Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 26 juin 1995, 95-82.333, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Le Gunehec
Case OutcomeRejet
CounselFarge et Hazan,la SCP Nicolay et de Lanouvelle,M. Cossa,la SCP Masse-Dessen,Georges et Thouvenin.,la SCP Waquet
Docket Number95-82333
Date26 juin 1995
CitationCONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1988-12-21, Bulletin criminel 1988, n° 445, n° 1178 (cassation partielle par voie de retranchement sans renvoi) et l'arrêt cité ; Chambre criminelle, 1994-06-14, Bulletin criminel 1994, n° 236, p. 570 (rejet) . CONFER : (3°). (2) A rapprocher : Chambre criminelle, 1963-03-14, Bulletin criminel 1963, n° 122, p. 243 (cassation partielle) ; Chambre criminelle, 1986-05-28, Bulletin criminel 1986, n° 180, p. 461 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1987-06-12, Bulletin criminel 1987, n° 243, p. 663 (rejet) ; Chambre criminelle, 1988-02-23, Bulletin criminel 1988, n° 90, p. 232 ; Chambre criminelle, 1988-04-19, Bulletin criminel 1988, n° 167 (2), p. 434 (cassation sans renvoi). CONFER : (5°). (3) Cf. Chambre criminelle, 1912-03-23, Bulletin criminel 1912, n° 173, p. 304 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1928-02-02, Bulletin criminel 1928, n° 45, p. 90 (rejet), et l'arrêt cité. CONFER : (6°). (4) A rapprocher : Chambre civile 1, 1994-02-02, Bulletin 1994, I, n° 45, p. 35 (rejet), et l'arrêt cité ; Assemblée plénière 1995-06-30, Bulletin Assemblée plénière 1995, n° 3, p. 5 (arrêt n° 1) (cassation partielle). CONFER : (7°). (5) Cf. Chambre criminelle, 1995-06-05, Bulletin criminel 1995, n° 146, p. 400 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1989-01-06, Bulletin criminel 1989, n° 3, p. 6 (rejet), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1992-03-12, Bulletin criminel 1992, n° 112, p. 291 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 1993-01-20, Bulletin criminel 1993, n° 29, p. 63 (rejet), et les arrêts cités.
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 1995 N° 235 p. 646

REJET des pourvois formés par :

- X... Alain,

- Y... Jean-Louis,

- Z... Jean-Jacques,

- A... Louis,

contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, en date du 7 avril 1995, qui, dans l'information suivie contre eux des chefs d'abus de biens sociaux, complicité et recel d'abus de biens sociaux, corruption et complicité, subornation de témoins, a rejeté leurs requêtes en nullité de pièces de la procédure.

LA COUR,

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle de la Cour de Cassation en date du 28 avril 1995 ordonnant la jonction des pourvois et prescrivant leur examen immédiat ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense et les observations complémentaires présentées après dépôt du rapport ;

Attendu que, dans l'information en cause, il est reproché à Alain X..., qui était maire de Grenoble depuis 1983, ministre délégué à l'Environnement de mars 1986 à mai 1988 et ministre de la Communication d'avril 1993 à juillet 1994 ainsi qu'à Jean-Louis Y..., son chargé de mission, puis son conseiller, dans ces deux postes ministériels :

1o d'avoir fait financer et racheter en 1989, par des filiales de la société Lyonnaise des Eaux, dont Louis A... était le directeur régional à Grenoble et Jean-Jacques Z... le directeur général, le groupe Dauphiné-News, ayant édité à l'occasion des élections municipales de mars 1989 des publications favorables à Alain X..., et qui laissait des pertes de l'ordre de 12 MF ;

2o d'avoir fait financer, par le groupe C... et la société Lyonnaise des Eaux de 1989 à 1993, la Société Whip, constituée entre Jean-Louis Y..., sa soeur, deux autres membres des cabinets d'Alain X... et la holding du groupe C..., alors que cette société, immatriculée le 23 juin 1988, a, d'une part, acheté le 19 décembre 1988, au prix de 7 MF, à une filiale immobilière du groupe C... qui le donnait à bail depuis le 12 mars 1986 à Jean-Louis Y..., un appartement 286, boulevard Saint-Germain à Paris, dont trois pièces auraient été occupées entre 1988 et 1993 par Alain X... et, d'autre part, aurait rémunéré des collaborateurs du ministre ayant quitté le service public ou désirant cumuler des emplois ;

3o d'avoir fait prendre en charge par le groupe C..., entre 1984 et 1993, à hauteur de 4 MF environ, le transport d'Alain X... par avions privés, le plus souvent entre Grenoble et Paris, mais aussi à l'étranger, pour des déplacements familiaux ou de loisirs ;

Attendu qu'il est apparu que ces divers avantages pouvaient, en application d'un pacte de corruption, être la contrepartie de la concession du service des eaux de la ville de Grenoble accordée pour 25 ans, entre juillet et octobre 1989, à la Cogese, filiale commune de la Lyonnaise des Eaux et du groupe C... ;

Attendu qu'enfin, Alain X... et Jean-Louis Y... auraient, au cours de l'information, exercé des pressions sur des témoins, notamment Marc-Michel C..., Patrick B..., secrétaire général de la mairie de Grenoble, Véronique D..., membre du cabinet du ministre de la communication et Pierrette E... ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation proposé par Alain X... et pris de la violation des articles 173, 52, 90, 186 du Code de procédure pénale :

" il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté le moyen de nullité des actes de la procédure tiré de ce que le juge d'instruction et les juridictions de droit commun étaient incompétentes pour connaître des faits qui étaient susceptibles d'avoir été commis par X... dans l'exercice de ses fonctions de ministre, et auraient relevé de la compétence exclusive de la Cour de justice de la République ;

" alors que la chambre d'accusation étant saisie d'une demande de nullité de la procédure sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale, en l'absence de tout déclinatoire de compétence, n'avait pas le pouvoir de trancher une question de compétence dont elle n'était pas régulièrement saisie ; qu'elle a ainsi excédé ses pouvoirs " ;

Attendu qu'ayant lui-même saisi la chambre d'accusation, sur le fondement de l'article 173 du Code de procédure pénale, d'une requête en annulation des pièces de la procédure à compter du 6 octobre 1994, à raison de l'incompétence du juge d'instruction, le demandeur ne saurait reprocher aux juges d'avoir excédé leurs pouvoirs en statuant sur cette demande ; qu'au demeurant, l'incompétence du juge est une cause de nullité des actes accomplis par lui en dehors de ses attributions légales et peut être soulevée en tout état de la procédure ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Sur le deuxième moyen de cassation d'Alain X... pris de la violation des articles 68-1, 68-2 de la Constitution, 13 et 14 de la loi organique du 23 novembre 1993, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale, excès de pouvoir :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité des actes de la procédure tiré de ce que le juge d'instruction et les juridictions de droit commun étaient incompétentes pour connaître des faits qui étaient susceptibles d'avoir été commis par X... dans l'exercice de ses fonctions de ministre, et auraient relevé de la compétence exclusive de la Cour de justice de la République ;

" aux motifs que les faits dont est saisi le magistrat instructeur n'ont pas été commis dans l'exercice des fonctions ministérielles de X... et que la juridiction de droit commun reste compétente pour connaître des faits commis par un membre du Gouvernement en dehors de l'exercice de ses fonctions ;

" alors qu'il appartient à la Cour de justice de la République seule de déterminer si les faits actuellement reprochés à un ministre auraient été commis par celui-ci dans l'exercice ou en dehors de ses fonctions de ministre ; que la juridiction d'instruction de droit commun devait, dès lors que la question du lien entre certains faits et les fonctions ministérielles d'un mis en examen était posée, en renvoyer l'examen à la Cour de Justice de la République et notamment à la commission des requêtes de cette Cour ; qu'en statuant elle-même sur cette question préjudicielle échappant à sa compétence, la chambre d'accusation a excédé ses pouvoirs et méconnu les textes précités " ;

Attendu qu'il ne saurait être fait grief à la chambre d'accusation d'avoir statué elle-même sur la compétence de la juridiction de droit commun sans renvoyer la question préjudicielle à la Cour de justice de la République, dès lors qu'il appartient à tout juge d'apprécier sa propre compétence et qu'aucune dérogation n'est apportée à ce principe, ni par l'article 68-1 de la Constitution, ni par la loi organique du 23 novembre 1993 ;

D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;

Sur le troisième moyen de cassation d'Alain X... pris de la violation des articles 20, 68-1 et 68-2 de la Constitution, 13 et 14 de la loi organique du 23 novembre 1993, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté le moyen de nullité des actes de la procédure tiré de ce que le juge d'instruction de droit commun était incompétent pour connaître de faits qui étaient susceptibles d'avoir été commis par X... dans l'exercice de ses fonctions de ministre, et auraient relevé de la compétence exclusive de la Cour de justice de la République ;

" aux motifs que les faits reprochés à X... ne sont pas liés à sa participation à la détermination et à la conduite de la politique de la Nation ; que les actes de complicité et de recel d'abus de biens sociaux portant sur des capitaux ou des biens privés, les actes de corruption liés à l'attribution du service de distribution d'eau de la ville de Grenoble dont il est le maire, sont étrangers à cette participation ;

" alors, d'une part, que peuvent être réputés commis par un membre du Gouvernement dans l'exercice de ses fonctions des faits qui, sans être le résultat direct de sa participation à la détermination ou à la conduite de la politique de la Nation, sont liés à sa qualité et ont été commis à l'occasion de celle-ci ;

" alors, d'autre part, que sont nécessairement commis dans l'exercice des fonctions de ministre des faits d'utilisation prétendument irrégulière d'un appartement à Paris ou des services d'une société exploitant des avions privés, dont il résulte sans ambiguïté de l'arrêt attaqué qu'ils ont été commis au moins pour partie pendant l'exercice des fonctions ministérielles de X..., et nécessairement liés à l'exercice de ces fonctions qui exigeaient sa présence à Paris ; qu'ainsi, la chambre d'accusation a encore violé les textes précités ;

" alors, enfin, que dès lors que partie des faits étaient susceptibles d'avoir été commis dans l'exercice des fonctions ministérielles, l'ensemble de la procédure relevait de la compétence de la Cour de justice de la République ; "

Attendu que, pour rejeter le grief d'incompétence du juge d'instruction, la chambre d'accusation retient qu'il résulte de l'article 68-1 de la Constitution, tel que modifié par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993, que les juridictions répressives de droit commun peuvent être saisies et conservent leur compétence à l'égard des crimes et délits susceptibles d'avoir été commis par un membre du Gouvernement en dehors de l'exercice de ses fonctions, celles-ci étant caractérisées, aux termes de l'article 20 de la Constitution, par la participation à la détermination et à la conduite de la politique de la Nation ;

Attendu qu'analysant les actes reprochés à Alain X..., les juges observent que la relation de corruption se serait établie entre, non pas le ministre, mais le maire de Grenoble et des sociétés commerciales de droit privé, à propos de la concession d'un service public de la collectivité grenobloise et non d'un marché de l'Etat, et que les recels d'abus de biens sociaux ne porteraient que sur des fonds privés ; que l'utilisation de l'appartement du boulevard Saint-Germain n'a été qu'occasionnelle lorsque Alain X..., étant ministre, disposait d'un logement de fonctions ; qu'enfin, la...

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