Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 4 novembre 2014, 12-27.072, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:CO00944
Case OutcomeRejet
Date04 novembre 2014
CitationA rapprocher :1re Civ., 23 janvier 2007, pourvoi n° 03-13.422, Bull. 2007, I, n° 32 (1) (cassation)
Appeal Number41400944
CounselSCP Lyon-Caen et Thiriez,SCP Marc Lévis,SCP Nicolaÿ,de Lanouvelle et Hannotin
Docket Number12-27072
Subject MatterCONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de Genève du 19 mars 1931 - Loi uniforme sur les chèques - Article 7, 5° - Domaine d'application - Exclusion - Cas - Négociabilité du chèque
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, IV, n° 160

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Statuant tant sur le pourvoi principal formé par Mme X...que sur le pourvoi incident éventuel relevé par la société BSI ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 31 mai 2012), que, le 13 décembre 1995, Mme X...a conclu avec la société de droit suisse UFIP une demande d'ouverture de compte et un mandat de gestion de ses avoirs ; qu'elle lui a notamment confié, après l'avoir endossé, un chèque de 3 097 895, 39 francs (472 271, 11 euros) libellé à son ordre, tiré sur la banque La Hénin, aux droits de laquelle vient la Banque Palatine (la banque tirée), représentant le montant d'une assurance-vie souscrite à son profit ; que la société UFIP a elle-même endossé ce chèque au profit de la Banque du Gothard, également de droit suisse, désormais dénommée société BSI, qui en a porté le montant au crédit du compte ouvert dans ses livres au nom de la société UFIP et l'a présenté au paiement ; que le tribunal de Genève ayant prononcé la faillite de la société UFIP, Mme X...a assigné la banque tirée en responsabilité, pour avoir payé le chèque litigieux au mépris de la clause interdisant son endossement sauf au profit d'un établissement de crédit ou assimilé ; que la banque tirée a assignée la société BSI en intervention forcée ;

Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que Mme X...fait grief à l'arrêt du rejet de ses demandes d'indemnisation à l'encontre de la Banque Palatine et de la société BSI alors, selon le moyen :

1°/ que, si la loi du lieu de souscription régit les obligations nées du chèque, et notamment les effets de l'endossement, la loi du pays où le chèque est payable détermine seule le régime du chèque en tant que titre ; que cette loi du titre détermine notamment si et dans quelle mesure le chèque est susceptible d'être endossé ; que cette question, soumise à la loi du titre, est préalable à la question des effets de l'éventuel endossement, laquelle est soumise à la loi du lieu de leur souscription ; qu'au cas présent, pour déterminer les effets des endossements réalisés par Mme X...et par la société UFIP sur le chèque émis au profit de Mme X..., il était nécessaire de déterminer, de manière préalable, si le chèque était susceptible d'être endossé au profit d'une personne n'étant pas un établissement bancaire ; que cette question dépendait de la seule loi du pays où le chèque était payable, c'est-à-dire de la loi française ; qu'en appliquant la loi suisse régissant l'endossement, sans consulter préalablement la loi du titre pour déterminer si celui-ci était endossable, la cour d'appel a violé l'article 7 de la convention de Genève du 19 mars 1931 destinée à régler certains conflits de lois en matière de chèques ;

2°/ que, subsidiairement, la loi applicable à la responsabilité extra-contractuelle est celle du lieu où le fait dommageable s'est produit ; que ce lieu s'entend aussi bien de celui du fait générateur du dommage que du lieu de réalisation de ce dernier ; qu'ainsi, en présence d'un délit complexe, le juge doit considérer les lois du lieu de réalisation du fait générateur et du dommage et les départager ; qu'au cas présent, il est constant que le dommage invoqué par Mme X...s'était concrétisé en France ; que la cour d'appel a considéré que la responsabilité de la Banque du Gothard à l'égard de Mme X...devait être exclusivement soumise à la loi suisse au seul motif que les faits reprochés à la Banque du Gothard se seraient réalisés en Suisse ; qu'en considérant ainsi que la loi applicable ne devait être déterminée qu'au regard du lieu de réalisation du fait générateur, la cour d'appel, qui, a purement et simplement, en présence d'un délit complexe, occulté le titre d'application de la loi du lieu du dommage, a violé l'article 3 du code civil ;

3°/ que le régime du chèque en tant que titre obéit à la loi du lieu où le chèque est payable ; qu'au cas présent, la cour d'appel a affirmé que Mme X...ne pouvait prétendre imposer l'application de la loi française à la Banque du Gothard au motif que Mme X...avait « accepté de se soumettre au droit suisse pour toutes les opérations réalisées par la société UFIP dans le cadre de la convention de mandat de gestion qu'elle a signée le 13 décembre 1995 » ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que la loi applicable aux relations contractuelles unissant Mme X...et la société UFIP était sans incidence sur la question d'espèce, portant sur la régularité de l'encaissement par la Banque du Gothard du chèque litigieux, la cour d'appel s'est prononcée par un motif inopérant, en violation de l'article 7 de la convention de Genève du 19 mars 1931 destinée à régler certains conflits de lois en matière de chèque ;

4°/ que la loi applicable à la responsabilité extra-contractuelle est celle du lieu où le fait dommageable s'est produit ; qu'au cas présent, la cour d'appel a affirmé que Mme X...ne pouvait prétendre imposer l'application de la loi française à la Banque du Gothard au motif que Mme X...avait « accepté de se soumettre au droit suisse pour toutes les opérations réalisées par la société UFIP dans le cadre de la convention de mandat de gestion qu'elle a signée le 13 décembre 1995 » ; qu'en se déterminant ainsi, cependant que la loi applicable aux relations contractuelles unissant Mme X...à la société UFIP était sans incidence sur la question de la loi applicable à la responsabilité extra-contractuelle de la Banque du Gothard à l'égard de Mme X..., la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article 3 du code civil ;

5°/ qu'en droit français, le banquier tiré a l'obligation de vérifier la régularité formelle du chèque qui lui est présenté au paiement ; qu'à ce titre, la régularité de la suite des endossements ne permet au tiré de payer le chèque qui lui est présenté que si ce chèque est endossable au profit d'une personne n'étant pas un établissement bancaire ; qu'en revanche, si le chèque qui lui est présenté est un chèque non-endossable, le seul fait que le chèque comporte plusieurs endos doit conduire le banquier à en refuser le paiement ; qu'au cas présent, après avoir relevé que la responsabilité de la banque tirée était soumise au droit français, la cour d'appel, qui a constaté que la banque tirée avait procédé au paiement d'un chèque non endossable comportant plusieurs endos, a considéré que la banque ne pouvait pour autant voir sa responsabilité engagée, aux motifs qu'elle n'avait pas à s'assurer des relations unissant les différents endosseurs et que le chèque portait une mention par laquelle la banque présentatrice garantissait la régularité des endossements précédents ; qu'en se fondant sur de tels éléments, qui établissaient au mieux la régularité de la suite des endossements, cependant qu'en présence d'un chèque non-endossable sauf au profit d'un établissement bancaire, la seule pluralité d'endos doit conduire le tiré à en refuser le paiement, la cour d'appel s'est prononcée par des motifs inopérants, en violation de l'article L. 131-38 du code monétaire et financier, ensemble l'article 1382 du code civil ;

6°/ que Mme X...faisait valoir devant la cour d'appel que l'encaissement par la Banque du Gothard du chèque sur le compte de la société UFIP avait permis aux dirigeants de cette société de disposer de son montant, qu'ils avaient ainsi acquis à titre personnel des actions en usant des fonds appartenant à Mme X..., et que ce n'est que pour couvrir cette fraude qu'ils avaient ensuite fait croire que Mme X...avait elle-même utilisé ces fonds pour se porter acquéreur de ces actions ; qu'en énonçant que le montant du chèque avait été porté sur le compte interne de Mme X...dans les livres de la société et qu'elle l'avait utilisé pour réaliser des placements, sans répondre à ce moyen, qui, établissait le préjudice subi par Mme X...en démontrant que Mme X...n'avait à aucun moment pu, en raison du détournement dont elle avait été victime, disposer des fonds provenant du chèque dont elle était bénéficiaire et que le placement qu'elle avait ordonné n'avait servi qu'à couvrir le détournement dont elle avait été victime, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que Mme X...faisait valoir devant la cour d'appel que, sans les manquements de la Banque du Gothard et de la banque tirée, les dirigeants de la société UFIP n'auraient jamais pu détourner les fonds de Mme X...à leur profit puisque les sommes objet du chèque n'auraient jamais été portées sur le compte de la société ; qu'en énonçant que la fraude invoquée par Mme X...était sans lien avec l'encaissement et le paiement du chèque litigieux, sans répondre à ce moyen, qui établissait que le détournement dont Mme X...avait été victime n'avait été rendu possible que par le paiement et l'encaissement du chèque litigieux sur le compte de la société UFIP, et qu'ainsi le préjudice subi par Mme X...était en lien direct avec les fautes commises par les banques tirée et présentatrice, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la Convention de Genève du 19 mars 1931 destinée à régler certains conflits de lois en matière de chèques ne contient pas de règle de conflit désignant la loi compétente en matière de responsabilité bancaire et que celle, énoncée en son article 7. 5°, renvoyant à la loi du pays où le chèque est payable pour déterminer si celui-ci peut être barré et les effets de ce barrement, ne porte pas sur la négociabilité du chèque ;

Attendu, en deuxième lieu, qu'en l'absence d'une Convention internationale ou d'un règlement de l'Union européenne applicables, les règles de droit international privé désignent, s'agissant de déterminer la loi compétente en matière de responsabilité extra-contractuelle, celle de l'État sur le territoire duquel le fait dommageable s'est produit, ce lieu s'entendant aussi bien de celui du fait générateur du dommage que de celui de sa réalisation, le juge devant rechercher, en cas de délit...

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