Cour de cassation, Assemblée plénière, 6 novembre 2015, 13-25.467, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel (premier président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:AP00624
Case OutcomeRenvoi devant la Cour de justice de l'Union européenne
Appeal NumberP1500624
Date06 novembre 2015
Docket Number13-25467
CounselSCP Célice,Blancpain,Soltner et Texidor,SCP Gatineau et Fattaccini
CitationA rapprocher :Crim., 11 mars 2014, pourvoi n° 11-88.420, Bull. crim. 2014, n° 74 (rejet), et l'arrêt cité.Sur la portée du certificat E 101, cf. :CJCE, arrêt du 10 février 2000, Fitzwilliam Executive Search Ltd, C-202/97 ;CJCE, arrêt du 30 mars 2000, Barry Banks e.a., C-178/97 ;CJCE, arrêt du 26 janvier 2006, Herbosch Kiere, C-2/05
Subject MatterUNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union - Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 - Règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 - Articles 11, § 1, et 12 bis, § 1 bis - Certificat E 101 - Force probante - Etendue SECURITE SOCIALE - Généralités - Législation - Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 - Règlement (CEE) n° 574/72 du Conseil du 21 mars 1972 - Articles 11, § 1, et 12 bis, § 1 bis - Certificat E 101 - Effets - Etendue - Détermination - Renvoi à la Cour de justice de l'Union européenne
CourtAssemblée Plénière (Cour de Cassation de France)
Arrêt n° 624 P+B+R+I

Pourvoi n° A 13-25.467




LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société A-Rosa Flussschiff GmbH, dont le siège est Loggerweg 5, 18055 Rostock (Allemagne),

contre l'arrêt rendu le 12 septembre 2013 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section SB), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace, dont le siège est 16 rue Contades, 67307 Schiltigheim cedex, venant aux droits de l'URSSAF du Bas-Rhin,

2°/ à la société Sozialversicherunbganstalt des Kantons Graubunden, dont le siège est Ottostrasse 24 Postfach, 70010 Chur (Suisse),

défenderesses à la cassation ;

La deuxième chambre civile a, par arrêt du 13 mai 2015, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;

La demanderesse au pourvoi invoque, devant l'assemblée plénière, le moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

Ce moyen unique a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Célice, Blancpain et Soltner, avocat de la société A-Rosa Flussschiff ;

Un mémoire en défense et pourvoi incident ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) d'Alsace ;

La demanderesse au pourvoi incident invoque, devant l'assemblée plénière, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;

La SCP Célice, Blancpain et Soltner a déposé, au greffe de la Cour de cassation, un mémoire en réplique et un mémoire en défense au pourvoi incident ainsi que des observations complémentaires ;

Le rapport écrit de M. Truchot, conseiller, et l'avis écrit de M. Marin, procureur général, ont été mis à la disposition des parties ;

La SCP Gatineau et Fattaccini a déposé, au greffe de la Cour de cassation, des observations complémentaires ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 23 octobre 2015, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, M. Guérin, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, M. Chauvin, présidents, M. Truchot, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, M. Chollet, Mme Bignon, MM. Prétot, Pers, Mmes Fossaert, Dreifuss-Netter, MM. Savatier, Maunand, Fédou, Déglise, conseillers, M. Marin, procureur général, Mme Morin, directeur de greffe adjoint ;

Sur le rapport de M. Truchot, conseiller, assisté de M. Burgaud, auditeur, et de Mme Polèse-Rochard, greffier en chef au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Célice, Blancpain et Soltner, de la SCP Gatineau et Fattaccini, l'avis de M. Marin, procureur général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen unique, pris en sa première et en ses cinquième à dixième branches :

Vu l'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit allemand A-Rosa Flussschiff (la société), dont le siège est à Rostock en République fédérale d'Allemagne et qui dispose d'une succursale établie à Coire sur le territoire de la Confédération helvétique, exploite deux bateaux de croisière (Luna et Stella) en France, sur le Rhône et la Saône, entre Chalon-sur-Saône et Port-Saint-Louis-du-Rhône ; qu'à la suite d'un contrôle inopiné sur ces deux bateaux alors amarrés à Avignon, autorisé par le ministère public et diligenté par l'inspection du travail, la gendarmerie fluviale, les services fiscaux et l'URSSAF du Vaucluse, cette dernière a procédé à la vérification de la période courant du 1er avril 2005 au 30 septembre 2007 et relevé des irrégularités affectant la situation des salariés occupant des fonctions hôtelières ; que l'URSSAF du Bas-Rhin, aux droits de laquelle vient l'URSSAF d'Alsace (l'URSSAF), compétente pour le recouvrement des cotisations et contributions dues par les entreprises étrangères ne disposant pas d'un établissement en France, a notifié à la société, le 22 octobre 2007, les chefs de redressement retenus, puis, le 26 février 2008, une mise en demeure pour le recouvrement d'une somme de 2 024 123 euros ; que la société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de rejeter ce recours alors, selon le moyen :

1°/ qu'en vertu du principe d'unicité de la législation en matière de sécurité sociale, et en vertu de l'article 13 du règlement CEE n° 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, les personnes auxquelles le présent règlement est applicable ne sont soumises qu'à la législation d'un seul Etat membre ; que, selon le règlement CEE n° 574/72, la personne qui exerce son activité sur le territoire de deux ou plusieurs Etats membres informe de cette situation l'institution désignée par l'autorité compétente de l'Etat membre sur le territoire duquel elle réside, laquelle lui remet un certificat (E 101) attestant qu'elle est soumise à sa législation ; qu'aussi longtemps que le certificat E 101 n'est pas retiré ou déclaré invalide, l'institution compétente de l'Etat membre dans lequel sont détachés les travailleurs doit tenir compte du fait que ces derniers sont déjà soumis à la législation de sécurité sociale de l'Etat où l'entreprise qui les emploie est établie et cette institution ne saurait, par conséquent, soumettre les travailleurs en question à son propre régime de sécurité sociale (CJCE, 26 janvier 2006 aff. 2/05, 4e ch., Rijksdienst voor Sociale Zekerheid c/ Herbosch Kiere NV, Rec. I-1079) ; qu'une juridiction de l'Etat membre d'accueil desdits travailleurs n'est donc pas habilitée à vérifier la validité d'un certificat E 101 en ce qui concerne l'attestation des éléments sur la base desquels un tel certificat a été délivré, notamment l'existence d'un lien organique, au sens des articles 14, paragraphes 1 et 2 du règlement n° 1408/71 ; qu'en l'espèce la société A-Rosa a versé aux débats des certificats de détachement (E 101) délivrés par l'administration suisse pour une très grande partie des salariés de nationalité étrangère travaillant de manière saisonnière sur ses deux bateaux Luna et Stella exploités en France ; que par application de la réglementation européenne, ces certificats, valides et non retirés, attestaient de l'affiliation des salariés concernés au régime de sécurité sociale suisse, ce qui, au regard du principe de territorialité, interdisait à l'URSSAF de les assujettir également en France ; qu'en décidant néanmoins que les salariés visés par ces certificats devaient être assujettis au régime français de sécurité sociale, la cour d'appel a violé les articles 13 et 14 paragraphe 2 a) i) du règlement communautaire n° 1408/71, et 11 et 12 bis paragraphes 1 a) et 2 a) du règlement communautaire n° 574/72 pris pour son application, et la décision n° 381 de la commission administrative du 13 décembre 2000 et l'article 5 du règlement CE n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 ;

(...)

5°/ qu'en se fondant - pour refuser de faire application des certificats E 101 délivrés au visa exprès de l'article 14.2 a) i) du règlement n° 1408/71 rattachant les salariés concernés au régime de sécurité sociale suisse - sur la circonstance selon laquelle « les seuls certificats E 101 produits ont été délivrés au visa exprès exclusif de l'article 14.2) a) dudit règlement européen n° 1408/71. Ils ne peuvent emporter application de l'exception prévue à l'article 14.1) a) du même règlement que revendique la société appelante », cependant que la société se prévalait en appel des dispositions de l'article 14.2) a) i) dudit règlement n° 1408/71, et non de l'article 14.1) a) du règlement européen n° 1408/71, pour justifier le rattachement des salariés au régime de sécurité sociale suisse, la cour d'appel a dénaturé les conclusions d'appel de la société A-Rosa et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en se fondant encore, pour écarter les certificats E 101 délivrés par l'Etat suisse visant l'article 14.2) a) i), sur la circonstance selon laquelle la société A-Rosa s'est également prévalue des dispositions de l'article 14.1 a) du règlement n° 1408/71, cependant que cette circonstance était inopérante et n'était pas de nature à priver lesdits certificats E 101 de leur valeur légale, la cour d'appel a violé les articles 13 et 14 paragraphe 2 a) du règlement communautaire n° 1408/71, et 12 bis paragraphes 1 a) et 2 a) et b du règlement communautaire n° 574/72 ;

7°/ qu'en se fondant encore sur le motif tout aussi inopérant selon lequel les certificats E 101 produits aux débats ne mentionnaient pas le nom des bateaux concernés, cependant que cette exigence n'était pas impérative, le formulaire, rédigé par l'administration, devant viser les « nom(s) ou raison(s) sociale(s) de l'entreprise ou du navire », la cour d'appel a encore violé les articles 13 et 14 paragraphe 2 a) du règlement communautaire n° 1408/71, et 12 bis paragraphes 1 a) et 2 a) et b) du règlement communautaire n° 574/72 pris pour son application ;

8°/ qu'une juridiction de l'Etat membre d'accueil n'est pas habilitée à vérifier la validité d'un certificat E 101 en ce qui concerne l'attestation des éléments sur la base desquels un tel certificat a été délivré, notamment l'existence d'un lien organique entre l'entreprise qui détache un travailleur et le travailleur détaché (CJCE, 26 janvier 2006, aff. 2/05, 4e ch., Rijksdienst voor Sociale Zekerheid c/ Herbosch Kiere NV, point 32) ; qu'en conséquence en décidant, après avoir pourtant constaté qu'« il n'y a pas lieu de mettre en doute la validité des certificats E 101 qui sont produits aux débats », que « dès lors que les personnels en cause n'ont...

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