Cour de cassation, Assemblée plénière, 10 novembre 2017, 17-82.028, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel (premier président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:CR90634
Case OutcomeRejet
Docket Number17-82028
CitationSur la caractérisation de la participation indirecte de l'autorité publique à l'obtention de preuves illicites ou déloyales, évolution par rapport à :Crim., 20 septembre 2016, pourvoi n° 16-80.820, Bull. crim. 2016, n° 244 (cassation)
Date10 novembre 2017
CounselSCP Piwnica et Molinié,SCP Spinosi et Sureau
Appeal NumberC1790634
Subject MatterCHAMBRE DE L'INSTRUCTION - Nullités de l'instruction - Examen de la régularité de la procédure - Annulation d'actes - Procès-verbal - Retranscription d'un enregistrement obtenu de façon illicite par une partie privée - Participation indirecte de l'autorité publique à l'obtention des enregistrements - Atteinte au principe de loyauté des preuves - Conditions - Détermination - Portée
CourtAssemblée Plénière (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

COUR DE CASSATION LM


ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE


Audience publique du 10 novembre 2017


M. X..., premier président


Arrêt n° 634 P+B+R+I
Pourvoi n° N 17-82.028





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LA COUR DE CASSATION, siégeant en ASSEMBLÉE PLÉNIÈRE, a rendu l'arrêt suivant :

REJET du pourvoi formé par :

1°/ M. Eric Y..., domicilié [...] ,

2°/ Mme Catherine Z..., domiciliée [...] ,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Reims, en date du 16 février 2017, qui, sur renvoi après cassation (Crim., 20 septembre 2016, n° 16-80.820), dans l'information suivie contre eux des chefs de chantage et d'extorsion de fonds, a rejeté leur demande en annulation de pièces de la procédure AR ;

Par ordonnance du 11 mai 2017, le président de la chambre criminelle a joint les pourvois et prescrit leur examen immédiat ;

La chambre criminelle a, par arrêt du 6 septembre 2017, décidé le renvoi de l'affaire devant l'assemblée plénière ;

Les demandeurs invoquent, devant l'assemblée plénière, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié ;

Un mémoire en défense a été déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Spinosi et Sureau, avocat du Royaume du Maroc ;

Le rapport écrit de Mme A..., conseiller, et l'avis écrit de M. B..., avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en assemblée plénière, en l'audience publique du 27 octobre 2017, où étaient présents : M. X..., premier président, Mme Flise, Mme Batut, M. Frouin, Mme Mouillard, MM. Chauvin, Soulard, présidents, Mme A..., conseiller rapporteur, Mme J..., MM. C..., D..., E..., F..., G..., Bureau, Mmes Schneider, Orsini, MM. Vigneau, Boiffin, conseillers, M. B..., avocat général, Mme Morin, directeur de greffe adjoint ;

Sur le rapport de Mme A..., conseiller, assisté de M. Mihman, auditeur au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, de la SCP Spinosi et Sureau, l'avis de M. B..., avocat général, auquel les parties, invitées à le faire, n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que, le 20 août 2015, M. H..., avocat, agissant au nom du Royaume du Maroc, a dénoncé au procureur de la République des faits de chantage et d'extorsion de fonds en joignant à sa plainte l'enregistrement d'une conversation qui s'était déroulée le 11 août précédent entre le représentant de cet Etat, M. I..., et M. Y..., auteur avec Mme Z... d'un livre paru en 2012 sous le titre "Le Roi prédateur", conversation au cours de laquelle M. Y... aurait sollicité le paiement d'une somme d'argent contre la promesse de ne pas publier un nouvel ouvrage consacré au souverain marocain ; qu'au cours de l'enquête préliminaire ouverte sur ces faits, M. I... a produit le 21 août l'enregistrement d'une nouvelle conversation qu'il venait d'avoir avec M. Y..., en un lieu placé sous la surveillance des enquêteurs, qui en ont par ailleurs retranscrit la teneur sur procès-verbal ; qu'après ouverture, le 26 août, d'une information judiciaire, M. I... a informé les enquêteurs qu'un nouveau rendez-vous avait été pris avec M. Y... et Mme Z... le 27 août, lequel s'est déroulé en un lieu également placé sous surveillance policière ; qu'à l'issue de la conversation entre les trois protagonistes, enregistrée par M. I..., des sommes d'argent ont été remises par ce dernier aux deux journalistes, qui ont alors été interpellés, les enquêteurs retranscrivant l'enregistrement sur procès-verbal ; que, mis en examen des chefs de chantage et extorsion de fonds les 28 et 29 août 2015, M. Y... et Mme Z... ont saisi la chambre de l'instruction de deux requêtes en nullité notamment des procès-verbaux de retranscription des enregistrements des 21 et 27 août 2015 et des actes subséquents ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Y... et Mme Z... font grief à l'arrêt de rejeter le moyen de nullité pris de la participation indirecte des autorités publiques au recueil des preuves produites par un particulier et dire n'y avoir lieu à annulation d'un acte ou d'une pièce de la procédure alors, selon le moyen :

1°/ que la mise en place d'un dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés, la captation, la fixation, la transmission et l'enregistrement de paroles prononcées à titre privé ou confidentiel, dans des lieux publics ou privés, n'est autorisée que lorsque l'information porte sur un crime ou un délit entrant dans le champ d'application de l'article 706-73 du code de procédure pénale ; que la chambre de l'instruction a relevé que "les enquêteurs ne pouvaient pas juridiquement procéder à la sonorisation de l'endroit où avaient lieu les rencontres" ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les enquêteurs ont procédé indirectement, par l'intermédiaire du représentant du plaignant, à l'obtention de telles preuves ; qu'en validant les enregistrements tandis que les enquêteurs ont obtenu ces preuves en dehors de tout cadre légal, la chambre de l'instruction n'a pas donné de base légale à sa décision ;

2°/ que le droit au procès équitable et le principe de loyauté des preuves imposent aux autorités publiques de ne pas participer, directement ou indirectement, dans la confection irrégulière de preuves ; que l'autorité publique participe indirectement à l'obtention des enregistrements par un particulier dès lors que sont établis la présence constante des enquêteurs sur les lieux de rencontres, la remise à ceux-ci, par le particulier, des enregistrements suivis de leur retranscription, les contacts réguliers entre les enquêteurs et le particulier et l'autorité judiciaire, éléments conduisant à l'interpellation des mis en cause ; qu'en se fondant précisément sur ces mêmes éléments d'"existence de contacts réguliers entre maître I... et les enquêteurs", de "surveillances policières mises en place par les enquêteurs lors des rencontres des 21 et 27 août 2015", de "remise des enregistrements dès la fin des rencontres et la transcription des propos par les services enquêteurs" et de "contacts téléphoniques intervenus entre maître I... et les enquêteurs au cours de la rencontre du 27 août 2015 ayant permis l'interpellation d'Eric Y... et de Catherine Z... en possession des 80 000 euros et d'exemplaires de l'engagement de renonciation à publication", pour estimer cependant que cette participation des enquêteurs dans l'administration de ces preuves était valide, la chambre de l'instruction a méconnu les textes et le principe précités ;

3°/ que porte atteinte au procès équitable et au principe de loyauté des preuves l'enregistrement effectué par les autorités publiques par le truchement d'un tiers et ayant pour but d'obtenir des indices de commission d'une infraction ; que les mis en examen invoquaient l'administration des preuves par les autorités publiques par les enregistrements clandestinement réalisés par l'avocat du plaignant sur les instructions constantes des autorités de poursuite, d'enquête et d'instruction ; qu'en estimant les enregistrements valables en ce que la preuve d'une instigation par les services enquêteurs n'était pas rapportée sans répondre aux arguments péremptoires des mis en examen et en mentionnant au contraire que ces derniers ne reprochaient pas une instigation des services de police, la chambre de l'instruction n'a pas justifié sa décision et a méconnu les textes et le principe susvisés ;

4°/ qu'en déduisant l'absence d'instigation par les services enquêteurs de l'absence de participation des services de police à l'enregistrement du premier entretien du 11 août 2015 tandis que cet enregistrement ne fait pas l'objet de la requête en nullité, ou encore du risque de dépossession des moyens d'action d'une victime, la chambre de l'instruction s'est prononcée par des motifs inopérants à justifier l'absence d'instigation ;

Mais attendu que l'arrêt retient qu'il apparaît légitime, de la part d'une victime ayant déposé plainte pour chantage et extorsion de fonds, d'informer les enquêteurs de l'avancement des...

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