CAA de NANTES, 5ème chambre, 23/12/2014, 13NT01737, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. FRANCFORT
Judgement Number13NT01737
Record NumberCETATEXT000030008811
Date23 décembre 2014
CounselSCPA GARNIER LOZAC'HMEUR BOIS DOHOLLOU SOUET ARION ARDISSON
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés le 14 juin 2013 et le 22 juillet 2013, présentés par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1004000 du 12 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à payer au département des Côtes d'Armor la somme de 7 046 517 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2010 et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de fautes commises par l'Etat dans la transposition de directives et dans l'application de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement ;

2°) de rejeter la demande présentée par le département des Côtes d'Armor ;

3°) subsidiairement, de réformer le jugement attaqué en excluant du montant du préjudice indemnisé les dépenses exposées par le département au titre des études et structures d'intervention ;

il soutient que :

- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal l'a insuffisamment motivé, tant en ce qui concerne la faute que le lien de causalité ;
- le jugement a commis une erreur de droit, dès lors que les décisions de justice auxquelles il se réfère n'ont que l'autorité relative de la chose jugée et que le département des Côtes d'Armor n'était pas partie aux instances dans lesquelles sont intervenues ces décisions ;
- en se fondant exclusivement sur ces décisions pour engager la responsabilité de l'Etat, le tribunal a donc commis une erreur de droit ;

- le tribunal a commis une erreur de fait en estimant que l'Etat n'a rien fait entre 1972 et 2010, alors qu'il a financé des études réalisées par l'IFREMER, l'INRA et l'ISPTM et que, dès 2002, le programme régional et interdépartemental Prolittoral de lutte contre les marées vertes a associé la région, les départements et l'agence de l'eau Loire-Bretagne ;

- les dépenses, chiffrées à 1 516 100,12 euros, exposées par le département au titre des études et structures d'intervention, n'étaient pas utiles à la détermination du préjudice et, en outre, n'étaient pas davantage utiles à la détermination des causes de la pollution du littoral des Côtes d'Armor par les masses d'algues vertes, ni au choix des moyens à mettre en oeuvre pour lutter contre cette pollution, dès lors que, compte tenu des causes indiquées dans le rapport de l'IFREMER, le département n'ignorait pas qu'il ne pouvait, en tout état de cause, agir seul et préventivement sur celles-ci, alors qu'était par ailleurs mis en oeuvre le programme Prolittoral, pour lequel l'Etat a apporté un financement par l'intermédiaire de l'agence de l'eau Loire-Bretagne ;

- les personnes morales de droit public ne pouvant être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, il appartenait au tribunal de soulever d'office un moyen tiré de l'absence de caractère direct de ce poste de préjudice ou, à tout le moins, de l'écarter ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 mars 2014, présenté pour le département des Côtes d'Armor, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Bois, avocat, qui demande à la cour :

1°) de rejeter le recours du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer l'article 1er du jugement attaqué et de porter l'indemnité mise à la charge de l'Etat à la somme de 10 635 789,72 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 juin 2010, eux-mêmes capitalisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

il fait valoir que :

- le jugement n'est entaché d'aucune des irrégularités dont lui fait grief le ministre ;
- en particulier, il est suffisamment motivé ;
- les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de droit, dès lors qu'ils ne sont aucunement estimés liés par l'autorité de la chose jugée des jugements et arrêts auxquels ils font référence et ne se sont pas davantage fondés sur ces jugements et arrêts ;

- le principe de la responsabilité de l'Etat est certain et a été déjà été admis à plusieurs reprises ;
- elle résulte de carences dans la transposition de directives communautaires et dans la mise en oeuvre de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement ;
- le lien de causalité entre ces fautes et les préjudices invoqués est établi et certain ;
- les premiers juges n'ont pas commis d'erreur de fait ;
- en effet, la circonstance que l'Etat revendique avoir pris en charge un certain nombre d'études sur ce thème est sans incidence, dès lors que les justificatifs de ces interventions, de leur objet et de leur coût ne sont pas produits, que les organismes cités ont une vocation nationale et ne sont pas limités à la problématique des algues vertes, bretonne et costarmoricaine ;
- la situation des Côtes d'Armor revêt une spécificité et une gravité particulière ;
- les actions dont fait état le ministre ne sont pas susceptibles d'avoir joué un rôle sur l'existence de la faute de l'Etat comme sur le lien de causalité entre cette faute et la prolifération des algues vertes ;
- les dépenses exposées par le département ont été rendues nécessaires par les fautes commises par l'Etat et les actions dont fait état le ministre n'y changent rien ;
- les dépenses d'études et de structures d'intervention étaient utiles à la détermination des causes de la pollution du littoral par les algues vertes ;

- le département a, en réalité, assuré un rôle de chef de file dans la recherche des causes et des remèdes à la prolifération des algues vertes ;
- le jugement doit être réformé en ce qui concerne l'indemnisation des participations à des actions préventives ;
- en se fondant sur le seul intitulé des justificatifs présentés, les premiers juges ont commis une première erreur d'appréciation ;
- en outre, le département a sollicité l'indemnisation des aides aux porteurs de projets et des subventions versées aux collectivités, syndicats de traitement, particuliers ou agriculteurs au titre majoritairement des actions préventives et, sur ce point, a produit les justificatifs de sa créance pour les années 1999 à 2009, créance d'un montant de 1 018 592 euros ;
- le jugement doit également être réformé en ce qui concerne le rejet des prétentions indemnitaires au titre de l'atteinte à l'image ;
- le jugement est, sur ce point, entaché d'une contrariété de motifs ;
- en exigeant la production de pièces justifiant du coût qu'il faudrait exposer pour remédier à cette atteinte à l'image, alors que les éléments produits permettaient d'accorder l'indemnité sollicitée, le tribunal a commis une erreur de fait ;
- le préjudice résultant d'une atteinte à l'image et à la notoriété présente en tout état de cause un caractère indemnisable ;
- il y a lieu de tenir compte des conséquences économiques et sanitaires et de l'atteinte à l'image de toute une collectivité en résultant ;
- le département a engagé des dépenses importantes pour promouvoir les Côtes d'Armor du point de vue naturel, nautique et touristique et il engage chaque année à cet effet un crédit de 200 000 euros, outre les actions de Côtes d'Armor Tourisme, essentiellement financé par le département ;
- la prolifération des algues vertes a eu une incidence immédiate sur la fréquentation touristique en Côtes d'Armor et a perturbé la mise en place d'une nouvelle stratégie de développement touristique des Côtes d'Armor ;

- le département a dû exposer des frais de communication plus onéreux pour enrayer le déficit d'images lié au phénomène des algues vertes et cette " campagne de compensation " a eu un coût important ;

- l'indemnisation sollicitée a pour objet la mise en place d'une stratégie pluriannuelle pour accentuer un effort de communication nationale ;

- l'effort net supplémentaire rendu...

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