Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 20 octobre 2015, 14-17.473, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:SO01703
CitationSur les conditions de la requalification du départ à la retraire en prise d'acte de la rupture du contrat de travail, dans le même sens que :Soc., 15 mai 2013, pourvoi n° 11-26.784, Bull. 2013, V, n° 120 (cassation partielle)
Case OutcomeCassation partielle
Appeal Number51501703
Docket Number14-17473
CounselSCP Gatineau et Fattaccini,SCP Spinosi et Sureau
Date20 octobre 2015
Subject MatterCONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Résiliation judiciaire - Action intentée par le salarié - Manquements reprochés à l'employeur - Effets - Existence d'un différend - Applications diverses - Départ à la retraite - Requalification - Portée
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2016, n° 838, Soc., n° 356

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Kaufman et Broad, le 2 mai 2001, en qualité d'attaché commercial au sein de l'agence de Marseille, chargée de la vente de lots immobiliers dont la construction était mise en oeuvre par la société ; que sa rémunération comprenait une partie fixe et des commissions sur les ventes menées à terme ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail ainsi que le paiement de rappels de commissions ; qu'après avoir obtenu, par jugement du 18 avril 2012, la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur, il a, au cours de la procédure d'appel, pris sa retraite le 1er juillet 2012 et demandé la requalification de son départ à la retraite en prise d'acte de la rupture de son contrat de travail ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen :

Vu les articles L. 1231-1 et L. 1237-9 du code du travail ;

Attendu que, pour rejeter la demande du salarié en requalification de son départ en retraite en une prise d'acte aux torts de l'employeur, l'arrêt retient que le départ à la retraite de M. X..., le 1er juillet 2012, alors qu'il avait obtenu la résiliation judiciaire de son contrat de travail par jugement du 18 avril 2012, n'était motivé que par son souhait de bénéficier d'une pension de retraite ; que dans ses conclusions reçues à la cour le 16 juillet 2013, il faisait toujours référence à la résiliation judiciaire de son contrat produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et n' a modifié son argumentation, faisant valoir que son départ en retraite constituait en réalité une prise d'acte en raison des manquements précédemment invoqués au soutien de sa demande de résiliation, qu'en novembre 2013 ;

Attendu cependant que le départ à la retraite du salarié est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste de façon claire et non équivoque sa volonté de mettre fin au contrat de travail ; que lorsque le salarié, sans invoquer un vice du consentement de nature à entraîner l'annulation de son départ à la retraite, remet en cause celui-ci en raison de faits ou manquements imputables à son employeur, le juge doit, s'il résulte de circonstances antérieures ou contemporaines de son départ qu'à la date à laquelle il a été décidé, celui-ci était équivoque, l'analyser en une prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient ou dans le cas contraire d'un départ volontaire à la retraite ;

Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors qu'elle avait constaté que le salarié avait, préalablement à son départ en retraite, saisi la juridiction prud'homale pour obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail en invoquant divers manquements imputables à son employeur, ce dont il résultait l'existence d'un différend rendant le départ en retraite équivoque, la cour d'appel qui devait l'analyser en une prise d'acte et rechercher si les manquements de l'employeur étaient suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail, a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation encourue sur ce premier moyen entraînera la censure du chef de l'arrêt relatif aux dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par les manquements de l'employeur ;

Et sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1315 du code civil ;

Attendu que, lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur , celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire ;

Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'un rappel de commissions pour les ventes réalisées sur le secteur de Montpellier au cours de l'année 2008, l'arrêt énonce que le salarié ne fournit aucune précision sur les ventes en question pour permettre de vérifier le bien-fondé et le calcul de la demande ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il appartenait à l'employeur de justifier des ventes menées à terme sur le secteur d'activité du salarié pendant la période sur laquelle portait la réclamation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il déboute le salarié de ses demandes en paiement de rappels de commissions relatives à trente-deux ventes sur le programme des « villas du Pont-Royal » et à six ventes « reprises », l'arrêt rendu le 14 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;

Condamne la société Kaufman et Broad aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Kaufman et Broad à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt octobre deux mille quinze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que la rupture des relations contractuelles était intervenue le 1er juillet 2012 lors du départ en retraite de Monsieur X..., d'AVOIR débouté Monsieur X... de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse, d'indemnité de licenciement, d'indemnité de préavis ;

AUX MOTIFS QUE « Augusto X... a été engagé par le GIE KAUFMAN & BROAD le 2 mai 2001 en qualité d'attaché commercial au sein de l'agence de MARSEILLE. Le contrat était soumis à la convention collective de la promotion-construction. Augusto X... était chargé de la vente de lots immobiliers, appartements ou maisons individuelles, dont la construction était mise en oeuvre par le GIE KAUFMAN & BROAD, qui se réservait le droit de modifier les programmes d'affectation en fonction des impératifs de service, aucun secteur de vente n'était défini, et la rémunération était composée d'un fixe et de commissions sur les ventes, dont l'attribution était développée à l'article 5 du contrat de travail. Au 1er janvier 2004, Augusto X... est devenu responsable des ventes prescripteur. Il a signé un avenant en date du 18 mars 2005 stipulant à son bénéfice un intéressement spécifique pour l'exercice 2005. Au 1er décembre 2006, il a été nommé directeur adjoint prescripteur sur le périmètre géographique d'intervention des agences de TOULON, MARSEILLE et MONTPELLIER. Un nouvel intéressement a été défini donnant lieu à la signature d'un avenant en date du 17 mars 2006. Le 1er janvier 2007, il est devenu directeur adjoint ventes extérieures, sur le même secteur géographique. Il a signé un avenant stipulant pour l'exercice 2007, un nouvel intéressement à hauteur de 400 € bruts sur chaque vente réalisée et concernant les lots de programmes qui lui seraient confiés. Le 21 janvier 2008, un nouvel avenant concernant l'intéressement pour l'exercice 2008 a été proposé à Monsieur X... qui a refusé de le signer au motif du contexte économique difficile, le nouveau directeur d'agence a présenté de nouvelles modalités pour l'intéressement majorant la prime d'objectif. Le 12 septembre 2008, Monsieur X... s'est ainsi vu proposer un nouvel avenant concernant l'intéressement, avenant par lequel le GIE entendait lui confier des lots de l'agence de Montpellier à compter du 1er septembre. Augusto X... a refusé de signer cet avenant. Le 3 novembre 2009, le médecin du travail a constaté une inaptitude temporaire de Augusto X... à son poste. Depuis le 6 novembre 2009 et jusqu'à ce qu'il liquide ses droits à la retraite le 1er juillet 2012, il a été en arrêt maladie et n'a pas repris son activité professionnelle. La moyenne des 12 derniers mois de salaire précédant son arrêt maladie (novembre 2008 à octobre 2009) s'élevait à la somme de 6 425,91 € bruts. Le 14 juin 2010, estimant que le GIE KAUFMAN & BROAD avait manqué à ses engagements contractuels, Augusto X... a saisi le conseil de prud'hommes de MARSEILLE pour demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur et réclamer le paiement des sommes dues. Par jugement en date du 8 avril 2012, le conseil de prud'hommes de MARSEILLE a constaté que Monsieur X... ne peut prétendre disposer d'un droit acquis sur l'ensemble des biens immobiliers et des lots attachés à certaines agences mais que l'intéressé avait vocation à travailler sur des programmes immobiliers définis dont la vente lui était affectée par le GIE KAUFMAN & BROAD; - considéré qu'en l'état du refus de Monsieur X... d'accepter l'évolution défavorable de certains paramètres de calcul de son commissionnement, il appartenait à l'employeur de respecter la situation antérieure ou d'emporter l'accord de l'intéressé sur d'autres bases de négociation ; - relevé que, sans rapport avec le refus de Monsieur X... de signer trois avenants, il a conclu le 28 août 2009 avec Monsieur Y... un accord relatif à une sur-commission concernant certains programmes clairement énumérés pour lesquels l'intéressé admet avoir perçu une commission unitaire normale de 350 €, et sans remettre en cause la charge de la preuve, il appartient au GIE KAUFMAN & BROAD de rapporter les éléments qu'il est le seul à détenir, sur lesquels il fonde sa contestation expresse touchant à l'aboutissement dans le délai utile des ventes dont il s'agit; - fait droit à la réclamation de Monsieur X... pour 13 ventes supplémentées à 350 soit une somme...

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