Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 14 décembre 2016, 15-21.597 15-24.610, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:C101413
Case OutcomeRejet
Date14 décembre 2016
Appeal Number11601413
Docket Number15-21597,15-24610
CounselSCP Gadiou et Chevallier,SCP Hémery et Thomas-Raquin,SCP Lyon-Caen et Thiriez
Citationn° 2 :A rapprocher :1re Civ., 17 février 2016, pourvoi n° 14-29.686 et 14-26.342, Bull. 2016, I, n° ??? (rejet).n° 3 :Sur l'illégalité de l'épilation au laser par d'autres professionnels que les médecins, à rapprocher :Crim., 8 janvier 2008, pourvoi n° 07-81.193, Bull. crim. 2008, n° 2 (rejet) ;Crim., 13 septembre 2016, pourvoi n° 15-85.046, Bull. crim. 2016, n° ??? (rejet)
Subject MatterPROFESSIONS MEDICALES ET PARAMEDICALES - Médecin - Syndicat - Action en justice - Conditions - Intérêt collectif de la profession - Applications diverses - Exercice illégal de la profession ACTION EN JUSTICE - Intérêt - Caractérisation - Cas - Action d'un syndicat professionnel de médecins pour exercice illégal de la médecine PROCEDURE CIVILE - Action - Conditions de recevabilité - Intérêt à agir - Cas - Action d'un syndicat professionnel de médecins pour exercice illégal de la médecine
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° K 15-21.597 et K 15-24.610, qui sont formés contre le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 4 juin 2015), que le Syndicat national des dermatologues-vénérologues (le syndicat) a saisi le juge des référés aux fins de voir juger que les actes d'épilation à la lumière pulsée pratiqués par les sociétés Starever et Délicate & zen constituaient des actes d'exercice illégal de la médecine produisant un trouble manifestement illicite qu'il convenait, en application de l'article 809, 1er alinéa, du code de procédure civile, de faire cesser ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° K 15-21.597 :

Attendu que la société Starever fait grief à l'arrêt de déclarer recevable la demande formée par le syndicat, alors, selon le moyen, qu'est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir ; que les syndicats professionnels ont exclusivement pour objet l'étude et la défense des droits ainsi que des intérêts matériels et moraux, tant collectifs qu'individuels, des personnes mentionnés dans leurs statuts ; que, s'ils ont le droit d'agir en justice, ils ne peuvent, devant toutes les juridictions, qu'exercer les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ; qu'en l'espèce, la société Starever faisait valoir que, selon l'arrêté du 22 septembre 2004, la profession de dermatologues-vénéréologues ne disposait d'aucune compétence particulière en matière d'épilation, en sorte que le syndicat n'avait pas qualité pour agir en cessation d'un prétendu trouble illicite résultant de la proposition, par une société exploitant une activité de soins de beauté, de prestations d'épilation par lumière pulsée ; que, pour déclarer l'action du syndicat recevable, la cour d'appel a considéré qu'il reprochait aux sociétés défenderesses « des pratiques susceptibles de relever d'une catégorie d'actes que la loi réserverait expressément aux médecins, et en particulier aux dermatologues, spécialisés en la matière » ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la spécialité de dermatologue avait spécialement compétence, en vertu de l'arrêt du 22 septembre 2004, pour pratiquer des actes d'épilation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 2131-1 et L. 2132-3 du code du travail, de l'arrêté du 22 septembre 2004, et des articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ;

Attendu qu'en vertu de l'article L. 2132-3 du code du travail, les syndicats professionnels ont le droit d'agir en justice et peuvent, devant toutes les juridictions, exercer tous les droits réservés à la partie civile concernant les faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent ;

Attendu qu'après avoir constaté que, selon ses statuts, le syndicat a pour objet la défense des intérêts professionnels, moraux et matériels de ses membres, que tout médecin exerçant en France la spécialisation de dermatologie-vénérologie et inscrit au tableau de l'ordre des médecins peut adhérer à ce syndicat et qu'en reprochant aux sociétés Starever et Délicate & zen des pratiques susceptibles de relever d'une catégorie d'actes que la loi réserverait aux médecins, le syndicat invoquait une atteinte aux intérêts professionnels de ses membres, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, en a déduit à bon droit que le syndicat justifiait d'un intérêt à agir ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° K 15-24.610 :

Attendu que la société Délicate & zen fait grief à l'arrêt de lui faire interdiction, ainsi qu'à la société Starever, sous astreinte, de pratiquer des actes d'épilation à la lumière pulsée et de faire la publicité de tels actes, alors, selon le moyen :

1°/ que le juge des référés ne peut enjoindre une partie à cesser son activité que si l'exercice de celle-ci constitue un trouble manifestement illicite ; que l'illicéité manifeste du trouble n'est pas caractérisée lorsqu'existe un conflit de normes, particulièrement entre le droit interne et le droit communautaire ; qu'en l'espèce, la société Delicate & zen avait invoqué la contrariété entre l'arrêté du 6 janvier 1962 et l'article 49 du TFUE relatif à la liberté d'établissement ; que, pour retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que la société Délicate & zen « n'établit pas en quoi l'interdiction aux professionnels autres que les médecins, telle que prévue par l'arrêté ministériel litigieux, serait une entrave à la liberté d'établissement telle que définie par l'article 49 du traité » par la raison que la restriction critiquée se borne à interdire aux professionnels de l'esthétique la pratique de quelques actes, sans distinction selon la nationalité ; qu'en statuant de la sorte, sans rechercher, comme elle y avait été invitée, si la restriction n'était pas susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l'exercice de la liberté d'établissement garantie par le Traité, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'illicéité manifeste du trouble invoqué et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile ;

2°/ que la société Delicate & zen avait soutenu que le principe de subsidiarité ne s'effaçant pas devant celui de proportionnalité, la CJCE contrôlait la proportionnalité de la mesure adoptée par l'Etat à l'intérêt de santé publique protégé ; qu'en affirmant que « la restriction critiquée (…) se borne à interdire quelques actes dans le cadre de la réglementation en matière de santé publique » sans répondre au chef de conclusions invoquant la nécessité d'une proportionnalité, la cour d'appel a, en toute hypothèse, violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ que la contradiction de motifs équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour retenir l'existence d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a, d'une part, énoncé que l'Etat membre décide du niveau auquel il entend assurer la protection de la santé publique et le niveau de cette protection et, d'autre part, retenu que « peu importait l'absence ou non de danger pour la santé publique » pour induire que la violation de l'arrêté caractérisait un trouble manifestement illicite ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel s'est contredite et, partant, a encore violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des constatations de l'arrêt que, selon ses statuts, les membres du syndicat doivent être des médecins exerçant la spécialisation de dermatologie-vénérologie en France, où la société Délicate & zen a son siège social, exerce son activité et a pratiqué les actes d'épilation litigieux, en violation, selon le syndicat, de l'arrêté du 6 janvier 1962 fixant la liste des actes médicaux ne pouvant être pratiqués que par des médecins ou pouvant être pratiqués également par des auxiliaires médicaux ou par des directeurs de laboratoires d'analyses médicales non médecins ; qu'il s'en déduit que l'article 49 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ne s'applique pas à ce litige, dont tous les éléments sont cantonnés à l'intérieur du territoire national et ne se rattachent pas à l'une des situations envisagées par le droit de l'Union dans le domaine de la liberté d'établissement ; que, par ce motif de pur droit, substitué, dans les conditions de l'article 1015 du code de procédure civile, à ceux critiqués, la décision se trouve légalement justifiée ;

Sur le second moyen du pourvoi n° K 15-21.597, pris en sa première branche :

Attendu que la société Starever fait grief à l'arrêt de lui faire interdiction, ainsi qu'à la société Délicate & zen, sous astreinte, de pratiquer des actes d'épilation à la lumière pulsée et de faire la publicité de tels actes, alors, selon le moyen, que le président du tribunal de grande instance ne peut prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent qu'afin de prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que la seule méconnaissance d'une réglementation – à la supposer établie - n'est pas en elle-même constitutive d'un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que « l'existence de cette violation de l'arrêté ministériel suffis[ait] à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite » ; qu'en se prononçant ainsi, sans caractériser en quoi le syndicat se prévalait d'un trouble distinct de la prétendue méconnaissance d'une règle de droit, la cour d'appel a violé l'article 809, alinéa 2, du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'après avoir rappelé que constitue un trouble manifestement illicite la violation évidente d'une règle de droit résultant d'un fait matériel ou...

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