CAA de PARIS, Chambres réunies, 22/06/2015, 13PA04865, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme MILLE
Date22 juin 2015
Judgement Number13PA04865
Record NumberCETATEXT000030863046
CounselALLEN & OVERY
CourtCour administrative d'appel de Paris (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Overseas Financial Limited et la société Oaktree Finance Limited ont demandé au Tribunal administratif de Paris, à titre principal, d'annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l'économie et des finances a refusé d'autoriser la levée partielle de la mesure de gel des avoirs de la société Bank Sepah et, à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de deux questions préjudicielles.

Par un jugement n° 1205552 du 21 octobre 2013, le Tribunal administratif de Paris a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 décembre 2013, la société Overseas Financial Limited et la société Oaktree Finance Limited, représentées par MeC..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1205552 du 21 octobre 2013 du Tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision implicite du ministre de l'économie et des finances rejetant leur demande de levée partielle du gel des avoirs de la société Bank Sepah ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique de procéder à cette levée ou, subsidiairement, de procéder à un nouvel examen de leur demande ;

4°) à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles suivantes :

" 1 - La notion de mesure judiciaire au sens de l'article 17 du règlement n° 961/2010 concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran comprend-elle un acte introductif d'une instance judiciaire, tel qu'une citation à civilement responsable en procédure française '

2 - Dans la négative, doit-on considérer que le fait de réserver le bénéfice de la dérogation au gel des avoirs aux seuls tiers munis d'une décision de justice antérieure à la date de gel des avoirs, à l'exclusion de ceux munis d'une décision de justice postérieure mais qui est le fruit d'une procédure initiée antérieurement à cette même date, porte une atteinte disproportionnée aux droits fondamentaux que sont le droit de propriété et le droit à l'exécution d'une décision de justice ' " ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :
- le ministre chargé de l'économie a commis une erreur de droit en considérant que la citation directe de la banque Sepah en sa qualité de civilement responsable effectuée le 5 avril 2005 en vertu des articles 390 et 550 du code de procédure pénale ne constituait pas une mesure judiciaire au sens des dispositions du a) de l'article 17 du règlement n° 961/2010 autorisant le déblocage des fonds de la banque dans la limite de la somme au versement de laquelle elle a été condamnée ;
- à supposer que le terme de mesure judiciaire cité au a) de l'article 17 du règlement n° 961/2010 doive être interprété de manière restrictive et que la dérogation prévue par les dispositions de cet article ne vise que les décisions de justice antérieures, ce règlement, ainsi que la décision implicite du ministre, portent atteinte de manière disproportionnée, d'une part, à leur droit de propriété protégé par l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et, d'autre part, à leur droit à l'exécution d'une décision de justice garanti par l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et par le premier paragraphe de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mars 2014, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par les sociétés Overseas Financial Limited et Oaktree Finance Limited ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la résolution 1737 (2006) du 23 décembre 2006 du Conseil de sécurité des Nations unies ;
- la résolution 1747 (2007) du 24 mars 2007 du Conseil de sécurité des Nations unies ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
- le traité sur l'Union européenne ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (CE) n° 441/2007 de la Commission du 20 avril 2007 ;
- la décision 2010/413/PESC du Conseil du 26 juillet 2010 ;
- le règlement (UE) n° 961/2010 du Conseil du 25 octobre 2010 ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de MmeA...,
- et les conclusions de M. Sorin, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :

1. Les sociétés de droit américain Overseas Financial Limited et Oaktree Finance Limited ont été victimes en 1995 d'une fraude aux instruments financiers dans laquelle était impliqué le directeur de la succursale française de la banque iranienne Sepah. Par un arrêt du 26 avril 2007, la Cour d'appel de Paris, infirmant sur ce point le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 16 mai 2006, a jugé que la société Bank Sepah devait être tenue pour civilement responsable des agissements de son salarié et a condamné la banque, avec trois autres personnes physiques, à verser aux sociétés Overseas Financial Limited et Oaktree Finance Limited les sommes respectives de 2 500 000 dollars et 1 500 000 dollars. Le pourvoi en cassation dirigé contre cet arrêt a été rejeté par la chambre criminelle de la Cour de cassation le 10 septembre 2008. Après avoir conjointement obtenu le versement d'une somme de 264 581,69 euros par l'une des personnes...

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