Cour Administrative d'Appel de Nantes, 3ème Chambre, 12/03/2015, 13NT02183, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeMme PERROT
Date12 mars 2015
Record NumberCETATEXT000030444459
Judgement Number13NT02183
CounselC/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
CourtCour Administrative d'Appel de Nantes (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2013, présentée pour la société Saupiquet, dont le siège est 11 avenue Dubonnet à Courbevoie Cedex (92407), par Me Vannini, avocat au barreau des Hauts-de-Seine ; la société Saupiquet demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-5431 du 24 mai 2013 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre de perception émis à son encontre le 23 juin 2010 par le trésorier payeur général du Finistère pour un montant de 377 977,09 euros ;

2°) d'annuler le titre de perception litigieux et de la décharger de la somme de
377 977,09 euros ;

3°) d'ordonner le remboursement de cette somme assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de sa réclamation ;

4°) le cas échéant, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à la validité de la décision de la Commission européenne n° 2005/239/CE du 14 juillet 2004 et de surseoir à statuer dans l'attente de sa décision ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le tribunal n'a pas analysé le moyen tiré de la violation par la Commission de l'article 14 du règlement n° 659/1999 et du principe de confiance légitime ; pour écarter le moyen tiré de la violation du principe d'égalité, le tribunal n'a pas expliqué en quoi les entreprises qui n'ont pas fait l'objet d'une récupération des aides versées se trouvaient dans une situation différente ;

- le titre de perception litigieux a été émis à l'issue d'une procédure contraire au principe général de droit communautaire relatif au respect des droits de la défense repris à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, dès lors qu'aucune véritable procédure contradictoire préalable lui permettant de faire valoir ses observations sur sa qualité de débiteur ainsi que sur le chiffrage ou la méthode de calcul du montant à restituer n'a été mise en oeuvre ;

- le titre de perception, qui se borne à mettre à sa charge la somme de 377 977,09 euros, est insuffisamment motivé et contraire au principe général du droit de l'Union européenne qui figure désormais au point 2. c) de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux ;

- en émettant un titre de perception dix ans après le versement des aides litigieuses aux entreprises de pêche et malgré les garanties données par l'administration, l'Etat a méconnu le principe de sécurité juridique et de confiance légitime ;

- le fait pour l'administration de procéder à la récupération d'exonérations de charges qu'elle avait elle-même consenties aux entreprises, alors qu'elle a laissé s'écouler le délai de prescription de cinq ans et qu'elle n'a délibérément mis en oeuvre aucune mesure d'exécution de la décision de la Commission mais a attendu sa condamnation par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) pour se retourner vers les entreprises, constitue une atteinte illégale au respect des biens, tel que protégé, simultanément, par l'article 17 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la créance est dans son principe totalement infondée puisqu'il existe un doute sérieux sur la validité de la décision de la Commission qui en constitue le fondement, ce qui justifie le renvoi d'une question préjudicielle en appréciation de sa validité à la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) ;

- en effet, en enjoignant à la France de procéder à la récupération des sommes en litige la Commission va à l'encontre de l'article 14 du règlement (CE) n° 659/2009 et porte atteinte au principe de confiance légitime ; sa décision est insuffisamment motivée quant aux conditions de distorsion de la concurrence et d'affectation des échanges entre les Etats membres, spécialement pour ce qui concerne la part salariale des cotisations ; elle est contraire à l'article 107 paragraphe 1 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne dans la mesure où la Commission a identifié une aide globale consistant tant dans l'exonération de la part patronale que de la part salariale alors que cette dernière ne constitue pas un " avantage " aux entreprises ; elle est également contraire à l'article 107 paragraphe 2 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et au règlement (CE) n° 659/1999 dans la mesure où l'aide aurait dû être déclarée compatible et que la Commission ne pouvait donc pas enjoindre à la France de procéder à sa récupération ;

- l'administration a commis plusieurs erreurs de droit dans la détermination du montant de la créance de restitution mise à sa charge en méconnaissance du principe d'égalité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 juin 2014 au ministre des finances et des comptes publics, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu la mise en demeure adressée le 16 juin 2014 au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2014, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut au rejet de la requête ;

il soutient que :

- la société Saupiquet, qui a été destinataire le 14 juin 2010 d'un courrier l'informant du montant de l'aide qui serait mis à sa charge en application de la décision de la Commission du 14 juillet 2004 et l'invitant à prendre contact avec la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture et l'Etablissement national des invalides de la marine (Enim) pour tout renseignement qu'elle aurait jugé utile, n'est pas fondée à soutenir que la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, seules applicables en l'espèce, n'aurait pas été respectée ;

- les dispositions relatives à la prescription en matière de cotisations sociales et au délai de 10 ans de conservation des documents comptables ne peuvent faire obstacle à la récupération d'une aide d'Etat contraire au droit communautaire ;

- le titre de perception contesté est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 81 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 et les dispositions de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ne sont pas invocables à cet égard ;

- en l'absence de circonstances exceptionnelles, la société Saupiquet ne peut utilement invoquer le principe de sécurité juridique et de confiance légitime dès lors que les aides litigieuses sont incompatibles avec le marché commun et ont été illégalement accordées par l'Etat français ;

- le titre de perception contesté ne concerne pas les exonérations de cotisations sociales bénéficiant aux salariés de la société requérante ;

- le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité ne peut qu'être écarté dès lors que les aides inférieures à 30 000 euros, qui remplissaient les critères du règlement de minimis, n'étaient pas illégales et n'avaient pas à être récupérées, qu'il n'y a pas lieu de récupérer une aide d'Etat auprès d'une entreprise qui n'agit plus sur le marché et que les autorités françaises ont systématiquement vérifié les conditions de cession des actifs des entreprises bénéficiaires des aides versées, et que, lorsque ces actifs ont été cédés à un prix inférieur au prix du marché, le remboursement de l'aide a été poursuivi auprès de l'entreprise repreneuse ; qu'enfin la société requérante a bénéficié d'une aide illégale...

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