CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/01/2020, 19NT03785, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. RIVAS
Judgement Number19NT03785
Date17 janvier 2020
Record NumberCETATEXT000041478499
CounselNERAUDAU
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme Diakhaby a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 7 mai 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assignée à résidence.
Par un jugement n° 1905057 du 20 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2019, Mme E... Diakhaby, représentée par Me Néraudau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1905057 du tribunal administratif de Nantes du 20 mai 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 7 mai 2019 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles et l'a assignée à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen, dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :
- elle demande la communication de son entier dossier par le préfet de Maine-et-Loire, y compris la date de sa présentation de sa demande d'asile, date déterminante puisqu'elle fixe le début de la procédure " Dublin " ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'était pas compétent au jour de la décision contestée, puisqu'elle résidait en Loire-Atlantique ; l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Pays-de-Loire, fondant la compétence du préfet de Maine-et-Loire, est dépourvu de base légale puisque l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondant cet arrêté, a été supprimé par le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- la décision est insuffisamment motivée ; elle ne précise pas le critère à partir duquel la décision a été prise ni le fondement sur lequel les autorités espagnoles ont été saisies ; il n'est pas précisé s'il s'agit d'une demande de prise en charge ou de reprise en charge ; il est impossible que ses empreintes aient été relevées en Espagne le 17 avril 2018 puisqu'elle a quitté son pays le 1er juillet 2018 ; la motivation en fait présente un caractère stéréotypé ;
- il n'y a pas eu examen personnel de sa situation particulière tant au regard de l'application des critères de détermination de l'Etat responsable que de son état de vulnérabilité certaine, notamment quant à son état de santé ; aucune décision ne pouvait être prise puisque l'administration ne disposait pas d'informations suffisantes quant à son état de santé puisque des examens médicaux étaient en cours ; il n'y a pas eu examen réel de l'impact de la mesure de transfert sur son état de santé ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
o il n'est pas démontré qu'elle a pu bénéficier d'une information complète et effective dans une langue qu'elle comprend ; elle parle le soussou, mais est analphabète ; il doit être démontré que l'information lui a été donnée oralement dans une langue qu'elle comprend ;
o l'information complète doit être apportée dès le début de la procédure, soit au stade de la présentation de la demande d'asile à la plate-forme des demandeurs d'asile ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; l'administration doit apporter la preuve que l'entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national en application de ces dispositions et de l'article 4 de la directive " procédure " n° 2001/95 ; il est impossible de vérifier la qualité de l'agent ayant mené l'entretien alors que si elle avait été interrogée par une personne qualifiée, des questions approfondies lui auraient été posées sur son parcours et sa situation personnelle ;
- les dispositions des articles 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article 14 du règlement " Eurodac " ont été méconnues ; il y a erreur de fait concernant les empreintes Eurodac relevées le 17 avril 2018, qui ne peuvent être les siennes puisqu'elle n'a quitté la Guinée que le 1er juillet 2018 ; l'erreur l'a privée d'une garantie puisque la date de signalement Eurodac détermine le délai de prise en charge ; les empreintes relevées en France sont incomplètes et ne permettent pas une comparaison adéquate avec d'autres empreintes de la base de données Eurodac en méconnaissance de l'article 14 du règlement " Eurodac " ; l'accord explicite des autorités espagnoles, concerne une autre personne Mme F... née en janvier 1991 ; l'existence de deux fiches espagnoles pour deux franchissements des frontières extérieures à deux dates différentes démontre l'irrégularité dans la comparaison des empreintes Eurodac ; les dispositions des articles 9 et 14 du règlement " Eurodac " concernant la comparaison des empreintes et les délais de transmission dans la base de données n'ont pas été respectées ;
- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de critère de détermination et de base légale ; la décision ne contient aucun des critères de détermination de responsabilité prévus au chapitre III du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ce qui l'empêche de pouvoir invoquer l'application erronée de ces critères ainsi que le contrôle du juge ; il n'est pas précisé s'il s'agit d'une demande de prise en charge ou de reprise en charge ;
- il n'y a pas eu examen du risque de violation de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la situation en Espagne fait naitre un doute quant à l'effectivité des standards applicables en matière d'asile dans ce pays ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; si ses pathologies n'étaient pas encore diagnostiquées, le préfet avait connaissance que des examens étaient en cours ; elle présentait une particulière vulnérabilité du fait de son statut de demandeur d'asile, de son parcours très traumatique et de son état de grossesse ; malgré sa vulnérabilité, le préfet s'est contenté d'un accord implicite de l'Espagne ; le préfet n'a pas indiqué les éléments sur lesquels il se fondait pour ne pas appliquer la clause dérogatoire ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- l'auteur de la décision est incompétent pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'encontre de l'arrêté de transfert ;
- la décision est insuffisamment motivée ; le préfet aurait dû expliquer en quoi il est dans l'impossibilité de quitter le territoire ou de regagner son pays d'origine ou un autre pays ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle est uniquement fondée sur l'existence d'une procédure " Dublin " et n'est pas justifiée ; elle le contraint à se rendre au commissariat trois jours par semaine et est disproportionnée au regard de son état de grossesse et de sa prise en charge médicale ; elle restreint sa liberté d'aller et venir ;
- en notifiant de manière automatique un arrêté d'assignation, le préfet l'a privée d'un délai de recours contentieux de quinze jours à l'encontre de la mesure d'éloignement, et a amoindri le droit au recours effectif.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au non-lieu à statuer sur l'ensemble des conclusions aux fins d'annulation.
Il soutient que l'arrêté portant transfert de Mme Diakhaby auprès des autorités espagnoles n'ayant pas été exécuté dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement du tribunal administratif, l'Espagne est libérée de son obligation de prise en charge en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Mme Diakhaby a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 août 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- et les observations de Me Perrot, représentant Mme Diakhaby.
Considérant ce qui suit :
1. Mme E... Diakhaby, ressortissante guinéenne née en juin 1990, est entrée en France en janvier 2019. Elle a...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT