Cour Administrative d'Appel de Versailles, 3ème Chambre, 12/05/2015, 12VE02023, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. BERGERET
Record NumberCETATEXT000030588035
Date12 mai 2015
Judgement Number12VE02023
CounselCMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Vu la requête, enregistrée le 1er juin 2012, présentée pour la société CGI FRANCE qui, ayant absorbé la société Logica It Services France, vient aux droits de la société LogicaCMG France dont le siège est 17 place des Reflets à Paris-la-Défense (92097), par Mes A... et Celestin-Urbain, avocats ; la Société CGI FRANCE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1004410, 1004411 du 29 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période allant du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2006, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de cotisation minimale de taxe professionnelle et de retenue à la source auxquels elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2006, ainsi que du prélèvement exceptionnel de 25 % mis à sa charge au titre de l'année 2005 ;

2° de prononcer la décharge des impositions supplémentaires en litige ;

3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat aux entiers dépens ;

Elle soutient que :

1. En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

- l'administration, dans le cadre de son contrôle, pas davantage le tribunal en première instance, ne sont parvenus à caractériser l'existence d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire faute d'en établir l'origine, la méthode et le circuit ni, par voie de conséquence, les montants prétendument dissimulés ; l'administration ne saurait simplement présumer l'existence d'une fraude de type " carrousel " mais doit en rapporter la preuve avant d'établir la participation consciente du contribuable au circuit frauduleux ; une telle démonstration nécessite d'expliciter le schéma commercial, ses participants et les modalités opératoires utilisées, notamment à quel stade du circuit, et par quels acteurs - clients ou fournisseurs - la taxe sur la valeur ajoutée a été fraudée, et à hauteur de quel montant ;
- a fortiori, le service n'établit pas qu'elle ne pouvait ignorer à la fois l'existence d'un tel circuit de fraude et sa participation à celui-ci ; en effet, le faisceau d'indices réuni par l'administration n'est pas pertinent en ce qu'il ne satisfait pas aux critères de preuve objectifs exigés par la jurisprudence communautaire et recensés dans la doctrine administrative référencée 3 A-7-07 du 30 novembre 2007 dont elle est fondée à se prévaloir, au nombre desquels figurent l'existence de liens juridiques entre participants, la facturation de prix anormalement bas, la fréquence des défaillances des fournisseurs successifs, leur adresse de domiciliation, leur absence de personnels et de moyens techniques d'exploitation et l'absence de documents attestant de la livraison des marchandises ;
- l'administration méconnaît les principes de proportionnalité et de sécurité juridique dès lors qu'elle s'abstient de démontrer que les informations dont elle était raisonnablement en mesure de disposer auraient dû la conduire à reconnaître l'existence d'un circuit commercial frauduleux et sa participation consciente à celui-ci ; en la circonstance, le service n'établit ni que ses clients européens étaient sans activité ni moyens, ni a fortiori qu'elle avait connaissance de cette réalité ; à cet égard, elle ne dispose pas des mêmes moyens d'enquête que l'administration, laquelle a mis en oeuvre l'assistance administrative mutuelle ; elle a accompli toutes les diligences normales qu'elle était en mesure d'accomplir pour s'assurer du sérieux de ses clients et sécuriser ses transactions ; il ne peut, dans cette mesure, lui être fait grief d'avoir méconnu que les sièges des sociétés clientes Amankila et Green Mile correspondaient à de simples adresses de domiciliation, alors que cette circonstance ne prouve pas par elle-même leur absence d'activité en Belgique où elles avaient indiqué des adresses de livraison des marchandises ; en outre, l'adresse bruxelloise comportait un local commercial permettant de réceptionner les composants électroniques livrés à la société Amankila et quant à celle d'Ottignies, en Belgique, ces livraisons étaient réceptionnées par la société DVT pour son compte, ce dont attestent les lettres CMR tamponnées par cette dernière entreprise ; les livraisons au profit de la société Green Mile, également en Belgique étaient réceptionnées à Sint Peters Leeuw par la société Vette Services, dont l'administration n'a contesté ni l'activité, ni le fait qu'elle disposait de locaux commerciaux à cette adresse ; si les informations transmises le 12 juin 2006, dans le cadre de l'assistance administrative internationale, font état de locaux vides, les relations commerciales avec cette cliente avaient, à cette date, cessé depuis le mois d'avril précédent ; pour les mêmes motifs, il ne peut lui être opposé que l'adresse italienne de livraison des marchandises au profit de la société Ziroco Tech était différente de celle du siège ; enfin, l'administration ne démontre pas qu'elle aurait eu connaissance de ce que la société Saint-Charles Consulting achetait ces biens informatiques auprès d'un intermédiaire, qui était également son fournisseur ;
- outre que le tribunal ne critique pas utilement les transactions effectuées avec les sociétés Kilmeston et Eddy Spring, il commet, dans le jugement attaqué, une série d'erreurs de fait : c'est à tort qu'il a estimé que son activité de vente de composants électroniques était nouvelle alors que, comme l'administration le relève dans la proposition de rectification, le groupe LogicaCMG est un acteur de premier plan dans le domaine des services informatiques ; il est également inexact de prétendre qu'elle a eu recours à un fournisseur unique pour chaque client dès lors que, par exemple, les biens vendus aux sociétés Amankila et Green Mile provenaient du même fournisseur monégasque, la société Teckworld ; de même, les transactions intracommunautaires n'ont pas fait intervenir un même collaborateur, ses autres personnels administratifs et financiers étant mobilisés pour la réception et le suivi des commandes ; par ailleurs, ni la célérité des paiements, ni la perception d'une marge uniforme de 3 % sur les transactions ne sauraient révéler l'existence d'un schéma commercial frauduleux ; il ne lui appartenait pas de vérifier l'expédition ni l'arrivée à destination des biens, mais seulement de s'assurer de leur sortie effective du territoire français, la réalisation d'opérations intercalaires dans le cadre de transactions triangulaires n'empêchant pas, en tout état de cause, l'exonération de taxe sur ces opérations comme en dispose l'article 141 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; la législation ne requiert pas davantage qu'elle se déplace chez ses clientes pour s'assurer de leur existence ; le tribunal n'a pas mis en oeuvre les critères de la doctrine précitée 3 A-7-07 du 30 novembre 2007 alors qu'elle avait produit de nombreux documents à l'administration, qui établissent la réalité de ses livraisons intracommunautaires ; les sociétés transitaires Kamino et Sertransit la comptaient parmi ses clientes, ainsi qu'en atteste le responsable " transport " au sein de celles-ci ; s'agissant des indices de nature à révéler
" un automatisme " révélateur d'un système de fraude, il y a lieu de préciser qu'elle a cessé son activité de négoce inaugurée en 2002, lors du rachat, en 2006, de la société Unilog, dont l'activité de fournitures de services informatiques était plus importante que la sienne ; l'arrêt de cette activité de négoce n'est donc en aucun cas révélateur d'un circuit de fraude ;
- elle a effectué des diligences, qui traduisent sa bonne foi ; les informations qu'elle a collectées ont été versées au dossier ; il s'agit notamment de certificats officiels, de type fiscal, bancaire et commercial, des numéros d'immatriculation à la taxe sur la valeur ajoutée de ses clientes, qu'elle a vérifiés, notamment dans le cadre de réunions organisées avec les dirigeants espagnols, connus des autorités de ce pays et en consultant le site internet " VIES ", comme en atteste une copie écran de la société Ziroco Tech datant de 2004, et, alors qu'elle n'était pas tenue à cette vérification comme le confirme la décision du Conseil d'Etat " Société Abacus Equipement Electronique " n° 312290 du 25 février 2011, d'autant que la Cour des comptes européenne a également relevé dans son rapport spécial de 2007 que la base " VIES " est peu fiable et ne permet pas de détecter les fraudes, ce qui rend difficile les vérifications de validité des numéros de taxe sur la valeur ajoutée des clients européens ; de plus, ses clientes émettaient des documents commerciaux et comptables conformes aux usages de la profession ; si elle s'est abstenue de produire les pièces justificatives de transport en première instance, c'est uniquement parce que celles-ci avaient d'ores et déjà été présentées à l'administration ; elle verse au dossier d'appel ces nombreuses pièces, qui sont probantes et établissent son droit à exonération de la taxe sur la valeur ajoutée sur les transactions intracommunautaires par application de l'article 262 ter I du code général des impôts ; ces pièces incluent des lettres de voiture CMR, des bons de commande, des avis de règlement à partir d'un établissement bancaire étranger, des doubles de factures, des correspondances commerciales, des factures de transport revêtues du cachet de l'entreprise cliente, numérisées sur CD Rom, étant relevé qu'un échantillon de ces documents est également fourni en version papier pour la société Amankila ; dans sa doctrine du
20 octobre 1999, l'administration reconnaît expressément que la preuve de l'existence du transport peut être apportée par tous moyens, et pas uniquement par la production de lettres CMR ; la lettre CMR tamponnée par les autorités douanières belges sur laquelle figurent les...

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