Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 7 avril 2010, 09-12.984 09-13.163 09-65.940, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Favre
Case OutcomeCassation partielle
CounselSCP Baraduc et Duhamel,SCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Thomas-Raquin et Bénabent,SCP Defrenois et Levis,SCP Piwnica et Molinié
Appeal Number41000430
Date07 avril 2010
Docket Number09-12984,09-65940,09-13163
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2010, IV, n° 70

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° U 09-13.163, K 09-65.940 et Z 09-12.984 qui attaquent le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 29 juin 2007, pourvois n° U 07-10.303, n° Z 07-10.354, n° W 07-10.397), que, s'étant saisi d'office le 28 août 2001 de la situation de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile et ayant été saisi le 22 février 2002 par l'association UFC - Que Choisir de pratiques d'ententes mises en oeuvre par les sociétés Bouygues Télécom (Bouygues), SFR et Orange France (Orange) sur le marché des services de téléphonie mobile, le Conseil de la concurrence (le Conseil), devenu l'Autorité de la concurrence, a, par décision n° 05-D-65 du 30 novembre 2005, dit que ces trois opérateurs ont enfreint les dispositions des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du Traité CE, d'une part, en échangeant régulièrement, de 1997 à 2003, des informations confidentielles relatives audit marché, de nature à réduire l'autonomie commerciale de chacune d'elles et ainsi à altérer la concurrence sur ce marché oligopolistique, et d'autre part, en s'entendant pendant les années 2000 à 2002 pour stabiliser leurs parts de marché respectives autour d'objectifs définis en commun ; qu'il leur a infligé des sanctions pécuniaires allant de 16 à 41 millions d'euros pour les premiers faits et de 42 à 215 millions d'euros pour les seconds et a ordonné des mesures de publication ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° U 09-13.163 formé par la société Orange :

Attendu que la société Orange fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté les recours dirigés contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en considérant d'une part qu'en l'état de la cassation partielle intervenue le 29 juin 2007 la cour de renvoi devait examiner les sanctions dans leur montant global et non seulement tel qu'individualisé dans les motifs de la décision au titre du seul grief remis en question d'échange d'informations, d'autre part que seuls devraient être examinés les moyens dirigés contre l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourt à la sanction globale, la cour d'appel s'est contredite, en violation de l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que l'arrêt de la chambre commerciale du 29 juin 2007 avait cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2006 en ses dispositions infligeant des sanctions, sans distinguer selon les pratiques prétendument anticoncurrentielles en cause, exprimant le lien de dépendance nécessaire entre la question du caractère anticoncurrentiel de l'échange d'informations litigieux et l'entente de gel de parts de marché reprochée à l'exposante ; de sorte qu'en estimant que seuls devraient être examinés les moyens dirigés contre l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations, la cour d'appel a méconnu l'étendue de sa saisine en violation des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en refusant expressément de répondre à la question, procédant de l'arrêt de cassation du 29 juin 2007 et posée par l'exposante, du lien entre l'échange d'informations et de l'entente sur les parts de marché, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des articles 624 et 638 du code de procédure civile que la censure qui s'attache à un arrêt de cassation est limitée à la portée du moyen qui constitue la base de la cassation, sauf le cas d'indivisibilité ou de dépendance nécessaire, et que lorsqu'une décision prononce une condamnation unique, mais correspondant à des chefs de demande distincts qui ne sont pas indivisément liés, et que la cassation n'intervient que sur l'un d'eux, cette décision n'est pas remise en cause des autres chefs ; que l'arrêt retient que les seuls points atteints par la cassation étaient la question du caractère anticoncurrentiel ou non des échanges d'informations qui ont eu lieu de 1997 à 2003 entre les sociétés Bouygues, SFR et Orange et les sanctions infligées contre ces sociétés, que si le dispositif de la décision du Conseil mentionne seulement, pour chaque opérateur, le montant global de la sanction prononcée, ce montant, à la lumière des motifs exposés dans la décision, apparaît comme la somme de deux éléments individualisés correspondant à chacune des pratiques qualifiées par le Conseil et qu'il ne résulte pas de l'arrêt du 29 juin 2007 que les deux pratiques ne pourraient être appréciées de manière autonome, la Cour de cassation ayant jugé que la cour d'appel, avait pu ne pas considérer comme unique le dommage causé à l'économie par les deux pratiques sanctionnées et fixer des sanctions distinctes pour chacune des infractions ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que seuls devaient être examinés les moyens dirigés contre l'appréciation de l'élément de la sanction se rapportant à l'échange d'informations en ce qu'il concourait à la fixation de la sanction globale, la cour d'appel a fait, sans méconnaître l'étendue de sa saisine, l'exacte application des textes susvisés ; que le moyen qui critique un motif surabondant en sa première branche et manque en fait en sa troisième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° K 09-65.940 formé par la société SFR, le deuxième et le troisième moyens du pourvoi n° U 09-13.163 formé par la société Orange et le moyen unique du pourvoi n° Z 09-12.984 formé par la société Bouygues, réunis :

Attendu que les sociétés SFR, Bouygues, et Orange font grief à l'arrêt d'avoir rejeté leurs recours contre la décision du Conseil, alors, selon le moyen :

1°/ qu'en se bornant, pour l'essentiel, à reprendre en guise de motivation les motifs de la décision du Conseil de la concurrence, adoptés par l'arrêt cassé du 12 décembre 2006, donc annulés par l'arrêt de cassation du 29 juin 2007, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 et L. 464-2 du code de commerce, ensemble l'article 81 du Traité CE et, en se refusant à exercer son pouvoir juridictionnel, a entaché sa décision d'un excès de pouvoir négatif ;

2°/ que lorsque la cour d'appel de Paris rejette le recours contre une décision du conseil de la concurrence, elle en adopte nécessairement les motifs non contraires aux siens propres ; que, la cour de cassation a prononcé le 29 juin 2007 une cassation pour manque de base légale contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 12 décembre 2006, pour n'avoir pas recherché de façon concrète si l'échange régulier, de 1997 à 2003, d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché, en ce qu'il portait sur certaines données non publiées par l'ART ou intervenait antérieurement aux publications de cette autorité, avait eu pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées qui ne distinguaient pas entre forfaits et cartes pré-payées, et de la périodicité des échanges, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; que cette cassation signifie nécessairement qu'étaient insuffisants non seulement les motifs propres de la cour d'appel de Paris mais encore ceux de la décision du Conseil contre laquelle était formé le recours rejeté ; que dès lors, en l'espèce, en se fondant exclusivement sur les motifs du Conseil, déjà considérés comme insuffisants par la décision de la Cour de cassation, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 81 §1 du Traité de Rome et L. 420-1 du code de commerce ;

3°/ qu'en estimant que l'hypothèse d'une concurrence par les quantités dans laquelle un échange d'informations sur les ventes passées a un effet pro-concurrentiel n'aurait reposé sur aucune démonstration et ne serait étayée par aucun élément du dossier, quand la société Orange démontrait largement cette hypothèse, fondée en outre sur l'étude d'un cabinet d'économistes, la cour d'appel a dénaturé les termes du mémoire de la société Orange, en violation de l'article 1134 du code civil ;

4°/ qu'en se bornant à estimer "qu'il ne serait pas exclu" que l'échange d'informations, dans l'hypothèse d'une concurrence par les quantités, soit anticoncurrentiel, sans pour autant l'établir positivement comme cela lui revenait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 420-1 du code de commerce et 81 du traité CE, et affecté sa décision d'un excès de pouvoirs négatifs ;

5°/ qu'il résulte des articles 81 § 1 du Traité de Rome et L. 420-1 du code de commerce, que l'échange régulier d'informations rétrospectives entre les trois entreprises opérant sur le marché n'est illicite, en ce qu'il portait sur certaines données non publiées par l'ART ou intervenait antérieurement aux publications de cette autorité, que s'il a eu concrètement pour objet ou pour effet réel ou potentiel, compte tenu des caractéristiques du marché, de son fonctionnement, de la nature et du niveau d'agrégation des données échangées qui ne distinguaient pas entre forfaits et cartes pré-payées, et de la périodicité des échanges, de permettre à chacun des opérateurs de s'adapter au comportement prévisible de ses concurrents et ainsi de fausser ou de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché concerné ; qu'en présumant à partir du seul caractère oligopolistique du marché, et de données abstraites, qu'un échange régulier d'informations est de nature à altérer sensiblement la concurrence qui subsiste, sans vérifier si la concurrence s'était trouvée, du fait de ces échanges d'informations, concrètement altérée par rapport à ce qu'elle eût été en l'absence d'échange d'informations, la cour d'appel a privé sa...

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