CAA de NANTES, 4ème chambre, 30/03/2020, 19NT03024, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. LAINE
Judgement Number19NT03024
Record NumberCETATEXT000041775073
Date30 mars 2020
CounselNERAUDAU
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 avril 2019 par laquelle le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile et la décision du même jour par laquelle ce préfet l'a assignée à résidence.
Par un jugement n° 1904363 du 3 mai 2019, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2019, Mme C... A..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904363 du tribunal administratif de Nantes du 3 mai 2019 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 19 avril 2019 par lesquelles le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles et l'a assignée à résidence ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son avocat au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat.
Elle soutient que :
. en ce qui concerne la décision portant transfert aux autorités espagnoles :
- elle demande la communication de son entier dossier pour que le préfet communique la date de présentation de sa demande d'asile en France, date déterminante qui fixe le début de la procédure " Dublin " ;
- le préfet de Maine-et-Loire était incompétent pour prendre la décision contestée, puisqu'elle était domiciliée ... ; l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Pays de Loire était en effet dépourvu de base légale puisque l'article R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur lequel il était fondé, a été supprimé par le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- la décision est insuffisamment motivée ; la base légale de la décision contestée ne ressort pas suffisamment précisément puisqu'il n'est pas fait mention du critère hiérarchique retenu pour désigner l'Espagne comme Etat responsable et qu'il n'est pas précisé le fondement sur lequel les autorités espagnoles ont été saisies et ont donné un accord implicite ; la motivation de la décision est stéréotypée ;
- il n'y a eu aucun examen personnel du risque lié au transfert vers l'Espagne alors qu'elle présente une vulnérabilité certaine ; le préfet a pris une décision de transfert automatique sans procéder à un examen de sa situation particulière ;
- il est impossible que ses empreintes aient été relevées en Espagne le 3 janvier 2019 puisqu'elle est entrée en France en décembre 2018 ;
- les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; elle n'a pas reçu l'information requise par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 en temps prévu, soit lors de l'introduction de la demande d'asile, alors qu'une demande d'asile est réputée introduite au sens de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès qu'un document écrit est parvenu aux autorités, soit dès la présentation en pré-accueil ;
- les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ont été méconnues ; l'administration doit apporter la preuve de la qualification de la personne ayant mené l'entretien ; le fait que des questions approfondies ne lui aient pas été posées montre qu'elle n'a pas été interrogée par une personne qualifiée en droit national ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation, dès lors qu'aucune garantie n'a été donnée par les autorités espagnoles ; son identité ne ressort jamais de l'accord des autorités espagnoles ; les garanties ne sont pas remplies eu égard à sa situation personnelle ;
- il n'y a pas eu examen de sa situation, notamment quant à son état de santé, alors qu'en absence de réponse de la part des autorités espagnoles, aucune garantie n'existe quant à une prise en charge adaptée ; le préfet n'a pas explicitement exclu l'existence de risques pour elle en cas de transfert vers l'Espagne alors qu'elle présente une vulnérabilité particulière en raison de son état de santé et de sa grossesse ;
- il n'y a pas eu d'examen du risque de violation des articles 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; en présence de motifs sérieux de craindre à un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de renvoi vers l'Espagne, la France aurait pu solliciter des garanties individuelles pour s'assurer d'un accueil adapté ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à l'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; elle présente une situation de vulnérabilité du fait de sa qualité de demandeur d'asile, de sa grossesse, de son jeune âge et de son passé ;
. en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
- l'auteur de la décision est incompétent ;
- la décision est insuffisamment motivée, le préfet ne précisant pas les motifs issus des dispositions des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile l'ayant conduit à prendre une telle décision ;
- la décision est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités espagnoles ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; les modalités de présentation au commissariat sont disproportionnées en raison notamment de sa grossesse ;
- il n'y a pas eu examen de sa situation et l'assignation a été prononcée sur le seul fondement de la procédure " Dublin " ;
- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elle entraîne pour conséquence une réduction du délai de recours contentieux à 48 heures à l'encontre de l'arrêté de réadmission, en application de l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en méconnaissance du délai raisonnable prévu par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ; la décision ne lui permet pas d'avoir un droit au recours effectif, conformément à l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 7 octobre 2019 et le 7 novembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut, dans le dernier état de ses écritures, à ce qu'il n'y ait pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de Mme A....
Il soutient, dans le dernier état de ses écritures, que l'arrêté de transfert auprès des autorités espagnoles n'ayant pas été exécuté dans un délai de six mois à compter de la notification du jugement du tribunal administratif, l'Espagne est désormais libérée de son obligation de prise en charge en application de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 1er juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le décret n° 2019-38 du 23 janvier 2019 ;
- l'arrêté du 2 octobre 2018 portant régionalisation de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile dans la région Pays de la Loire
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E..., première conseillère,
- et les observations de Me D..., représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... A..., ressortissante guinéenne née en novembre 1998, est entrée en France en décembre 2018 selon ses déclarations. Elle a déposé une demande d'asile qui a été enregistrée le 15 février 2019. Par une décision du 24 avril 2019, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé son transfert auprès des autorités espagnoles pour l'examen de sa demande d'asile, et par une décision du même jour, a également prononcé son assignation à résidence. Mme A... relève appel du jugement du 3 mai 2019 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 24 avril 2019 portant transfert auprès des autorités espagnoles et de la décision du même jour portant assignation...

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