CAA de PARIS, 3 ème chambre , 24/09/2015, 13PA00264, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. le Pdt. MOREAU
Judgement Number13PA00264
Record NumberCETATEXT000031240240
Date24 septembre 2015
CounselMADIGNIER
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2013, présentée pour M. G... D...et Mme F... C...épouseD..., demeurant..., par Me E... ; M. et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0906810/2 du 22 novembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à leur verser une indemnité d'un montant total de 144 961 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la première demande et la capitalisation de ces intérêts en réparation du préjudice résultant du rejet de la demande de M. D...de bonification indiciaire de sa pension de retraite en qualité de père de cinq enfants, subsidiairement, à la saisine de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) d'une question préjudicielle, enfin, à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) à titre principal, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle sur la conformité du code des pensions civiles et militaires de retraite à l'article 141 du traité sur l'Union européenne et ses directives d'application relatives aux régimes professionnels de sécurité sociale ;

3°) à titre subsidiaire, de constater la discrimination indirecte dont M. D... est victime, au sens de l'article 141 du traité sur l'Union européenne et de condamner l'Etat à leur verser la somme de 114 961 euros, assortie des intérêts au taux légal et capitalisés à compter de la première demande, en réparation du préjudice qu'ils estiment avoir subi du fait du rejet de la demande de M. D...de bonification indiciaire de sa pension de retraite pour enfants ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le jugement contesté a été rendu par une formation à juge unique en violation du code de justice administrative, le litige relevant du plein contentieux et étant supérieur à 10 000 euros étant régi par les dispositions des articles R. 222-2 et R. 222-14 de ce code et non un litige relatif aux pensions, au sens de l'article R. 222-13 dudit code ;
- c'est à tort que le jugement attaqué a fait une stricte application de la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la retraite anticipée et sur la bonification pour enfants pour rejeter la requête, sans tenir compte de la discrimination indirecte à l'encontre des fonctionnaires de sexe masculin résultant de l'application des dispositions des articles L. 12 et L. 24 et R. 13 et R. 37 du code des pensions civiles et militaires de retraite, contraire au principe d'égalité garanti par le droit communautaire ;
- le tribunal ne pouvait rejeter la demande principale de renvoi pour question préjudicielle à la CJUE en paraphrasant la jurisprudence du Conseil d'Etat dont il est censé apprécier le bien-fondé au regard de l'obligation de renvoi systémique, tel que prévue à l'article 234 du traité de l'Union européenne de ce dernier, sans porter lui-même atteinte à l'effectivité du droit communautaire ;
- les nouvelles dispositions légales et réglementaires n'ont eu ni pour objet ni pour effet de mettre le droit national en conformité avec le droit européen à la suite de l'arrêt Griesmar de la CJUE, mais de le contourner ;
- la condition d'interruption d'activité de plus de deux mois pour la naissance des trois enfants de chaque fonctionnaire masculin aboutit à une discrimination indirecte tant au regard de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et des directives d'application, que de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment son article 14 et l'article 1er de son premier protocole additionnel ;
- le prétexte tiré de la compensation opérée en faveur des femmes sur le fondement du paragraphe 4 de l'article 141 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 157 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne peut être utilement invoqué pour l'admission à la jouissance immédiate à la retraite qui continue à écarter les femmes plus tôt du marché du travail sans opérer aucune compensation sur leur pension de retraite statistiquement inférieure à celle des hommes ;
- cette compensation en fin de carrière est contraire à l'arrêt Griesmar et prohibée par les articles 3 et 5 de la directive 2006/54 de l'Union européenne modifiant les directives anciennes, à l'exclusion de la directive 79/7 pour les régimes professionnels de sécurité sociale ;
- la jurisprudence du Conseil d'Etat est également contraire aux positions exprimées par la Haute autorité de lutte contre les discriminations dans sa délibération du 26 septembre 2005 et par la Commission européenne dans sa lettre du 22 juillet 2008 ;
- la procédure d'infraction de la Commission européenne est à l'origine de la modification des articles L. 12 et L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite, opérée par l'article 44 de la loi du 9 novembre 2010 de réforme des retraites et son décret d'application du 30 décembre 2010, qui confirme implicitement le caractère discriminatoire des textes en vigueur ;
- à défaut de retenir une discrimination indirecte sur le fondement du droit communautaire, il convient de reconnaître cette discrimination sur le fondement de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à l'instar de la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 février 2009 sur la majoration pour enfant dans le régime général de sécurité sociale ;
- en raison de cette discrimination indirecte et rétroactive, la responsabilité de l'Etat est engagée du fait de la violation par le législateur de plusieurs normes communautaires et des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi de 2003 constitue une loi de validation contraire à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son caractère rétroactif viole l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention ;
- les juridictions administratives françaises ont fait obstacle au droit des requérants d'engager un recours effectif en les obligeant à engager deux procédures distinctes en ce qui concerne le bénéfice de la retraite anticipée et la liquidation de la pension de retraite ;
- les juridictions françaises ont également commis une faute en admettant la rétroactivité des dispositions de la loi du 21 août 2003 et en refusant de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 avril 2013, présenté par le ministre de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'entrée en vigueur du nouvel article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite tel qu'issu des réformes de 2003 et 2010 n'a pas un caractère rétroactif ;
- les conditions requises par l'article R. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite sont les mêmes pour les hommes et pour les femmes ;
- étant donné l'âge des enfants de M. D... et du fait de l'évolution des textes législatifs et réglementaires, seul son dernier enfant aurait pu être éligible aux dispositifs cités par le code des pensions civiles et militaires de retraite pour bénéficier des bonifications pour enfants, choix qui n'a pas été fait par le requérant ;
- l'Etat ne peut être tenu pour responsable des choix personnels de ses agents alors qu'il a mis en place une réglementation ouverte aux hommes comme aux femmes en matière d'adaptation des temps professionnels aux temps familiaux ;
- la bonification pour enfant résultant de l'application de l'article L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite ayant pour objectif de compenser les désavantages professionnels résultant d'une interruption ou d'une réduction d'activité, les hommes n'ayant pas interrompu ou réduit leur activité ne sauraient se prévaloir d'une discrimination indirecte dès lors qu'ils ne sont pas dans la même situation que les hommes ou les femmes ayant décidé de le faire pour s'occuper de leurs enfants ;
- en outre, un autre dispositif sans condition de cessation ou interruption d'activité, existe pour les parents de trois enfants et plus, la majoration de 10% prévue à l'article L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite qui bénéficie également aux hommes et aux femmes...

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