Cour Administrative d'Appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05/04/2007, 04NC00406, Inédit au recueil Lebon

Presiding JudgeM. DESRAME
Record NumberCETATEXT000017998888
Judgement Number04NC00406
Date05 avril 2007
CounselBLONDEL
CourtCour Administrative d'Appel de Nancy (Cours Administrative d'Appel de France)
Vu la requête, enregistrée le 6 mai 2004, complétée par des mémoires enregistrés les 21 juillet et 28 octobre 2004 et les 23 février et 8 août 2006, présentée pour la COMPAGNIE NATIONALE DES INGENIEURS ET EXPERTS FORESTIERS ET DES EXPERTS EN BOIS, dont le siège est 6-8 rue Chardin à Paris (75016), représentée par son président en exercice, et pour M. Jean-Pol X, demeurant ..., par Me Blondel, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; les requérants demandent à la Cour

1°) d'annuler le jugement n° 0101596 en date du 10 février 2004 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'ils ont subis du fait de l'illégalité de la décision du préfet de la Meuse ayant passé avec l'Office national des forêts de la Meuse et le Centre régional de la propriété forestière de Lorraine-Alsace (C.R.P.F.) des conventions relatives à la réalisation d'un schéma directeur de dessertes forestières pour le département de la Meuse

2°) d'annuler la décision résultant du silence gardé par le ministre chargé de l'agriculture et par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur la demande préalable du 9 avril 2001

3°) de condamner l'Etat à verser une somme de 44 210 € (290 000 F.) à la COMPAGNIE NATIONALE DES INGENIEURS ET EXPERTS FORESTIERS ET DES EXPERTS EN BOIS et une somme de 50 308 € (330 000 F.) à M. X, avec les intérêts légaux à compter de la requête introductive d'instance et les intérêts des intérêts

4°) de condamner l'Etat à leur payer une somme de 2 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Ils soutiennent que :

- le jugement est irrégulier car il vise les autres pièces du dossier sans autre précision, ce qui est contraire aux droits de la défense et à l'office du juge ; s'il vise la requête, le jugement ne comporte cependant aucune mention des mémoires déposés par les parties et notamment par les demandeurs avant la clôture de l'instruction ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, dont le jugement est entaché de nombreuses erreurs de droit et d'erreurs de fait, l'Etat a commis une faute en attribuant à l'Office national des forêts de la Meuse et au Centre régional de la propriété forestière de Lorraine-Alsace des subventions en violation du code des marchés publics, du principe de spécialité des établissements publics, de la liberté du commerce et de l'industrie et des règles internes et de droit communautaire en matière de concurrence ;

- le tribunal a ainsi fait une inexacte application du principe de spécialité des établissements publics ; le tribunal a aussi commis une grave erreur de droit en examinant conjointement les missions de l'Office national des forêts de la Meuse et du Centre régional de la propriété forestière de Lorraine-Alsace, alors que le principe de spécialité doit être apprécié de façon rigoureuse et par rapport à chaque établissement ; il a, de plus, méconnu les deux critères fixés par la jurisprudence du Conseil d'Etat pour justifier l'exercice par un établissement public d'autres activités annexes, faute d'avoir vérifié que la mise en place d'un schéma directeur des dessertes forestières était le complément normal de la mission statutaire et pouvait être directement utile à ces établissements ;

- les dispositions législatives et réglementaires relatives aux centres régionaux de la propriété forestière, et notamment les articles L. 221-1, L. 121-2 et R. 221-1 du code forestier, ne leur donnent pas compétence pour réaliser des prestations intellectuelles à caractère marchand susceptibles d'être réalisées par des professionnels du secteur privé ; le tribunal a omis de répondre au moyen tiré de ce que l'opération ne concerne pas seulement les forêts privées, qui relèvent des centres régionaux de la propriété forestière, mais aussi, à concurrence de 66 % de la surface concernée, la forêt dite domaniale, propriété de l'Etat ; comme l'a relevé l'avis du conseil de la concurrence en date du 31 mars 2005, la réalisation de schémas directeurs de dessertes forestières ne concerne aucune activité relevant de la compétence des centres régionaux de la propriété forestière ;

- c'est également à tort que le tribunal a estimé que le principe de spécialité régissant l'Office national des forêts, établissement public industriel et commercial, a été respecté ; à supposer même que l'opération ait été menée sur le fondement de l'article L. 121-2 du code forestier, la réalisation de prestations de services en qualité de maître d'ouvrage n'entre pas dans les compétences de l'Office ; par ailleurs, le schéma directeur est une étude qui n'avait pas pour objet de satisfaire les seuls besoins propres de l'Office national des forêts mais profite nécessairement et directement à l'Etat et aux propriétaires privés ;

- le tribunal a méconnu de façon grossière la jurisprudence du Conseil d'Etat sur la distinction entre les marchés publics de prestations et les contrats de subventions ; la mise en place concrète d'un schéma de dessertes forestières sur la base de l'article L. 121-4 du code forestier, qui s'analyse comme la réalisation de prestations de service de nature intellectuelle et à caractère marchand entrant dans les compétences des experts forestiers, constitue, par son objet et par la nature de l'opération, un véritable marché au sens technique du terme, peu important le fait que l'administration a accordé une subvention ; surtout, dès lors que l'Etat est seul à l'origine du projet de schéma directeur et qu'il verse des contributions en contrepartie de prestations de service nettement identifiées et individualisées assumées par les deux établissements publics, les contrats dits de subvention doivent être requalifiés en marchés publics ;

- c'est à tort que le tribunal, qui a fait une confusion entre marchés de travaux et marchés de service, a estimé que l'Office national des forêts et le Centre régional de la propriété forestière avaient la qualité de maître d'ouvrage alors qu'ils ne sont pas propriétaires des forêts considérées et que l'opération a été réalisée à la seule initiative de l'Etat et pour son compte et ses propres besoins ;

- c'est donc à tort, eu égard à la nature de l'opération, que le tribunal a estimé qu'étaient inopérants ou non fondés les moyens tirés de la violation des règles concernant les marchés publics et des règles de droit interne et de droit communautaire applicables en matière de concurrence ;

- l'administration a méconnu les règles de publicité et de mise en concurrence en matière de marchés publics, l'article 3-1 du code des marchés publics relatif aux contrats «in house» n'étant pas applicable en l'espèce ; l'administration a méconnu aussi la directive 92/50 du conseil du 18 juin 1992 prévoyant une procédure de publicité et de mise en concurrence pour les marchés passés entre un pouvoir adjudicateur et un prestataire de services ;

- comme le révèle l'avis du conseil de la concurrence précité, l'entente illicite au sens de l'article 7 de ladite ordonnance est établie ici en raison de l'exclusion concertée dont ont été victimes en fait les experts forestiers de la part des personnes publiques signataires ; au surplus, la conclusion des deux conventions litigieuses traduit en elle-même un abus de position dominante au sens de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 est ici avérées ;

- les articles 81, 82 et surtout 85 et 86 du traité instituant la...

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