Cour de cassation, Chambre mixte, 7 juillet 2017, 15-25.651, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Louvel (premier président)
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:MI00284
Citationn° 2 :Sur l'obligation pour le juge judiciaire national d'appliquer d'office le droit communautaire, à rapprocher : CJCE, arrêts du 14 décembre 1995, J. Van Schijndel, C-430/93 et Pertrebroeck, C-312/93
Case OutcomeCassation
Docket Number15-25651
Date07 juillet 2017
CounselSCP Piwnica et Molinié,SCP Waquet,Farge et Hazan
Appeal NumberM1700284
Subject MatterCASSATION - Pourvoi - Pourvois successifs - Règle "pourvoi sur pourvoi ne vaut" - Cas - Décision non spécialement motivée en l'absence d'excès de pouvoir consacré ou commis par la cour d'appel
CourtChambre Mixte (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, siégeant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société Monsanto, société par actions simplifiée, dont le siège est Eden Park, bâtiment B, 1 rue Buster Keaton, 69800 Saint-Priest,

contre deux arrêts rendus les 30 janvier 2014 et 10 septembre 2015 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. Paul X..., domicilié...,

2°/ à l'association des assureurs AAEXA, dont le siège est 40 rue Jean Jaurès, 93170 Bagnolet,

3°/ à la caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), dont le siège est Les Mercuriales, 40 rue Jean Jaurès, 93547 Bagnolet cedex,

4°/ à la mutualité sociale agricole de la Charente, dont le siège est 46 rue du docteur Duroselle, 16000 Angoulême,

défendeurs à la cassation :

Par arrêt du 12 janvier 2017, la deuxième chambre civile a renvoyé le pourvoi devant une chambre mixte. Le premier président a, par ordonnance du 13 juin 2017, indiqué que cette chambre mixte serait composée des première, deuxième chambres civiles, de la chambre commerciale, financière et économique et de la chambre criminelle ;

La demanderesse invoque, devant la chambre mixte, les moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Ces moyens ont été formulés dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Monsanto ;

Un mémoire en défense et un mémoire complémentaire ont été déposés au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X... ;

Un mémoire en réplique et des observations ont été déposés par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Monsanto ;

Le rapport écrit de Mme Ladant, conseiller, et l'avis écrit de M. Grignon Dumoulin, avocat général, ont été mis à la disposition des parties ;

Un avis 1015 du code de procédure civile a été mis à disposition des parties et des observations ont été déposées au greffe de la Cour de cassation par la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. X..., et la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Monsanto ;

Sur quoi, LA COUR, siégeant en chambre mixte, en l'audience publique du 23 juin 2017, où étaient présents : M. Louvel, premier président, Mme Flise, M. Guérin, Mme Batut, Mme Mouillard, présidents, Mme Ladant, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, MM. Prétot, Pers, Mmes Kamara, Laporte, Dreifuss-Netter, M. Cadiot Mme Vannier, M. Guérin, Mme Reygner, M. Bellenger, conseillers, M. Grignon Dumoulin, avocat général, Mme Marcadeux, directeur de greffe ;

Sur le rapport de Mme Ladant, conseiller, assistée de Mmes Legoherel et Catton, auditeurs au service de documentation, des études et du rapport, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, la SCP Piwnica et Molinié, l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, auquel les parties n'ont pas souhaité répliquer, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon les arrêts attaqués, qu'exposant avoir été intoxiqué, le 27 avril 2004, par les vapeurs d'un herbicide commercialisé sous le nom de " Lasso " par la société Monsanto agriculture France, lors de l'ouverture d'une cuve de traitement sur un pulvérisateur, M. X..., agriculteur, a assigné cette société, aux droits de laquelle vient la société Monsanto, en présence de l'association des assureurs AAEXA, de la caisse centrale de la mutualité sociale agricole et de la mutualité sociale agricole de la Charente, afin de la voir déclarer responsable de son préjudice, à titre principal, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil, à titre subsidiaire, sur celui des articles 1147 et 1165 du même code ; qu'un jugement, assorti de l'exécution provisoire, a accueilli cette action et ordonné une expertise médicale ; qu'après avoir, dans un premier arrêt du 30 janvier 2014, déclaré irrecevable l'appel-nullité formé par la société Monsanto contre une ordonnance du juge de la mise en état du 11 juillet 2013, ayant rejeté sa demande en désignation d'un sapiteur psychiatre, la cour d'appel a, dans un second arrêt rendu le 10 septembre 2015, confirmé le jugement ayant retenu la responsabilité de cette société sur le fondement des articles 1382 et suivants du code civil ; que la société Monsanto a formé, le 1er octobre 2015, un pourvoi en cassation contre ces deux arrêts ;

Sur la recevabilité du pourvoi formé contre l'arrêt du 30 janvier 2014, examinée d'office, après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du code de procédure civile :

Vu l'article 621 du code de procédure civile ;

Attendu, selon ce texte, que si le pourvoi en cassation est déclaré irrecevable, la partie qui l'a formé n'est plus recevable à en former un nouveau contre le même jugement, hors le cas prévu à l'article 618 ;

Attendu que la société Monsanto, qui a formé, le 7 avril 2014, un premier pourvoi contre l'arrêt rendu le 30 janvier 2014, lequel, en l'absence d'excès de pouvoir consacré ou commis par la cour d'appel, a été déclaré irrecevable par une décision non spécialement motivée (2e Civ., 19 février 2015, pourvoi n° 14-15. 255), n'est pas recevable à former un second pourvoi invoquant le même moyen contre le même arrêt ;

Et sur le moyen de pur droit, relevé d'office, dans les conditions de l'article 620, alinéa 2, du code de procédure civile, et après avis donné aux parties en application de l'article 1015 du même code :

Vu la directive 85/ 374/ CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et les articles 1386-1 et suivants, devenus 1245 et suivants, du code civil, ensemble l'article 12 du code de procédure civile et les principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne ;

Attendu que si le juge n'a pas, sauf règles particulières, l'obligation de changer le fondement juridique des demandes, il est tenu, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, de faire application des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne, telle la responsabilité du fait des produits défectueux, même si le demandeur ne les a pas invoquées ;

Attendu que, pour déclarer la société Monsanto responsable, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, du préjudice subi par M. X..., après avoir relevé que celui-ci n'invoquait pas le régime spécial de la responsabilité du fait des produits défectueux, au motif, selon lui, que le produit phytosanitaire " incriminé " avait été mis en circulation en 1968, année de l'autorisation de mise sur le marché, l'arrêt retient que cette société a failli à son obligation d'information et de renseignement, en omettant de signaler les risques liés à l'inhalation de monochlorobenzène présent en quantité importante dans le Lasso et de préconiser l'emploi d'un appareil de protection respiratoire, notamment pour le nettoyage des cuves ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé, d'une part, que M. X... alléguait avoir acheté le produit ayant causé le dommage en avril 2004 à une coopérative agricole, qui l'avait acquis deux ans plus tôt de la société Monsanto, ce qui rendait possible que cette dernière en ait été le producteur et avait pour conséquence que la date de mise en circulation de ce produit, qui ne saurait résulter de la seule autorisation de mise sur le marché, pouvait être postérieure à la date d'effet de la directive susvisée, d'autre part, qu'il imputait l'origine de son dommage à l'insuffisance des mentions portées sur l'étiquetage et l'emballage du produit, en sorte qu'elle était tenue d'examiner d'office l'applicabilité au litige de la responsabilité du fait des produits défectueux, la cour d'appel a violé les textes et les principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi :

DÉCLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est formé contre l'arrêt du 30 janvier 2014 ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 septembre 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ; remet en conséquence la cause et les parties, dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon, autrement composée ;

Laisse à chaque partie la...

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