Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 24 novembre 2015, 14-14.924, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:CO01018
Case OutcomeCassation
Docket Number14-14924
Appeal Number41501018
CitationSur l'articulation entre clauses attributives de compétence et lois de police ou d'ordre public éventuellement applicables au fond, dans le même sens que :Ass. plén., 14 octobre 1977, pourvoi n° 75-40.119, Bull. 1977, Ass. plén., n° 6 (rejet) ;1re Civ., 22 octobre 2008, pourvoi n° 07-15.823, Bull. 2008, I, n° 233 (cassation)
CounselSCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Spinosi et Sureau
Date24 novembre 2015
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2016, n° 840, Com., n° 502

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société de droit allemand Lauterbach, après avoir confié à la société Logic instrument la distribution de ses produits sur le territoire français pendant vingt ans, lui a notifié la rupture de leur relation commerciale, avec un préavis de huit mois ; que s'estimant victime d'une rupture brutale de relation commerciale établie, la société Logic instrument l'a assignée devant une juridiction française sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce ;

Sur le premier moyen, pris en ses première et deuxième branches :

Attendu que la société Lauterbach fait grief à l'arrêt de rejeter son exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes et de déclarer la juridiction française compétente alors, selon le moyen :

1°/ que doit recevoir application la clause attributive de juridiction conclue sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; qu'en l'espèce la clause attributive de juridiction désignant le tribunal de Munich figure sur l'ensemble des factures et des correspondances adressées par la société Lauterbach à la société Logic instrument pendant plus de 20 ans ; qu'en retenant, pour refuser de faire application de la clause attributive de juridiction, que les relations commerciales entre les parties n'étaient pas régies par des conditions générales comportant ladite clause, la cour d'appel a méconnu l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;


2°/ que doit recevoir application la clause attributive de juridiction conclue sous une forme conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles et que le consentement à la clause peut être tacite et qu'est réputée tacitement acceptée, dans le cadre de rapports commerciaux courants, la clause attributive de juridiction apposée par l'une des parties sur l'ensemble de la documentation contractuelle dès lors que la partie à laquelle on oppose la clause n'a jamais manifesté un quelconque désaccord ; qu'en se bornant à affirmer que l'absence de conditions générales régissant l'ensemble des relations commerciales entre les parties et comportant ladite clause rendait la clause inopposable à la société Logic instrument, sans examiner, comme l'y invitait pourtant la société Lauterbach, si la clause n'avait pas fait l'objet d'une acceptation tacite par la société Logic instrument, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale ;

Mais attendu qu'après avoir relevé le caractère peu apparent de la mention « Gerichtstand München » (tribunal compétent Munich) figurant au bas des factures émises par la société Lauterbach et retenu qu'il n'était pas démontré que cette clause ait été portée préalablement à la connaissance du distributeur lors de l'émission des bons de commande ni qu'elle ait été approuvée au moment de l'accord sur les prestations, excluant ainsi toute acceptation tacite, l'arrêt constate que cette clause ne donne aucune définition du rapport de droit déterminé pouvant donner lieu à la prorogation de compétence prévue par l'article 23 du règlement de Bruxelles I ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu retenir que cette mention ne constituait pas une convention attributive de juridiction, au sens de l'article 23 du règlement précité ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le même moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article 3 du code civil et les principes généraux du droit international privé, ensemble les articles 3 et 5 du règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 ;

Attendu qu'une personne domiciliée sur le territoire d'un Etat membre ne peut être attraite devant les tribunaux d'un autre Etat membre qu'en vertu des compétences spéciales énoncées par le règlement susvisé ;

Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence soulevée au profit des juridictions allemandes, l'arrêt, après avoir relevé l'absence de convention attributive de juridiction, au sens de l'article 23 du règlement Bruxelles I, retient que la loi de police fondant la demande s'impose en tant que règle obligatoire pour le juge français ;

Qu'en statuant ainsi, alors que seules les règles de conflit de juridictions doivent être mises en oeuvre pour déterminer la juridiction compétente, des dispositions impératives constitutives de lois de police seraient-elles applicables au fond du litige, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 octobre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ; remet en conséquence, a cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt, les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne la société Logic instrument aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Lauterbach GmbH la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre novembre deux mille quinze.



MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Spinosi et Sureau, avocat aux Conseils, pour la société Lauterbach GMBH

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la société LAUTERBACH mal fondée en son exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes, de l'en avoir déboutée et en conséquence de s'être déclaré compétent pour statuer sur l'action engagée par la société LOGIC INSTRUMENT ;

Aux motifs propres que :

« Sur l'exception d'incompétence au profit des juridictions allemandes :

Considérant que l'appelante invoque la clause attributive de compétence figurant sur ses factures et correspondances sous la forme "Gerichtstand München" ( tribunal compétent : Munich), précisant que cette clause a été régulièrement portée à la connaissance de la société intimée et qu'elle lui est parfaitement opposable selon l'article 23 du règlement n°44/2001 du 22 décembre 2000 dit Bruxelles I, s'agissant de rapports commerciaux entre les parties qui existent depuis vingt ans, que cette clause s'applique à tout litige découlant de la rupture de relations contractuelles entre les parties, y compris sur le fondement de l'article L. 442-6 I 5° du code de commerce ;

Que la société intimée réplique que l'action fondée sur la rupture brutale de relations commerciales établies est une action en responsabilité délictuelle qui peut être engagée devant les juridictions du lieu où le dommage s'est produit en application du règlement Bruxelles I (article 5-3) et de l'article 46 du code de procédure civile, que l'expression : "Gerichtstand München" rédigée en petits caractères allemands et non apparents, insérée au bas du papier à entête, ne peut être considérée comme une clause attributive de juridiction au regard de l'article 23 du règlement Bruxelles I ;

Que la société intimée conteste à bon droit au regard de l'article 23 du règlement Bruxelles I, la validité formelle de la clause attributive de compétence "Gerichtstand München" (tribunal compétent : Munich), mentionnée au bas des factures produites et insérée en petits caractères au milieu des coordonnées postales, téléphoniques et électroniques de la société appelante, dès lors que celle-ci ne démontre pas que ladite clause ait été portée préalablement à la connaissance de son distributeur lors de l'émission des bons de commande et approuvée par celui-ci au moment de la conclusion des prestations convenues ;

Que par ailleurs, la clause attributive de juridiction ne définit pas "le rapport de droit déterminé" au sens de l'article 23 du règlement Bruxelles I pouvant justifier une prorogation de compétence et la notion de "rapports commerciaux courants" initiée par la C.J.C.E dans ses arrêts Segoura en 1976 et Tilly Russ en 1984, invoquée par l'appelante, est inapplicable en l'absence de conditions générales régissant l'ensemble des relations commerciales entre les parties comportant ladite clause, peu important que le directeur général de la société intimée, M. Jacques Y..., fût de nationalité allemande et même en l'absence de réserves émises lors de la réception des factures ou des correspondances par le distributeur français ;

Que la société Logic Instrument soutient qu'en l'absence de clause attributive de juridiction valable au sens des dispositions précitées, il convient d'appliquer le droit commun prévoyant la compétence du juge français (article 5.3 du règlement Bruxelles 1), alors que la société allemande estime qu'en tout état de cause, le droit commun ne saurait désigner la juridiction française compétente dans un tel litige par application des articles 2-1 et 5-1 a) du règlement Bruxelles I, que la cour doit se déclarer incompétente au profit des juridictions munichoises, que la fourniture du produit est la prestation caractéristique du contrat de distribution, ce qui implique qu'il convient d'appliquer la loi du fournisseur de produits, qui est présumée être la loi avec lequel le contrat présente les liens les plus étroits ;

Mais considérant que s'agissant d'une demande fondée sur la rupture brutale d'une relation commerciale établie entre un fournisseur et un distributeur qui n'ont pas conclu de contrat écrit ni de clause attributive de...

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