CAA de PARIS, 1ère chambre, 05/03/2020, 17PA20209, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme PELLISSIER
Judgement Number17PA20209
Record NumberCETATEXT000041697590
Date05 mars 2020
CounselBELLOTEAU
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... et Mme H... F..., son épouse, ainsi que les membres de la succession C...-Gentil, dont M. G... C..., ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 11 janvier 2010 par lequel le préfet de La Réunion a déclaré d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires au projet d'aménagement et de résorption de l'habitat insalubre des secteurs " Butte Citronnelle ", " Pied des Roches " et " Ravine Sheunon " sur le territoire de la commune de l'Etang-Salé ainsi que l'arrêté du 13 janvier 2014 du préfet de La Réunion portant cessibilité au profit de la société de développement et de gestion d'immobilier social (SODEGIS) des terrains d'assiette nécessaires à la réalisation de ce projet.

Par un jugement n° 1400466, 1400669, 1400672 et 1400673 du 20 octobre 2016, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté les demandes.



Procédure devant la Cour :

Par une ordonnance du 1er mars 2019, prise sur le fondement de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a attribué à la Cour administrative d'appel de Paris le jugement du dossier d'appel enregistré à la Cour administrative d'appel de Bordeaux.

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 31 janvier 2017 et le 6 novembre 2018, M. G... C... et Mme F..., son épouse, représentés par Me A..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1400466, 1400669, 1400672 et 1400673 du 20 octobre 2016 du tribunal administratif de La Réunion ;

2°) d'annuler les arrêtés du 11 janvier 2010 et du 13 janvier 2014 du préfet de La Réunion ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SODEGIS la somme de 15 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :
- le jugement est entaché d'erreurs de droit et d'erreurs manifestes d'appréciation ;
- le principe du contradictoire a été méconnu en première instance ;
- la convention publique d'aménagement conclue avec la SODEGIS le 17 janvier 2005 n'a pas été précédée d'une publicité et d'une mise en concurrence, en violation de la directive du 14 juin 1993, la loi de validation du 20 juillet 2005 n'étant pas conforme à cette directive ; s'agissant d'une opération complexe, cette illégalité entache l'ensemble des actes subséquents d'illégalité ;
- les délibérations des 21 décembre 2004, 27 août 2008 et 25 juin 2010 du conseil municipal de la commune de l'Etang-Salé sont irrégulières, un élu étant en situation de conflit d'intérêts, en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales ;
- la qualité de l'expropriant est illégale, dès lors que des élus de la commune et la SODEGIS sont liés par des intérêts communs;
- aucun acte de la commune n'a habilité la SODEGIS à procéder à l'expropriation ;
- les actes préparatoires à la déclaration d'utilité publique n'ont pas fait l'objet d'une concertation préalable ;
- la procédure d'adoption de la délibération du 27 août 2008 est irrégulière, dès lors que l'ordre du jour et les convocations des membres du conseil municipal ne mentionnent pas que la mise en oeuvre de la procédure d'expropriation y sera débattue et que les articles L. 2121-10, L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales n'ont pas respectés ;
- certains organismes ou administrations, tels que France Domaine, n'ont pas été consultés ;
- le dossier d'enquête publique est insuffisant, en l'absence notamment d'étude d'impact et à défaut d'appréciation sommaire des dépenses suffisante, le coût de l'opération ayant été sous-estimé, le dossier ne mentionnant pas précisément les avantages attendus de la réalisation du projet ;
- les réserves émises par le commissaire enquêteur n'ayant pas été levées, la commune de l'Etang-Salé était réputée avoir renoncé à l'opération lorsque le préfet a pris l'arrêté déclarant l'opération d'utilité publique ;
- les faits justifiant l'opération, notamment la réalité de l'habitat insalubre et la nécessité de le résorber et les objectifs de construction, ne sont pas établis ; l'intérêt général n'est pas démontré, l'opération ayant un objectif purement financier ;
- l'expropriation n'est pas nécessaire, dès lors que la commune possédait des terrains présentant des conditions équivalentes lui permettant de réaliser l'opération, qui porte sur une superficie excessive au regard des ouvrages prévus ;
- les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre environnemental que comporte l'opération sont excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ; le principe de précaution, l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont méconnus ;
- le détournement de procédure est établi, dès lors que la procédure de déclaration de parcelles en état d'abandon manifeste prévue aux articles L. 2243-1 et suivants du code général des collectivités territoriales et la procédure d'expropriation des immeubles insalubres prévue par la loi du 10 juillet 1970 devaient être mises en oeuvre ;
- le détournement de pouvoir est établi ;
- l'arrêté portant déclaration d'utilité publique ne leur a pas été notifié ;
- l'enquête parcellaire est irrégulière à défaut de délibération de l'organe expropriant ;
- le plan parcellaire soumis à enquête était incomplet et incorrect et Mme C... n'est pas mentionnée dans la liste des propriétaires du dossier soumis à enquête, en méconnaissance de l'article R. 11-19 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- l'article R. 11-22 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été méconnu, s'agissant de la parcelle AX n°158, en l'absence notamment de notification du dépôt du dossier d'enquête parcellaire à Mme F... épouse C..., l'arrêté de cessibilité n'ayant par ailleurs pas été notifié à celle-ci ;
- les réserves émises par le commissaire enquêteur à la suite de la réalisation de l'enquête parcellaire n'ont pas été levées ;
- l'article R. 11-28 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique a été méconnu, compte tenu des insuffisances de l'état parcellaire et de l'absence de mention de Mme F... épouse C... dans l'arrêté de cessibilité et l'état parcellaire ;
- l'arrêté de cessibilité est illégal, en l'absence de document d'arpentage permettant la délimitation précise de la partie de la parcelle AX n° 154 à exproprier ;
- l'ordonnance d'expropriation du 20 juin 2014 est entachée d'un vice de forme.


Par des mémoires en défense enregistrés le 8 juin 2017 et le 18 décembre 2018, la société de développement et de gestion d'immobilier social (SODEGIS) conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. et Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SODEGIS soutient que :
- la demande d'annulation de la déclaration d'utilité publique était tardive ;
- M. C... n'a pas intérêt et qualité pour agir en tant qu'héritier ;
- les moyens tirés de l'exception d'illégalité de la convention publique d'aménagement et de la délibération l'approuvant et de l'illégalité des autres délibérations invoquées sont inopérants ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.


Par un mémoire en défense enregistré le 21 septembre 2018, le ministre des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 tendant à faciliter la suppression de l'habitat insalubre ;
- le décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E... ;
- et les conclusions de Mme Guilloteau, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 21 décembre 2004, le conseil municipal de la commune de l'Etang-Salé a approuvé, dans le cadre de sa politique d'aménagement urbain et de développement du logement, le lancement d'une opération d'aménagement et de résorption de l'habitat insalubre dans les secteurs de la " Butte Citronnelle ", du " Pied des Roches " et de la " Ravine Sheunon ", ainsi qu'une convention publique d'aménagement pour la réalisation de cette opération avec la société d'économie mixte locale de développement et de gestion d'immobilier social (SODEGIS), dont l'article 8 stipulait notamment la délégation à l'aménageur de la possibilité d'acquérir les terrains par voies d'expropriation. Cette délibération autorisant le maire à signer la convention, celle-ci a été signée le 17 janvier 2005. Par une délibération du 27 août 2008, le conseil municipal de la commune de l'Etang-Salé a approuvé le dossier d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique présenté par la SODEGIS et autorisé cette société à solliciter l'ouverture de l'enquête publique. Par un arrêté du 20 juillet 2009, le préfet de La Réunion a prescrit l'ouverture d'une enquête publique qui s'est déroulée du 17 août au 17 septembre 2009 et à l'issue de laquelle le commissaire enquêteur a émis un avis favorable le 7 octobre 2009. Par un arrêté du 11 janvier 2010, le préfet de La Réunion a déclaré d'utilité publique les acquisitions et travaux nécessaires au projet d'aménagement et de résorption de l'habitat insalubre dans les secteurs...

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