Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 14 mai 2003, 02-81.217, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Cotte
Case OutcomeRejet
Counsella SCP Defrenois et Levis,la SCP Nicolay et de Lanouvelle,la SCP Waquet,Farge et Hazan.
CitationCONFER : (1°). (1) Cf. Chambre criminelle, 2001-06-27, Bulletin criminel 2001, n° 164 (1°), p. 541 (cassation), et les arrêts cités ; Chambre criminelle, 2002-04-10, Bulletin criminel 2002, n° 85, p. 287 (rejet) ; Chambre criminelle, 2002-05-07, Bulletin criminel 2002, n° 106, p. 361 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1997-10-27, Bulletin criminel 1997, n° 352 (4°), p. 1169 (rejet), et les arrêts cités.<br/>
Docket Number02-81217
Date14 mai 2003
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2003 N° 97 p. 372
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatorze mai deux mille trois, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller CHALLE, les observations de la société civile professionnelle DEFRENOIS et LEVIS, de la société civile professionnelle NICOLAY et de LANOUVELLE, et de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LAUNAY ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Marcel,

- X... Pierre,

- Y... Henri,

- LA REGION RHONE-ALPES, partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de LYON, 7ème chambre, en date du 23 janvier 2002, qui a condamné Marcel et Pierre X..., pour abus de biens sociaux, le premier, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 120 000 euros d'amende, le second, à 2 ans d'emprisonnement avec sursis et 80 000 euros d'amende et chacun à 5 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, Henri Y..., pour recel d'abus de biens sociaux, à 1 an d'emprisonnement avec sursis, 10 000 euros d'amende et 2 ans d'inéligibilité, et a déclaré irrecevable la constitution de partie civile de la région Rhône-Alpes ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à la suite de lettres anonymes reçues courant mai et juillet 1997, dénonçant un système occulte de financement personnel et politique mis en place par Henri Y..., alors député du Rhône et adjoint au maire de Lyon, avec le concours de Jean-Claude Z..., dirigeant de sociétés ayant pour activité l'ingénierie de la construction, et impliquant plusieurs entreprises du bâtiment, notamment la société X... dirigée par Pierre et Marcel X..., le procureur de la République de Lyon a ordonné une enquête préliminaire le 8 juillet 1997, puis requis l'ouverture d'une information judiciaire, des chefs d'abus de biens sociaux, recel et corruption ;

Que les investigations ont permis d'établir que Pierre et Marcel X... avaient fait supporter par la société X... des dépenses indues, notamment, le versement de commissions aux époux Z..., l'octroi d'avances de fonds à une société Arene contrôlée par ces derniers, le règlement de travaux dans un appartement acquis par Dominique A..., épouse Z..., ainsi que le paiement des loyers et charges de cet appartement ; qu'en outre, les frères X... avaient consenti des avantages injustifiés à Henri Y..., d'abord en réglant des factures à la société DG Communication pour le compte de l'association Forum européen qu'il présidait, ensuite en accordant des avances de trésorerie à cette association, enfin en minorant le coût des travaux réalisés dans sa résidence secondaire ;

Qu'à l'issue de l'information, plusieurs personnes ont été renvoyées devant la juridiction correctionnelle et déclarées coupables des chefs susvisés ; que seuls se sont pourvus en cassation Pierre et Marcel X..., Henri Y... et la région Rhône-Alpes, partie civile ;

En cet état ;

Sur le premier moyen de cassation, proposé pour Pierre et Marcel X..., pris de la violation des articles L. 242-6 du Code de commerce, 6, 8, 591 et 593 du Code de procédure pénale ;

"en ce que la cour d'appel a écarté l'exception de prescription soulevée par deux personnes (Marcel X... et Jean-Pierre X...) prévenues d'abus de biens sociaux, les a déclarées coupables et leur a infligé des peines d'emprisonnement avec sursis et d'amende et une interdiction de l'ensemble de leurs droits civiques, civils et de famille ;

"1 / aux motifs propres que le point de départ de la prescription, en matière d'abus de biens sociaux, était le jour où le délit était apparu et avait pu être constaté dans des conditions permettant l'exercice de l'action publique ; qu'il se déduisait des articles L. 223-23 et L. 225-254 du Code de commerce que ce jour était celui de la présentation, en vue de leur approbation par l'assemblée générale des associés, des comptes annuels établis à la clôture de chaque exercice et dans lesquels étaient enregistrées les opérations susceptibles de caractériser l'infraction, sous réserve toutefois que cette présentation ne recèle aucune dissimulation et qu'elle ait eu ainsi pour effet de créer les conditions permettant la mise en mouvement de l'action publique ; que cet effet était attaché à la présentation des comptes annuels, dès lors que sauf dissimulation, les associés qui assistaient à l'assemblée générale au cours de laquelle elle avait eu lieu, avaient alors connaissance des comptes par lesquels les dépenses litigieuses avaient été mises indûment à la charge de la société (arrêt p. 21) ; que les dépenses contraires à l'intérêt social demeuraient ainsi dissimulées lorsque les comptes étaient faux en ce qu'ils ne les révélaient pas fidèlement dans leur montant ou dans leur cause ; que la plupart des dépenses mises indûment à la charge de la société avaient été enregistrées en comptabilité sur la base de factures sans contrepartie ou comportant de fausses indications, ce qui caractérisait une dissimulation (arrêt p. 22) ;

"alors que l'éventuelle absence de cause d'une opération ou le caractère erroné des pièces la constatant n'emportent pas dissimulation, dès lors que l'opération figure dans les comptes annuels, de sorte que la cour d'appel aurait dû déduire de ses constatations l'absence de dissimulation des opérations litigieuses et fixer le point de départ de la prescription à la date de présentation des comptes ;

"2 / aux motifs propres qu'une autre forme de dissimulation était caractérisée lorsque des circonstances particulières ne permettaient pas la révélation de la nature délictueuse des dépenses contraires à l'intérêt social ; que tel pouvait être le cas lorsque les associés n'avaient manifestement aucun intérêt au déclenchement de l'action publique, dès lors que les faits susceptibles d'être révélés pouvaient leur être imputés ou que leur révélation pourrait leur nuire ; que la capacité des associés à susciter des poursuites pénales à partir de la présentation des comptes annuels révélant des dépenses indûment mises à la charge de la société trouvait sa limite lorsqu'il existait un lien de solidarité familiale ou une conjonction d'intérêts à terme qui pouvait les unir aux dirigeants sociaux responsables de ces dépenses ou encore lorsqu'ils avaient connu et entériné les pratiques frauduleuses de ces derniers ; qu'en l'espèce, le capital de la SA X... était partagé entre les quatre frères X... et leurs épouses ; qu'au-delà du caractère familial de cette société, il résultait des éléments du dossier que les frères et épouses des prévenus Marcel X... et Jean-Pierre X... avaient adhéré à la stratégie de ces derniers, consistant à apporter un soutien financier à Jean-Claude Z... et Henri Y... afin de capter leur considération pour qu'ils usent de leur influence et d'obtenir d'eux des avantages à terme (arrêt p. 22) ;

qu'en conséquence, eu égard à la dissimulation ainsi caractérisée, la présentation des comptes annuels aux actionnaires de la SA X... n'avait pas fait courir la prescription du chef des abus de biens sociaux reprochés à ses dirigeants (arrêt p. 23) ;

"alors que la cour d'appel ne pouvait se borner à viser les "éléments du dossier" pour affirmer que l'ensemble des associés auraient connu et entériné les pratiques imputées aux prévenus et pour en déduire que la publication des comptes n'avait pas rendu possible le déclenchement de l'action publique ; que l'arrêt n'est pas légalement justifié ;

"alors, en toute hypothèse, qu'en déduisant l'existence d'une dissimulation de la supposée collusion entre associés, circonstance inopérante puisque les comptes sociaux sont déposés au greffe du tribunal de commerce et communiqués au comité d'entreprise et que tous intéressés, dont les salariés, peuvent donc porter les irrégularités à la connaissance du parquet, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;

"3 / aux motifs propres et adoptés que Marcel X... estimait que le soit transmis du 8 juillet 1997 n'avait pas interrompu la prescription, puisque aussi bien le ministère public avait cru devoir délivrer le 15 octobre 1997 un autre soit-transmis pour qu'il soit enquêté sur les faits, et que l'enquête ouverte sur le soit- transmis du 8 juillet 1997 avait été considérée par le réquisitoire définitif comme une simple enquête d'environnement ; mais qu'était interruptif de prescription tout acte de poursuite ayant pour objet de constater les délits et d'en découvrir ou d'en convaincre les auteurs ; que la réquisition du 8 juillet 1997 avait été adressée au SRPJ de Lyon aux fins d'enquête sur les infractions dénoncées dans les lettres jointes, et constituait donc bien un acte de poursuite interruptif de prescription et non une simple demande de renseignements, peu important les termes des réquisitions ultérieures ; qu'au demeurant, le soit-transmis du 15 octobre 1997 avait ordonné la "continuation" de l'enquête (arrêt pages 23 et 24, jugement du 2 février 2001, p. 84) ;

"alors que ni la réquisition du 8 juillet 1997 ni les lettres auxquelles elle renvoyait n'imputaient de faits précis aux prévenus, la société X..., dirigée par eux, étant seulement visée parmi de nombreuses entreprises supposées avoir payé des fausses factures par lesquelles un élu local avait assuré son financement personnel et politique ; que, dès lors, cette réquisition ne constituait pas un acte de poursuite à l'égard des prévenus, et que la cour d'appel ne pouvait légalement lui reconnaître un effet interruptif de prescription" ;

Attendu que, pour écarter le moyen tiré de la prescription de la plupart des abus de biens sociaux reprochés à Pierre et Marcel X..., les juges relèvent, d'une part, qu'une partie des fonds avancés aux époux Z... a été dissimulée par le jeu de compensations opérées avec des factures non causées ou comportant de fausses indications ne permettant pas de déceler la...

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