CAA de PARIS, 5ème chambre, 03/07/2017, 16PA00728, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme COIFFET
Date03 juillet 2017
Judgement Number16PA00728
Record NumberCETATEXT000035106575
CounselCABINET PINOT - DE VILLECHENON & ASSOCIES
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société APH Vitry a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007, ainsi que des intérêts de retard et des majorations y afférents, et la réduction de ces impositions par imputation des déficits constatés au titre des exercices clos en 2008 et 2009.

Par un jugement n° 1307888 du 17 décembre 2015, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2016, et des mémoires enregistrés le 21 septembre 2016 et le 5 décembre 2016, la société APH Vitry, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1307888 du 17 décembre 2015 du Tribunal administratif de Melun ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007, ainsi que des intérêts de retard et des majorations y afférents, et la réduction de ces impositions par imputation des déficits constatés au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


La société APH Vitry soutient que :
- le jugement n'est pas suffisamment motivé ;
- l'avis de vérification et la proposition de rectification n'ont pas été régulièrement notifiés ; l'ancien gérant d'une société liquidée n'étant pas habilité à représenter cette société, un mandataire ad hoc devait être désigné ; l'administration ne peut soutenir que la nomination d'un mandataire ad hoc ne s'applique pas à une société étrangère, faute de méconnaître le principe de reconnaissance mutuelle fondé sur le principe de liberté d'établissement ; l'article L. 123-9 du code de commerce ne s'applique qu'aux sociétés de droit français ; la clôture de sa liquidation, publiée au registre du commerce luxembourgeois, était opposable à l'administration ; à supposer cet article applicable, la connaissance de l'acte rend ce dernier opposable ;
- l'avis de vérification n'a été adressé ni à son siège luxembourgeois ni au lieu de l'établissement supposé en France mais aux adresses supposées de l'ancien gérant ; elle n'était pas tenue de se faire répertorier au service des impôts territorialement compétent ; l'avis n'a en outre pas été envoyé à l'adresse mentionnée sur les déclarations de revenus ; l'envoi de l'avis à une adresse erronée l'a privée d'une garantie ; une erreur a été commise sur l'identité de son représentant légal ;
- la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ne lui a pas été communiquée ;
- dès lors qu'elle s'est fait connaître d'un centre de formalités des entreprises lors de sa création et au moment du transfert de son siège social, une mise en demeure devait lui être adressée ;
- elle n'a pas réalisé en France une opération formant un cycle commercial complet, ce que confirme la doctrine 4 H-1412 du 1er mars 1995 ; en droit interne, elle n'est ainsi pas exploitée en France et ne peut y être imposée ;
- elle ne dispose pas en France de façon permanente d'une installation fixe d'affaires comportant le personnel et les moyens matériels nécessaires à son fonctionnement, au sens de l'article 4 de la convention franco-luxembourgeoise ; elle n'a pas exercé d'activité en France au sens de la convention ;
- le transfert du siège au Luxembourg s'assimile à une cessation d'entreprise ; conformément à la jurisprudence communautaire, les plus-values doivent être dégagées au moment du transfert du siège social ; compte tenu du transfert de son siège de direction dans un Etat membre de l'Union européenne et à défaut d'avoir déclaré un établissement stable en France et d'y avoir maintenu ses actifs, elle a cessé d'être soumise à l'impôt sur les sociétés et devait immédiatement être imposée à raison des plus-values latentes ; l'administration aurait dû procéder à une réévaluation d'actifs et constater l'absence de profit imposable ; le fait générateur de l'impôt sur les sociétés étant le transfert du siège social et des actifs, la prescription est acquise ;
- à supposer établie l'existence d'un établissement stable en France, les déficits des exercices 2008 et 2009 sont imputables sur les bénéfices réalisés en 2007, conformément à l'article 220 quinquies du code général des impôts ;
- en l'absence d'établissement stable, de résultat imposable en France, d'activité occulte et de mise en demeure, les pénalités ne sont pas applicables ; les pénalités ne sont assorties d'aucune justification et ont été appliquées automatiquement.


Par des mémoires en défense enregistrés le 27 mai 2016 et le 27 octobre 2016, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société APH Vitry ne sont pas fondés.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention du 1er avril 1958 entre la France et le Luxembourg en matière d'impôts sur le revenu et la fortune ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de commerce ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Platillero ;
- et les conclusions de M. Lemaire, rapporteur public.

1. Considérant que la société APH Vitry, qui exerçait notamment une activité de marchand de biens et avait son siège social en France jusqu'à son transfert au Luxembourg, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, au cours de laquelle l'administration a estimé qu'elle disposait d'un établissement stable en France, à travers lequel elle avait poursuivi l'exercice de son activité, qu'elle n'avait pas fait connaître à un centre de formalités des entreprises à compter du transfert de son siège social et de sa radiation du registre du commerce et des sociétés, avec effet au 5 décembre 2007 ; qu'à l'issue de ce contrôle, une proposition de rectification du 16 août 2011 lui a été adressée ; qu'au terme de la procédure, la société APH Vitry a été assujettie à des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, assorties d'intérêts de retard et de majorations ; qu'à la suite de l'admission partielle de sa réclamation, la société APH Vitry a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des impositions laissées à sa charge, constituées des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contribution sociale sur cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2007, et des intérêts de retard et des majorations y afférents, ainsi que la réduction de ces impositions par imputation des déficits constatés au titre des exercices clos en 2008 et 2009 ; que la société APH Vitry fait appel du jugement du 17 décembre 2015 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés " ;

3. Considérant que les premiers juges ont détaillé l'ensemble des éléments qu'ils ont retenus pour caractériser l'existence d'un établissement stable de la société APH Vitry en France ; que le jugement attaqué est ainsi suffisamment motivé sur ce point ; qu'ils ont répondu au moyen tiré de ce que l'administration avait connaissance de la liquidation judiciaire de la société APH Vitry au Luxembourg, en relevant que cette connaissance ne pouvait être opposée en l'absence de publication de la liquidation en France ; qu'enfin, pour écarter le moyen invoqué par la société APH Vitry à l'appui de sa contestation relative au bien-fondé de l'imposition, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments, a rappelé que la société APH Vitry n'avait pas cessé son activité, les éléments dont elle s'est prévalue, tels que des travaux parlementaires, un ouvrage de doctrine et une pratique de l'administration ne constituant que des arguments à l'appui de ce moyen ; que, dans ces conditions, le jugement attaqué est suffisamment motivé, sans que la requérante puisse utilement contester le bien-fondé des réponses apportées aux moyens dont les premiers juges étaient saisis pour critiquer la régularité en la forme de ce jugement ;


Sur le principe de l'imposition en France :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés (...) en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France (...) ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ;

5. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2 de la convention franco-luxembourgeoise susvisée : " 1. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires dans laquelle l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. 2. Au nombre des établissements stables figurent notamment : a) Les sièges de direction ; b) Les succursales ; c) Les bureaux (...) 3. On ne considérera pas qu'il y a " établissement stable " si : (...) - un lieu d'affaires est maintenu dans le pays sans autre objet que d'acheter des biens ou des marchandises ou de réunir des informations ; - un lieu d'affaires est maintenu dans le pays aux seules fins d'exposition, de publicité, de fourniture d'informations ou de recherches...

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