Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 17 février 2016, 14-26.342 14-29.686, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:C100131
CitationSur le n° 1 : Dans le même sens que :1re Civ., 15 novembre 2010, pourvoi n° 09-66.319, Bull. 2010, I, n° 230 (cassation partielle)
Case OutcomeRejet
Date17 février 2016
Appeal Number11600131
CounselSCP Thouin-Palat et Boucard,Me Le Prado
Docket Number14-26342,14-29686
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin d'information 2016 n° 845, III, n° 954

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Joint les pourvois n° X 14-26.342 et H 14-29.686, qui sont connexes ;

Donne acte à la société CFC expert (la société CFC) et au Syndicat des conseils opérationnels en optimisation des coûts (Syncost) du désistement de leurs pourvois en ce qu'ils sont dirigés contre M. Meziani ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 10 septembre 2014, rectifié le 19 novembre 2014), que la société Saint-Chamond distribution (la société Saint-Chamond), ayant son siège social en France, a conclu, le 4 mai 2005, avec la société française CFC, un contrat d'expertise de la tarification des risques professionnels, comportant une mission d'analyse des éléments servant de base au calcul du taux des cotisations accidents du travail pour l'année 2005 en vue d'obtenir une réduction de celui-ci ; que, doutant de la licéité de la mission ainsi confiée, la société Saint-Chamond a dénoncé le contrat et, le 16 novembre 2005, a assigné en annulation de la convention la société CFC, qui a attrait en intervention forcée M. Meziani, avocat ; que l'ordre des avocats au barreau de la Seine-Saint-Denis (l'ordre des avocats) et le Syncost, dont était membre la société CFC, sont intervenus volontairement à l'instance ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° X 14-26.342 :

Attendu que la société CFC fait grief à l'arrêt d'annuler la convention conclue le 4 mai 2005 et de la condamner à restituer à la société Saint-Chamond les dossiers et pièces remis à l'occasion de l'exécution de cette convention, alors, selon le moyen :

1°/ que seules les consultations juridiques et la rédaction d'actes sous seing privé relèvent du monopole des avocats ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a annulé la convention du 4 mai 2005 en ce qu'elle investissait la société CFC d'une mission de consultation juridique en se fondant sur des motifs tirés de la prise de décision de transférer le dossier à un avocat ou de celle d'approfondir les données médicales en recourant à l'avis d'un médecin, de la circonstance selon laquelle l'analyse technique de la société CFC s'inscrivait dans une prestation plus large comprenant un volet juridique, ou enfin de l'examen par la société CFC, avec le client, de l'avis préconisé par l'avocat ; que, dès lors que, dans la prestation globale offerte au client, ce qui relevait de la consultation juridique était confié à l'avocat et à lui seul, ces motifs ne sont pas de nature à caractériser une prestation juridique de la part de la société CFC portant atteinte au monopole des avocats pour délivrer une consultation juridique ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

2°/ que la prise de décision de transférer le dossier à un avocat ou d'approfondir les données médicales en recourant à l'avis d'un médecin ne constitue pas en soi une prestation juridique de nature à porter atteinte au monopole des avocats pour délivrer une consultation juridique ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré que ces missions impliquaient nécessairement une analyse juridique préalable du cas traité au regard des dispositions du code de la sécurité sociale en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle ; qu'en statuant par un tel motif, qui ne suffit pas à caractériser une prestation juridique de la part de la société CFC portant atteinte au monopole des avocats pour délivrer une consultation juridique, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

3°/ qu'en retenant que la prise de décision de transférer le dossier à un avocat ou d'approfondir les données médicales en recourant à l'avis d'un médecin impliquait nécessairement une analyse juridique préalable du cas traité au regard des dispositions du code de la sécurité sociale en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle, la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation et a ainsi violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4°/ qu'en retenant que la prise de décision de transférer le dossier à un avocat ou d'approfondir les données médicales en recourant à l'avis d'un médecin impliquait nécessairement une analyse juridique préalable du cas traité au regard des dispositions du code de la sécurité sociale en matière d'accident du travail et de maladie professionnelle, sans qu'il résulte de ses constatations que la société CFC avait effectivement procédé à une analyse des cas traités au regard de ces dispositions légales, la cour d'appel s'est également déterminée par un motif hypothétique et ainsi violé, encore à ce titre, l'article 455 du code de procédure civile ;

5°/ que la seule circonstance que l'analyse technique de la société CFC s'inscrivît dans une prestation plus large, qui comprenait un volet juridique, ne pouvait suffire à la qualifier de prestation juridique portant atteinte au monopole des avocats pour délivrer une consultation juridique, dès lors que, dans la prestation globale offerte au client, ce qui relevait de la consultation juridique était confié à l'avocat et à lui seul ; que l'article 4, a, 1er point, de la convention du 4 mai 2005 stipulait, en termes d'« Obligations de CFC Expert », que celle-ci « s'engage(ait) » à mandater un avocat et/ou un médecin-expert pour « effectuer les qualifications juridiques et/ou médicales et émettre tout avis et consultations sur les actions préconisées qui relèvent de leur champ de compétence et pour lesquelles il a été identifié un intérêt pour le Signataire » ; qu'en affirmant, pour annuler la convention du 4 mai 2005, que l'étude de cohérence réalisée à partir d'éléments médicaux revendiquée par la société CFC s'inscrivait dans une prestation plus large, essentiellement juridique, la cour d'appel a procédé à une confusion entre ce qui incombait à la société CFC et ce qui relevait de la mission de l'avocat ; que ce faisant, elle a violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

6°/ que la cour d'appel a expressément retenu que la société CFC se voyait, aux termes de la convention du 4 mai 2005, « attribuer le contrôle de l'opportunité de toute mesure ou recours précontentieux et contentieux préconisé par l'avocat » ; qu'il en résultait nécessairement que l'appréciation par la société CFC « de l'opportunité de toute mesure ou recours précontentieux et contentieux » venait après et à la lumière de la consultation juridique opérée par l'avocat ; qu'elle a pourtant considéré que « la délégation du dossier à un avocat ainsi que l'appréciation de l'opportunité des recours préconisés par celui-ci induisent à l'évidence l'appréciation juridique du cas traité, peu important sa complexité et son devenir après sa transmission éventuelle à l'avocat » ; qu'en déduisant du rôle qui était ainsi attribué à la société CFC une atteinte au monopole des avocats pour délivrer une consultation juridique, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et ainsi violé l'article 1134 du code civil, ensemble les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

7°/ qu'en considérant que l'examen, avec le client, d'un avis donné par un avocat constituait une prestation juridique, la cour d'appel a également violé à ce titre les articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

8°/ que pour les personnes exerçant une activité non réglementée et justifiant d'un agrément donné pour la pratique du droit, la consultation juridique n'est pas prohibée dans la mesure où celle-ci constitue une activité accessoire à l'activité principale ; qu'en l'espèce, il était acquis aux débats que la société CFC justifiait pour la période considérée d'un agrément OPQCM, de sorte qu'elle était habilitée à exercer une activité de consultation juridique accessoire à son activité principale ; qu'en jugeant que la convention du 4 mai 2005 investissait la société CFC d'une mission de consultation juridique portant atteinte au monopole des avocats sans pour autant relever qu'il s'agissait là pour cette dernière de son activité principale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 54 et 60 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée ;

Mais attendu qu'après avoir relevé que, selon le contrat, la société CFC agissait en qualité de maître d'oeuvre et de coordinateur de la mission, veillait à la bonne réalisation des diligences qu'elle décidait de confier à des médecins-experts ou à des avocats et assistait l'entreprise dans ses relations avec les différents organismes de sécurité sociale, l'arrêt retient que l'exécution de cette mission ne se limitait pas à un audit technique de vérification des éléments chiffrés de la tarification des cotisations sociales dues par l'entreprise, dont la détermination et le traitement contentieux des conséquences juridiques seraient appréciés seulement par l'avocat, dès lors que, pour évaluer l'opportunité de transmettre le dossier à ce professionnel du droit, elle procédait à une analyse juridique préalable de chaque cas au regard des dispositions du code de la sécurité sociale ; que, de ces énonciations et appréciations, la cour d'appel, qui n'a statué ni par simple affirmation ni par un motif hypothétique, a exactement déduit qu'en amont des conseils donnés en phase contentieuse, la vérification, au regard de la réglementation en vigueur, du bien-fondé des cotisations réclamées par les organismes sociaux au titre des accidents du travail constituait elle-même une prestation à caractère juridique, réalisée à titre principal, en infraction aux dispositions des articles 54 et 60 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, justifiant ainsi légalement sa décision ;

Sur le second moyen du pourvoi n° X 14-26.342 :

Attendu que la société CFC fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'ordre des avocats la somme d'un euro à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice...

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