CAA de VERSAILLES, 3ème chambre, 07/07/2015, 13VE01075, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BERGERET
Date07 juillet 2015
Record NumberCETATEXT000030855836
Judgement Number13VE01075
CounselPWC SOCIETE D'AVOCATS
CourtCour administrative d'appel de Versailles (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la requête, enregistrée le 5 avril 2013, présentée pour la société SCC dont le siège est 96 rue des Trois Fontanot à Nanterre (92000), par Me Priol, avocat ; la société SCC demande à la Cour :

1° à titre principal, d'annuler le jugement n° 1201115 du 7 février 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er avril 2004 au
31 juillet 2007 pour les sommes respectives de 15 719 250 euros, 5 285 173 euros et
2 156 828 euros en droits, intérêts de retard et majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;

2° de prononcer la décharge des rappels en litige ;

3° subsidiairement, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne, dans le cadre du renvoi préjudiciel, des questions suivantes :

a) " La France a-t-elle manqué à ses obligations en ne précisant pas suffisamment dans la réglementation - en ce compris la doctrine administrative - les cas et les conditions, telles que les vérifications et les diligences à satisfaire par les assujettis, notamment au regard des exigences de lutte contre la fraude, destinés à leur permettre de justifier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée dans le cadre des livraisons intracommunautaires de biens ' " ;
b) " La France méconnaît-elle les principes généraux de sécurité juridique et de confiance légitime en refusant à un assujetti le bénéfice de l'exonération de ses livraisons intracommunautaires, alors que l'assujetti a respecté les conditions et les vérifications énoncées par la réglementation - en ce compris la doctrine administrative - pour l'application de cette exonération ' " ;
c) " La France méconnaît-elle le principe général de proportionnalité en omettant de fixer dans la réglementation les conditions exactes et précises auxquelles l'exonération des livraisons intracommunautaires est applicable et celles dans lesquelles elle n'est pas applicable, et en faisant reposer sur les seuls assujettis la responsabilité de l'application de l'exonération ' " ;

4° de mettre à la charge de l'Etat, d'une part la contribution à l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts dont elle s'est acquittée en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative et, d'autre part, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation ;
- elle a mis en oeuvre des vérifications suffisantes avant, mais aussi pendant toute la durée des transactions d'achat-revente en gros de composants électroniques pour s'assurer de la fiabilité de ses partenaires commerciaux, le fournisseur monégasque Teckworld et son client de droit espagnol Green Mile ; elle a, notamment pour contrôler la validité du numéro d'immatriculation à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire de son client, consulté plusieurs bases de données, qui n'ont révélé aucune anomalie, mais aussi des tiers, tels que les autorités fiscales monégasques et le cabinet comptable monégasque Palmero afin de déterminer si son fournisseur était à jour du règlement de la taxe sur la valeur ajoutée ; les autorités espagnoles refusent quant à elles de communiquer ces renseignements, ce que l'administration française omet de préciser ; de plus, le risque fournisseur était en l'espèce plus important que le risque client dans la mesure où ce dernier la réglait avant la livraison des marchandises ; elle a également procédé à des vérifications physiques des matériels pendant la durée des transactions, notamment sur le site du transitaire, étant dans l'impossibilité de contrôler directement le circuit logistique constitué entre le fournisseur, le transitaire et le transporteur, les marchandises n'étant pas entreposées dans ses propres locaux ; près de huit mois avant l'intervention de l'administration, elle a cessé toute relation commerciale avec son client lorsque celui-ci n'a plus répondu à certaines de ses interrogations ; sa bonne foi doit dès lors être présumée ;
- elle dispose, pour justifier de l'effectivité des expéditions, d'éléments de preuve suffisants en dépit des erreurs matérielles figurant sur les lettres de voitures (CMR) ; l'ensemble de documents produits confirme la réalité des livraisons en direction de la Belgique ; les bons de commande adressés par son client mentionnent le lieu de livraison, ceux adressés par son fournisseur portent l'adresse du transitaire, les documents de transport (lettres de voiture internationale CMR) sont complétés par les différents intervenants ; elle dispose de télécopies de confirmation du transitaire Sertransit, et les factures émises par celui-ci récapitulent les transactions effectuées en direction de la Belgique à Sint Pieters, puis Ottignies et Wavre ;
- la doctrine administrative 3 A-3211, § 5, du 20 octobre 1999 ne fixe pas de liste exhaustive des documents à produire par le contribuable aux fins de justifier des expéditions intracommunautaires ; elle a communiqué à l'administration, et au tribunal, deux classeurs de pièces établissant la réalité des expéditions ; cette doctrine prévoyait que la validité du numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire de l'acquéreur suffisait à lui conférer le statut d'assujetti ; en l'espèce, la société Green Mile a communiqué son numéro d'immatriculation à la taxe en Espagne et elle-même en a vérifié la validité dès le début des transactions ; elle rapporte ainsi la preuve de son assujettissement ;
- elle a rempli les diligences prescrites par la doctrine précitée, et l'administration, bien qu'elle se prévale de la jurisprudence " Fauba France ", n'établit pas l'absence d'activité réelle de la société Green Mile à la date des opérations commerciales ;
- les livraisons intracommunautaires sont réelles et les griefs de l'administration, retenus par le tribunal, n'apportent pas la preuve du contraire ; d'abord, le caractère incomplet ou incohérent des documents de transport ne leur ôte pas toute pertinence eu égard à la nature des anomalies relevées ; de plus, ces documents ne sont pas établis par elle mais par un transporteur et un transitaire réputés ; les anomalies, en particulier relatives au poids des marchandises, ne privent pas davantage ces documents de transport de toute force probante ; ensuite, la vente de composants électroniques de haute valeur ne nécessite pas la mobilisation de moyens humains et matériels importants ; l'absence de tels moyens au sein de la société Green Mile ne pouvait donc éveiller le soupçon ; par ailleurs, les informations communiquées par l'administration fiscale espagnole au fisc français tendent à révéler l'existence de son client ; son adresse de domiciliation ne permet pas d'inférer son inexistence ; les adresses de livraison en Belgique, au domicile du gérant de la société Vette Services ou au siège de cette dernière, ne sont pas susceptibles de révéler l'impossibilité dans laquelle le destinataire final des marchandises aurait été de les réceptionner dès lors qu'il s'agit de biens de petite taille ne représentant que de faibles volumes ; l'abandon des locaux du siège de la société Vette Services, dont atteste l'administration fiscale belge, est postérieur à la période des opérations commerciales en litige ; elle n'avait pas l'obligation légale de se déplacer en Belgique ; outre qu'une telle exigence n'aurait pas permis de démontrer l'impossibilité de réceptionner les marchandises, elle outrepasse les exigences de la jurisprudence européenne ; exiger du contribuable qu'il vérifie la validité du numéro d'immatriculation à la taxe sur la valeur ajoutée du client avant chaque transaction méconnaît en effet le principe de proportionnalité ; le retrait, le 25 novembre 2005, de ce numéro d'immatriculation par les autorités fiscales espagnoles, précède la date de fin des transactions d'à peine deux mois ; la Cour des comptes a elle-même relevé le peu de fiabilité de la base de données " VIES " ; enfin, l'absence de numéro intracommunautaire chez l'acquéreur ou son refus de le communiquer n'autorise pas la remise en cause du droit à exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les transactions intracommunautaires ; le règlement des transactions par un opérateur hongkongais ne...

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