CAA de NANTES, 4ème chambre, 17/01/2020, 19NT03258, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. RIVAS
Judgement Number19NT03258
Record NumberCETATEXT000041430768
Date17 janvier 2020
CounselNERAUDAU
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 3 avril 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 1903701 du 12 avril 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 août et 6 novembre 2019, M. E... A..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1903701 du tribunal administratif de Nantes du 12 avril 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 3 avril 2019 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles et l'a assigné à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, avant l'audience, de communiquer son entier dossier administratif, y compris la date de sa présentation à France Terre d'Asile, et, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :
- il demande la communication de son entier dossier par le préfet de Maine-et-Loire, y compris la date de sa présentation auprès de France Terre d'Asile, ce qui confirmera son entrée en France le 8 novembre 2018 ; en conséquence, il est impossible que ses empreintes aient été relevées en Espagne le 18 décembre 2018 ;
- le préfet de Maine-et-Loire n'était pas compétent au jour de la décision contestée, puisqu'il résidait en Loire-Atlantique ; l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Pays-de-Loire, fondant la compétence du préfet de Maine-et-Loire, est dépourvue de base légale puisque l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, fondant cet arrêté, a été supprimé par le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- la décision est insuffisamment motivée ; elle ne précise pas le critère à partir duquel la décision a été prise ni le fondement sur lequel les autorités espagnoles ont été saisies ; il existe une confusion se traduisant dans le jugement par la notion de reprise en charge ; contrairement à ce qu'indique le jugement, la décision de transfert ne précise pas que l'Espagne a accepté la reprise en charge mais uniquement les autorités espagnoles ont accepté leur responsabilité, sans précision du fondement de la responsabilité ; la décision est insuffisamment motivée en droit puisque sa base légale ne ressort pas précisément ; il n'est fait mention ni du critère hiérarchique retenu pour désigner l'Espagne comme Etat responsable ni du fondement sur lequel les autorités espagnoles ont été saisies et ont donné un accord implicite ; il est impossible que ses empreintes aient été relevées en Espagne le 18 décembre 2018 puisqu'il est entré en France le 8 novembre 2018 ; la motivation en fait présente un caractère stéréotypé ;
- il n'y a pas eu examen personnel de sa situation particulière et notamment du risque lié au transfert ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ;
o la délivrance des brochures informatives n'est pas suffisante pour considérer l'information effective, puisque le demandeur d'asile peut ne pas savoir lire ; le préfet devra établir que l'information lui a été donnée oralement dans une langue qu'il comprend ;
o l'information complète doit être apportée dès le début de la procédure, soit au stade de la présentation de la demande d'asile en pré-accueil ;
- le tribunal administratif n'a pas répondu quant à l'exigence d'information dès le début de la procédure ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; l'administration doit apporter la preuve que l'entretien a été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national en application de ces dispositions et de l'article 4 de la directive " procédure " n° 2001/95 ; il est impossible de vérifier la qualité de l'agent ayant mené l'entretien alors que s'il avait été interrogé par une personne qualifiée, des questions approfondies lui auraient été posées sur son parcours et sa situation personnelle ;
- la décision est entachée d'une erreur de fait ; la charge de la preuve de sa présence en France depuis le 8 novembre 2018 ne saurait reposer sur lui seul ; le relevé Eurodac indiquant que ses empreintes auraient été enregistrées le 18 décembre 2018 en Espagne sont incohérentes avec son parcours ;
- ses empreintes ne sont pas complètes ; la date de transmission des empreintes par l'Espagne est concomitante avec la consultation par la France, alors que l'Espagne disposait, en application de l'article 9 du règlement " Eurodac " d'un délai de 72 heures pour transmettre ses empreintes dans la base de données ; il y a eu méconnaissance des obligations résultants des règlements " Dublin " et " Eurodac ", notamment des dispositions de l'article 27 du règlement " Eurodac " qui auraient dû conduire la France à entamer des démarches auprès des autorités espagnoles en raison des incohérences ; en conséquence il n'existe pas de certitude de l'identité comparée et donc de la responsabilité de l'Espagne ;
- en ne précisant pas le critère hiérarchique menant à estimer l'Espagne responsable de l'examen de la demande d'asile, le préfet a privé sa décision de base légale ; il ne peut dès lors critiquer l'application erronée des critères de détermination ; le juge national ne peut, en outre, exercer son contrôle ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; il est demandeur d'asile, très jeune et il a été emprisonné pendant trois jours lors de son arrivée en Espagne et y a vécu des conditions de vie très difficiles ; malgré son état de vulnérabilité, le préfet s'est contenté d'un accord implicite de l'Espagne, sans demander la moindre garantie ; le préfet n'a pas indiqué les éléments sur lesquels il se fondait pour ne pas appliquer la clause dérogatoire ;
- il n'y a pas eu examen du risque de violation de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la situation en Espagne fait naitre un doute quant à l'effectivité des standards applicables en matière d'asile dans ce pays ;
- il n'a pas été informé de la décision de mise en fuite par le préfet ;
- il n'y a pas de preuve de l'information de l'Espagne du report du délai de transfert, conformément à l'article 9.2 du règlement n° 1560/2003, avant l'expiration d'un délai de six mois ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- l'auteur de la décision est incompétent pour les mêmes motifs que ceux exposés à l'encontre de l'arrêté de transfert ;
- la décision est insuffisamment motivée ; le préfet a basé sa décision sur une incapacité temporaire de quitter le territoire et non sur une impossibilité de quitter le territoire comme le prévoient les articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le préfet aurait dû expliquer en quoi il est dans l'impossibilité de quitter le territoire ou de regagner son pays d'origine ou un autre pays ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; elle est uniquement fondée sur l'existence d'une procédure " Dublin " et n'est pas justifiée ; elle le contraint à se rendre tous les jours au commissariat et est disproportionnée ;
- en notifiant de manière automatique un arrêté d'assignation, le préfet l'a privé d'un délai de recours contentieux de quinze jours à l'encontre de la mesure d'éloignement, et a amoindri le droit au recours effectif.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre 2019, 28 octobre 2019 et 13 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 9 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de
- le code de justice administrative.
Le président de...

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