Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 16 mai 2018, 17-11.337, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:C100505
Case OutcomeCassation partielle
Publication au Gazette officielBull. 2018, I, n° 87
CitationA rapprocher :1re Civ., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-27.231, Bull. 2017, I, n° 77 (2) (cassation partielle) ;1re Civ., 29 mars 2017, pourvoi n° 16-13.050, Bull. 2017, I, n° 78 (3) (cassation partielle)
Appeal Number11800505
Date16 mai 2018
Docket Number17-11337
CounselSCP Ricard,Bendel-Vasseur,Ghnassia,SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Subject MatterPROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Définition - Clause créant un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties - Applications diverses - Prêt libellé en francs suisses et remboursables en euros PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Clauses abusives - Domaine d'application - Prêt d'argent - Prêt libellé en francs suisses et remboursables en euros POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Contrats et obligations conventionnelles - Clauses abusives - Caractère abusif - Appréciation UNION EUROPEENNE - Protection des consommateurs - CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08 - Clauses abusives - Caractère abusif - Office du juge - Etendue - Détermination - Portée
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, le 10 octobre 2008, M. et Mme X... (les emprunteurs) ont fait procéder à une étude personnalisée de leur situation patrimoniale par la société AMG patrimoine, spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine et la commercialisation de biens immobiliers à des fins d'optimisation fiscale ; que, le 13 octobre 2008 et le 12 mars 2009, ils ont signé des contrats de réservation portant sur l'acquisition de trois appartements et d'emplacements de parking ; que, suivant offres acceptées les 16 décembre 2008 et 5 octobre 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) leur a consenti trois prêts immobiliers, libellés en francs suisses et remboursables en euros, dénommés Helvet Immo ; qu'invoquant des manquements de la société François Premier Real Estate, venant aux droits de la société AMG patrimoine (le conseil en gestion), et de la banque à leurs obligations contractuelles, les emprunteurs les ont assignées en responsabilité et indemnisation ;

Sur le second moyen :

Attendu que les emprunteurs font grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de leurs demandes ;

Attendu que l'arrêt relève que l'étude de la situation personnelle des emprunteurs a été réalisée par le conseil en gestion, que le financement évoqué dans le document concerne un prêt en euros, dont les caractéristiques ne sont pas celles du prêt Helvet Immo, que les courriels produits aux débats n'émanent pas du conseil en gestion et ne préconisent pas la souscription de tels prêts, et qu'il n'est établi ni que les trois contrats de prêts litigieux aient été signés par l'intermédiaire de cette société ni, a fortiori, que celle-ci ait manqué à ses obligations à leur égard et leur ait tenu un discours trompeur sur l'inexistence d'un risque de change ; que, de ces seuls motifs, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à des recherches qui ne lui étaient pas demandées ou que ses constatations rendaient inopérantes, a pu, sans modifier l'objet du litige et abstraction faite de motifs surabondants, déduire, sans se contredire et hors toute dénaturation, que le conseil en gestion n'avait pas manqué à ses obligations à l'égard des emprunteurs ; que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen, pris en sa première branche :

Vu l'article L. 132-1, devenu l'article L. 212-1 du code de la consommation ;

Attendu que la Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, Pannon, C-243/08) ;

Attendu qu'aux termes du texte susvisé, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que l'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible ;

Attendu que, pour rejeter la demande formée contre la banque, l'arrêt se borne à retenir qu'aucune faute n'est caractérisée à son encontre ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, toute dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse avait pour conséquence d'augmenter le montant du capital restant dû et, ainsi, la durée d'amortissement du prêt d'un délai maximum de cinq ans, de sorte qu'il lui incombait, à supposer que la clause litigieuse ne définisse pas l'objet principal du contrat ou, dans le cas contraire, qu'elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher d'office si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur l'emprunteur, et si, en conséquence, ladite clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du premier moyen :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de M. et Mme X... à l'encontre la société BNP Paribas Personal Finance, l'arrêt rendu le 29 septembre 2016, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme X... la somme de 3 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mai deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour M. et Mme X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. et Mme X... de l'intégralité de leurs demandes

AUX MOTIFS QUE « les époux X..., pour affirmer que la banque a commis une pratique commerciale trompeuse versent aux débats, en pièce 32, une transmission du parquet de Paris aux magistrats de la 9ème chambre du tribunal de grande instance de Paris en date du 30 octobre 2015, comprenant "le réquisitoire introductif en date du 28 mars 2013, l'interrogatoire en date du 10 juin 2015 de la Bnp Paribas Personal Finance à l'issue de laquelle elle a été mise en examen supplétivement et l'audition de Madame Nathalie B... en date du 17/09/2015" ; [...] que sans s'interroger sur l'éventuelle prescription des demandes formulées sur ce fondement dans leurs conclusions du 21/03/2016 par les époux X..., il y a lieu de relever tout d'abord, que l'existence d'un réquisitoire introductif visant le délit et la mise en examen de la banque n'impliquent pas que les faits soient caractérisés à l'encontre de la banque ; qu'il faut préciser que la banque a contesté les faits, qu'elle a soutenu que le risque de change était mis en avant et que l'ampleur du décrochage n'était pas prévisible ; qu'elle a précisé que les prêts avaient été commercialisés, par elle avec toutes les informations nécessaires par des intermédiaires en opérations de banque, qui étaient formés, ou par le réseau Ucb, Bnp Personal Finance n'ayant aucune agence et n'ayant donc jamais été contact avec les emprunteurs, à la différence des professionnels qui vendaient ce financement ; qu'elle ne pouvait répondre de ce qui avait été convenu entre ces intermédiaires et les emprunteurs ; qu'elle a insisté sur le fait qu'elle avait adressé des offres qui ont été acceptées 10 jours plus tard ; [...] ensuite, que la déposition de Mme B..., appelle les développements suivants ; [...] que Mme B... a été un temps directrice régionale de l'agence Bnp Paris Etoile ; qu'elle déclare ne pas avoir rencontré les emprunteurs, avoir participé à l'origine à la construction d'un argumentaire commercial du produit Helvet Immo à destination des intermédiaires, avoir été écartée du groupe de travail et avoir continué son activité portant sur la distribution des produits de financements de la banque et, notamment du produit Helvet Immo, aux partenaires professionnels apporteurs d'affaires, avant de quitter la BNP, en février 2011, parce qu'elle n'avait pas eu d'augmentation de salaire, et de rejoindre la société Primonial, rencontré par l'intermédiaire d'un de ses partenaires, D... J... ; [...] en substance, que Mme B... expose que le produit était hyper compliqué, qu'elle a compris que le danger du produit était que la variation du taux de change impacte le capital restant dû et qu'elle a demandé des crash tests qui avaient confirmé le risque, non seulement pour l'emprunteur mais aussi pour la banque, en terme d'images ; qu'elle a été exclue du groupe de travail qui a construit l'argumentaire commercial du produit ; qu'en tant que directeur d'agence, elle a expliqué le produit aux intermédiaires ; que la phrase clef qu'ils devaient dire était "le capital restant dû ne peut pas varier de plus de quelques centimes d'euros" ; que lorsque son "chef n'était plus là" elle retournait voir les partenaires et leur disait : "il faut en vendre le moins possible, il ne faut en vendre qu'à des gens qui ont compris, la phrase sur le capital restant dû est fausse" ; que lorsque la parité a dévissé, il lui a été demandé le 16 avril 2010 de présenter un argumentaire pour répondre aux questions des emprunteurs inquiets ; [...]ainsi que le relève la banque, qu'il résulte de ses propos qu'elle était la seule à avoir compris le mécanisme du prêt, à en faire la critique et à refuser de le vendre ; [...] que la première affirmation est difficilement crédible compte tenu du professionnalisme des collaborateurs bancaires et de celui des intermédiaires, spécialistes des solutions de financement ; qu'en ce qui concerne les deux autres, elles sont contredites par les propres déclarations de Mme B... et celle d'un intermédiaire ; [...] que Mme B... indique elle même que la société D... J... était son plus gros intermédiaire ; que selon ce qui figure dans l'interrogatoire de la banque, cette société a commercialisé 306 prêts Helvet Immo ; qu'il est constant que c'est Madame B... qui a expliqué le...

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