Cour de Cassation, Chambre criminelle, du 13 avril 2005, 05-80.668, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Cotte
Case OutcomeRejet
CounselMe Foussard,la SCP Baraduc et Duhamel,la SCP Boré et Salve de Bruneton,la SCP Richard,la SCP Waquet,Farge et Hazan,la SCP Peignot et Garreau.
Date13 avril 2005
Docket Number05-80668
CitationSur le n° 1 : Dans le même sens que : Chambre criminelle, 2003-07-09, Bulletin criminel 2003, n° 137 (2), p. 540 (rejet). Sur le n° 3 : A rapprocher : Chambre criminelle, 1978-02-27, Bulletin criminel 1978, n° 73 (2), p. 179 (rejet) ; Chambre criminelle, 1978-06-14, Bulletin criminel 1978, n° 199 (2), p. 510 (rejet).<br/>
CourtChambre Criminelle (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin criminel 2005 N° 132 p. 457
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize avril deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller ARNOULD, les observations de Me FOUSSARD, de la société civile professionnelle BARADUC et DUHAMEL, de la société civile professionnelle BORE et SALVE de BRUNETON, de la société civile professionnelle RICHARD, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, de la société civile professionnelle PEIGNOT et GARREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- L'ASSISTANCE PUBLIQUE-HOPITAUX DE PARIS,

- X... Jacques,

- Y... Stéphane,

- Z... Alain,

- A... Pierre,

- B... Chantal, épouse C...,

- D... Soline, épouse E...,

- F... Sabine,

contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de PARIS, 5ème section, en date du 12 janvier 2005, qui, dans l'information suivie contre eux du chef d'homicide involontaire, a prononcé sur leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

Vu l'ordonnance du président de la chambre criminelle, en date du 17 février 2005, prescrivant l'examen immédiat des pourvois ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite du décès de Frédéric G..., survenu le 13 mars 1999 à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière où il avait été admis en urgence le 8 mars précédent et opéré le lendemain de son admission en raison d'une rupture d'anévrisme cérébral, une information a été ouverte le 8 novembre 2000, pour homicide involontaire, contre personne non dénommée, sur plainte avec constitution de partie civile de la compagne et des parents du défunt ; que le juge d'instruction, qui disposait alors, en l'état du dossier, de plusieurs avis médicaux attribuant le décès à une infection nosocomiale, par ailleurs évoquée par les plaignants, s'est référé à cette cause de décès en délivrant, d'une part, le 17 novembre 2000, une commission rogatoire aux services de police judiciaire et en ordonnant, d'autre part, le 8 août 2001, une expertise médicale confiée à trois experts, les docteurs H..., I... et J... ; que, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, le 4 août 2003, l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, ainsi que Jacques X..., Stéphane Y..., Alain Z..., Pierre A..., Chantal B..., épouse C..., Soline D..., épouse E..., et Sabine F..., praticiens exerçant dans l'établissement hospitalier concerné, ont été mis en examen du chef d'homicide involontaire, le magistrat instructeur ayant donné à chacun connaissance des faits qui lui étaient reprochés ; que, par l'arrêt attaqué, la chambre de l'instruction a rejeté leurs demandes d'annulation d'actes de la procédure ;

En cet état :

Sur le premier moyen de cassation proposé par Me Foussard pour l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris, pris de la violation des articles 80-1, 113-1 à 113-8, 591 et 593 du Code de procédure pénale, 121-3 et 221-6 du Code pénal, défaut de motifs ;

"en ce que l'arrêt attaqué, rejetant tant la demande de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris que la demande du procureur général près la cour d'appel de Paris, a refusé d'annuler la mise en examen de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris du chef d'homicide involontaire ;

"aux motifs que "le rapport K... du 16 décembre 2003 ne peut être pris en compte pour l'examen de la régularité des mises en examen dès lors qu'il n'a été versé au dossier que postérieurement à celles-ci ; qu'il en est de même du rapport complémentaire établi par le docteur J... le 11 juin 2004 et aussi du "rapport" scientifique collectif joint aux mémoires des mis en examen, auquel sont notamment annexés les avis récents de "grands témoins" ; que les experts judiciaires, à savoir les docteurs H..., I... et J..., stigmatisent différents dysfonctionnements ou anomalies dans la prise en charge de Frédéric G... ; que le rapport de ces experts constitue un indice grave de la commission de fautes ; que s'ajoute à cet indice le rapport des docteurs L... et M... qui ont eux aussi remarqué des anomalies et dysfonctionnements dans l'environnement opératoire ; qu'il convient de vérifier si les fautes sur lesquelles se fondent les mises en examen peuvent avoir un lien de causalité avec le décès de Frédéric G... ; que le rapport provisoire du professeur N... concluait que la mort est due à une septicémie à bacille clostridium perfringens, son rapport définitif mentionnant toutefois que cette septicémie était seulement une cause possible de la mort ; que le rapport des professeurs O... et P... retient que l'infection par la bactérie clostridium perfringens est bien la cause directe du décès ; que le professeur Q..., chef du service de bactériologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, a lui-même pu déclarer que le décès de Frédéric G... était bien lié à une infection nosocomiale à clostridium perfringens ; que le professeur R..., témoin assisté, a écrit que l'infection nosocomiale avait entraîné le décès du patient ; qu'enfin, les experts judiciaires ont estimé que la relation de cause à effet entre la complication infectieuse à clostridium perfringens et le décès était indiscutable ; qu'il ressortait de ces éléments, lors des mises en examen, des indices graves et concordants que l'infection par le bacille clostridium perfringens était la cause du décès de Frédéric G..., bien que le professeur N... l'ait finalement mis en doute et même si on pouvait penser que, dans le cas où le patient aurait survécu à l'infection, il en aurait conservé de lourdes séquelles neurologiques et serait, vraisemblablement, décédé ultérieurement des suites des lésions consécutives à la rupture d'anévrisme per-opératoire ;


que, s'agissant de l'origine, exogène ou endogène, de l'infection, le professeur N... et les experts judiciaires sont d'avis qu'elle sera difficile à déterminer ; que les professeurs Q... et R... relèvent qu'on n'a pas identifié d'incident permettant de repérer un moment de contamination ou d'établir une relation entre les procédures de stérilisation et l'infection ; qu'il ressort néanmoins de l'opinion des docteurs O... et P... qu'une contamination exogène a pu se produire bien qu'une cause endogène ait été également possible ;


que les docteurs L... et M... remarquent de leur côté que si la cause de l'infection n'a pu être retrouvée, des anomalies et dysfonctionnements ont été décelés dans l'environnement opératoire ; que les experts judiciaires ajoutent, quant à eux, que la survenue de l'infection nosocomiale a été facilitée par des dysfonctionnements majeurs dans la prise en charge du patient ;

que l'article 80-1 du Code de procédure pénale, qui dispose que le juge d'instruction ne peut mettre en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu'elles aient pu participer, comme auteur ou comme complice, à la commission des infractions dont il'est saisi, n'exige pas que la participation de l'intéressé à l'infraction soit certaine mais seulement que la possibilité de cette participation soit vraisemblable ; qu'en l'espèce, aucune des deux origines envisageables de l'infection par le bacille clostridium perfringens ne pouvait, lors des mises en examen, être exclue, la possibilité d'une origine exogène et celle d'une origine endogène étant toutes deux vraisemblables en l'état des éléments dont disposait le juge d'instruction ; qu'ainsi, les indices graves et concordants selon lesquels l'infection par le bacille clostridium perfringens était la cause du décès rendaient vraisemblable que les personnes dont les fautes se rapportent à une infection exogène ou à une infection endogène aient pu participer à l'homicide involontaire de Frédéric G... ; que l'indication par les experts judiciaires que la survenue de l'infection nosocomiale a été facilitée par des dysfonctionnements majeurs dans la prise en charge du patient, sans restreindre ces dysfonctionnements à ce qui concerne le diagnostic de l'infection et l'administration d'antibiotiques, est un indice supplémentaire de la vraisemblance d'une cause exogène ;

que les dysfonctionnements intéressant une contamination exogène concernent : - le non-respect des protocoles du champ opératoire et de préparation cutanée du patient, relevé à l'encontre du docteur Stéphane Y..., chirurgien ayant réalisé l'intervention, - le défaut de contrôle du protocole concernant la préparation du patient, relevé à l'encontre du professeur Pierre A..., chef du département anesthésie-réanimation et président du conseil médical de l'hôpital, qui validait les protocoles, les rendait impératifs, exigeait leur respect et contrôlait l'application des procédures de soins, ainsi que du professeur Jacques X..., chef du service de neurochirurgie et ayant donc autorité sur ce service, - l'absence de procédures de décontamination, lavage du matériel et stérilisation, et l'absence de programme d'assurance-qualité en stérilisation et de traçabilité de stérilisation, en particulier des clips réutilisables, relevées à l'encontre du professeur Alain Z..., pharmacien-chef responsable des médicaments et de la stérilisation, qui a reconnu avoir été, au moins en titre, le responsable de la stérilisation, - des fautes concernant la prévention des infections nosocomiales, la fourniture des moyens nécessaires à cette prévention, le contrôle de leur application de même que l'organisation et les moyens mis en oeuvre concernant les gardes de neurochirurgie, relevés à l'encontre de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris ; que les experts relèvent encore que l'antibioprophylaxie dont n'a pas bénéficié Frédéric G... aurait peut-être permis d'éviter l'infection, et que l'absence d'antibiothérapie post-opératoire est à leurs yeux une faute, même si une antibiothérapie probabiliste n'était pas...

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