Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 9 juillet 2014, 13-16.434 13-16.805, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Lacabarats
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:SO01493
Case OutcomeCassation partielle
Docket Number13-16805,13-16434
Appeal Number51401493
Date09 juillet 2014
CounselSCP Célice,Blancpain et Soltner,SCP Lyon-Caen et Thiriez
CitationSur l'impossibilité de licencier un salarié protégé après l'expiration de sa période de protection pour des faits identiques à ceux qui ont donné lieu à refus d'autorisation pendant la période de protection, à rapprocher :Soc., 3 juillet 2003, pourvoi n° 00-44.625, Bull. 2003, V, n° 213 (cassation), et l'arrêt cité.Sur la nullité du licenciement d'un salarié en raison de ses activités syndicales, à rapprocher :Soc., 17 mars 1999, pourvoi n° 97-45.555, Bull. 1999, V, n° 126 (cassation partielle). Sur l'étendue de l'indemnisation en cas de licenciement prononcé en violation d'une liberté fondamentale ou de dispositions d'ordre public, à rapprocher :Soc., 10 octobre 2006, pourvoi n° 04-47.623, Bull. 2006, V, n° 297 (rejet), et l'arrêt cité.
Subject MatterCONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Nullité - Cas - Discrimination - Discrimination syndicale - Effets - Réintégration - Défaut - Indemnisation - Etendue - Détermination
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, V, n° 186

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° K 13-16. 805 et H 13-16. 434 ;

Donne acte à la société Sabec de son désistement partiel du premier moyen de son pourvoi ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'en 2008 la société Sabec a acquis auprès du groupe Accor un hôtel Ibis situé à Champs-sur-Marne, hôtel dirigé depuis 1991 par M. X... , par ailleurs représentant syndical au comité d'entreprise ; que la demande d'autorisation de transfert de M. X... , d'abord refusée par l'inspecteur du travail, a été autorisée par décision du ministre du travail le 31 décembre 2008 ; que la société Sabec a demandé à l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. X... pour motif économique ; que cette autorisation a été refusée par l'inspecteur du travail le 19 juin 2009 au motif que la demande était liée au mandat et aux responsabilités de représentant du personnel du salarié ; que le 28 août 2009, le salarié, dont la période de protection s'achevait le 30 juin 2009, a été licencié pour motif économique ; que ce licenciement a été annulé par la cour d'appel, statuant en référé, le 26 novembre 2009, en raison de l'identité des motifs avec ceux ayant donné lieu à décision de refus de l'administration et de son caractère discriminatoire ; que le 31 mars 2010, la société Sabec a notifié à M. X... un nouveau licenciement pour motif économique ;

Sur le second moyen du pourvoi de l'employeur (arrêt du 20 février 2013) :

Attendu que la société Sabec fait grief à l'arrêt d'avoir dit nul le licenciement du salarié en date du 30 mars 2010, alors, selon, le moyen :

1°/ que l'inspecteur du travail n'est plus compétent pour autoriser le licenciement d'un salarié au terme de la période légale de protection ; qu'à l'issue de cette période de protection, l'employeur retrouve en conséquence la liberté de licencier le salarié selon les règles de droit commun ; que la persistance de difficultés économiques autorise en conséquence l'employeur à licencier pour motif économique l'ancien salarié protégé nonobstant le précédent refus de l'inspecteur du travail d'autoriser un tel licenciement ; qu'en déduisant au contraire le caractère discriminatoire du licenciement économique notifié le 30 mars 2010 au salarié de la circonstance selon laquelle la société Sabec s'était vue opposer un refus, par une précédente décision de l'inspecteur du travail du 19 juin 2009, à sa demande d'autorisation de licenciement pour un même motif économique à une époque où le salarié bénéficiait encore de son statut protecteur, ce nonobstant la persistance depuis de difficultés économiques de la société constatées par les juges du fond, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 2411-8 et L. 2141-5 du code du travail ;

2°/ que si, à la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 26 novembre 2009, statuant en référé, la réintégration de M. X... a été ordonnée, de telle sorte que la société Sabec a été conduite à lui notifier un nouveau licenciement pour motif économique le 30 mars 2010, cette dernière n'a pas renoncé à faire valoir devant le juge du fond la régularité du licenciement initialement prononcé le 28 août 2009 ; que la réalité des motifs économiques invoqués à l'appui de ce licenciement devait s'apprécier au regard de la situation économique de l'entreprise à cette date ; que dès lors en se fondant sur l'amélioration des résultats de l'entreprise à la fin de l'exercice 2010 pour déduire l'absence de fondement du licenciement du 28 août 2009 sans vérifier si précisément, eu égard à la situation de la société Sabec en août 2009, celle-ci ne connaissait pas effectivement des difficultés économiques justifiant à cette époque le licenciement du salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 2141-5, L. 2411-8 et L. 1233-3 du code du travail ;

3°/ que ni la connaissance par la société Sabec des difficultés économiques de l'hôtel de Champs-sur-Marne lors de son rachat, ni le fait que ces difficultés aient décru entre 2008 et 2010 n'étaient de nature à écarter la réalité et l'existence de ces difficultés ; que la cour d'appel qui a constaté que, même en prenant en compte les provisions effectuées par la société Sabec pour risque litige prud'homal, la société Sabec a connu « une perte de 420 162 euros pour un exercice de dix-sept mois arrêté au 31 décembre 2009 » et une « perte comptable (¿) de 76 463 euros » au seul mois de mars 2010, soit après moins de trois mois d'activité au titre de l'exercice 2010, ne pouvait qu'en déduire l'existence de difficultés économiques justifiant le licenciement de M. X... ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé les articles L. 1132-1, L. 2141-5, L. 2411-8 et L. 1233-3 du code du travail ;

4°/ que si elle traduisait tout au plus son défaut d'exécution d'une décision de justice prise en référé, la non-réintégration de M. X... à la suite de l'arrêt de la cour d'appel du 26 novembre 2009, ne permettait pas de déduire le caractère discriminatoire du licenciement prononcé le 28 août 2009 plusieurs mois auparavant ; qu'en retenant le contraire, la cour d'appel a n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L. 2411-8 du code du travail ;

5°/ qu'à le supposer même justifié par des faits strictement identiques à ceux invoqués devant l'autorité administrative qui ont donné lieu à une décision de refus, le licenciement prononcé à l'expiration de la période légale de protection motivé est de ce chef tout au plus dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'à les supposer même fondés sur des motifs identiques à ceux invoqués devant l'inspecteur du travail et ayant donné lieu à un refus de sa part par décision du 19 juin 2009, les licenciements des 28 août 2009 et 30 mars 2010 étaient donc tout au plus dépourvus de cause réelle et sérieuse mais ne pouvaient être frappés de nullité ; qu'en retenant le contraire la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 2141-5 et L. 2411-8 du code du travail ;

6°/ que le salarié, dont le licenciement est déclaré nul et dont la réintégration est ordonnée ne peut pas prétendre à des indemnités réparant l'illicéité de la rupture du contrat du travail ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté la nullité du licenciement de M. X... , a ordonné sa réintégration et a condamné l'exposante à lui verser une indemnité correspondant à sa rémunération à compter de sa demande tardive en réintégration et jusqu'à celle-ci ; qu'en condamnant néanmoins en plus l'exposante à verser à M. X... une indemnité de 50 000 euros « en réparation du préjudice subi jusqu'à la date de son licenciement », la cour d'appel a violé les articles L. 2141-5 et L. 2411-8 du code du travail ;


Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel a relevé que les motifs de licenciement invoqués dans la lettre du 30 mars 2010 étaient identiques à ceux ayant fait l'objet de la décision de refus opposée par l'inspecteur du travail en raison du lien avec le mandat ; qu'ayant constaté que ces motifs n'étaient pas justifiés par des circonstances postérieures à la décision administrative dès lors que, s'agissant de l'impossibilité d'employer deux directeurs, il n'était toujours pas expliqué la raison pour laquelle il avait été choisi de licencier M. X... , dont l'ancienneté était de dix-sept ans, plutôt que la salariée qui avait été engagée en mai 2008, ni fait état de recherches de reclassement, et que s'agissant des difficultés économiques, elles n'étaient pas plus avérées que lors de la décision de refus considérant qu'elles n'étaient pas établies, et qu'au contraire l'entreprise faisait preuve d'une bonne vitalité, elle en a exactement déduit que le licenciement du 30 mars 2010, décidé après l'annulation par le juge des référés, pour les mêmes motifs, du licenciement prononcé le 28 août 2009, était fondé sur des motifs discriminatoires et devait en conséquence être annulé ;

Et attendu ensuite que les dommages et intérêts accordés par la cour d'appel en sus de l'indemnité correspondant à la rémunération du salarié jusqu'à sa réintégration visaient à indemniser le dommage résultant pour le salarié d'une situation de harcèlement que la cour d'appel a caractérisée ;

Que le moyen, qui manque en fait en sa sixième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;

Mais sur le moyen unique du pourvoi du salarié :

Vu l'article 6 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, et les articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail ;

Attendu que tout licenciement prononcé à l'égard d'un salarié en raison de ses activités syndicales est nul ; que, dès lors qu'il caractérise une atteinte à la liberté, garantie par la Constitution, qu'a tout homme de pouvoir défendre ses droits et ses intérêts par l'action syndicale, le salarié qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une indemnité égale au montant de la rémunération qu'il aurait dû percevoir entre son éviction de l'entreprise et sa réintégration, peu important qu'il ait ou non reçu des salaires ou un revenu de remplacement pendant cette période ;

Attendu qu'après avoir reconnu le caractère discriminatoire du licenciement prononcé, après l'expiration de la période de protection, pour des motifs identiques à ceux qui avaient donné lieu à refus d'autorisation de l'inspecteur du travail en raison du lien entre le licenciement et le mandat détenu par le salarié, l'arrêt énonce qu'il sera alloué au représentant syndical une somme correspondant à la réparation de la totalité de son préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, déduction faite des revenus tirés par le salarié d'une autre activité ou d'un revenu de remplacement ;

Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;


PAR CES MOTIFS...

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