la réponse au moyen tiré de ce que les titres de recettes contestés n'indiquaient pas avec suffisamment de détail les bases de la liquidation de la créance ;
- le titre de recettes contesté n'indique pas avec suffisamment de précision les bases de la liquidation ;
- le titre de recettes contesté est entaché d'irrégularité et d'un défaut de motivation en ce qu'il ne vise ni la société Doux, ni l'acte de cautionnement du 5 avril 2011 qui ne saurait constituer le fondement du titre de recettes litigieux ;
- la société Doux n'est pas redevable de la somme en litige au titre de l'acte de cautionnement car elle ne saurait garantir que ses propres demandes d'avances sur restitution et non celles de la société Doux Geflügel GmbH ;
- le titre de recettes contesté est illégal en ce qu'il fait peser sur la société Doux la charge d'une preuve impossible à rapporter ;
- il ne saurait être exigé de la société Doux qu'elle produise les résultats de contrôles physiques démontrant que les poulets qu'elle a exportés respectent les normes obligatoires en vigueur dans les pays de destination alors qu'elle a suffisamment rapporté cette preuve par les pièces qu'elle a produites ; les titres de recettes contestés méconnaissent ainsi les dispositions du 4ème alinéa du paragraphe 1 de l'article 28 du règlement (CE) n° 612/2009, qui ne l'imposent pas ;
- les contrôles physiques réalisés par les services des douanes sur les exportations faisant l'objet du titre de recettes contesté sont entachés d'irrégularités ; la société Doux SA aurait dû être présente lors de l'analyse des échantillons prélevés, faute de quoi le principe du contradictoire et les droits de la défense ont été méconnus ; l'analyse de la teneur en eau des poulets congelés aurait dû être réalisée uniquement par des laboratoires nationaux de référence en application du paragraphe 5 de l'article 16 du règlement n° 543/2008 ; la société Doux ne saurait assumer la charge de la preuve de ce que les échantillons analysés ne sont pas arrivés au laboratoire dans un état de congélation suffisant alors qu'elle n'était ni présente ni représentée lors des analyses effectuées sur ces échantillons ; l'extrapolation effectuée par FranceAgriMer était erronée, ce que l'étude scientifique produite par la société Doux, qui conclut à l'absence de fiabilité des tests chimiques, suffit à démontrer ;
- elles sont fondées à invoquer le principe de confiance légitime, dès lors que la société Doux n'était pas en mesure de savoir, avant l'arrêt de la CJUE du 9 mars 2017, que la teneur en eau des poulets congelés déterminait le droit de percevoir des restitutions à l'exportation ;
- les premiers juges se sont bornés à un contrôle abstrait de la légalité des sanctions qui ont été infligées à la société Doux alors que ces sanctions sont manifestement disproportionnées ; le dispositif de sanction prévu par le règlement (CE) n° 612/2009 méconnaît l'article 8 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par deux mémoires en défense enregistrés les 10 janvier et 30 avril 2020 FranceAgriMer, représenté par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge des sociétés requérantes le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les sociétés requérantes ne sont pas fondés.


II. Par une requête et un mémoire enregistrés les 11 juin 2018 et 28 février 2020 sous le n°18NT02266, l'Etablissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 11 avril 2018 en tant qu'il a annulé la décision de récupération de garantie bancaire notifiée le 29 octobre 2013 ;

2°) de rejeter les conclusions de la demande présentée devant le tribunal administratif de Rennes tendant à l'annulation de cette décision ;

3°) de mettre à la charge des sociétés requérantes la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :
- les premiers juges ont inexactement qualifié de " décision de compensation " le courrier du 29 octobre 2013 qui se bornait à informer la société Doux de l'acquisition de la caution bancaire constituée auprès de la banque NATIXIS pour un montant de 9 009 euros et de ce qu'une somme de 4 095 euros restait à recouvrer ; seule à hauteur de 1 200 euros a été pratiquée ultérieurement, le 18 mars 2015 ; c'est par conséquent à tort que le tribunal a annulé une décision de compensation du 29 octobre 2013 et a enjoint à FranceAgriMer de reverser à la société Doux une somme supérieure à 1 200 euros, montant qui correspond à la compensation véritablement opérée ;
- l'existence d'un lien de connexité entre les créances réciproques en cause ne fait pas de doute ; en l'espèce, les créances réciproques dont il s'agit correspondent, d'une part, à des restitutions à l'exportation de poulets congelés dues par FranceAgriMer à la société Doux et, d'autre part, à des restitutions indûment perçues par cette société pour d'autres exportations de poulets congelés ainsi qu'à des sanctions et intérêts compensatoires dus en complément de ces restitutions indûment perçues ;
- la compensation de ces montants découle de l'application du paragraphe 2 de l'article 49 du règlement (CE) n° 612/2009, du règlement (UE) n° 1306/2013 et de l'article 28 du règlement d'exécution (UE) n° 908/2014 ; elle s'inscrit dans un cadre de relations assimilables à des " relations d'affaires " qui lient FranceAgriMer et la société Doux ;
- en tout état de cause, si l'on devait considérer qu'il existe une contestation sérieuse quant à l'existence d'un lien de connexité, le tribunal administratif a outrepassé les limites de sa compétence, une telle contestation relevant de la compétence exclusive du juge judiciaire ; il appartiendrait alors à la cour de surseoir à statuer et de renvoyer au tribunal de commerce de Rennes la résolution de la difficulté posée par la contestation du lien de connexité entre les créances en cause ;
- la jurisprudence administrative ne limite pas la possibilité d'une compensation à la seule hypothèse d'un contrat entre les parties ; les principes régissant la mise en oeuvre de la compensation légale doivent être adaptés aux spécificités du droit public, au premier rang desquelles figure la nature particulière du lien régissant, comme en l'espèce, les rapports entre l'administration et les personnes, physiques ou morales, en relation avec elle, qui n'est pas contractuel mais de nature légale et réglementaire ;
- l'existence d'une procédure juridictionnelle concernant le bien-fondé des sommes mises à la charge de l'administré ne fait pas obstacle à la mise en oeuvre de la compensation.

Par des mémoires en défense enregistrés les 30 novembre 2018 et 30 avril 2020 la
SCP Abitbol et Rousselet et la Selarl AJIRE, agissant en qualité d'administrateurs judiciaires de la société Doux SA, ainsi que la SAS David-Goic et la Selarl EP et Associés, agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Doux SA, représentées par Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de...

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