Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 21 octobre 2014, 13-11.805, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:CO00911
Case OutcomeCassation partielle
CounselSCP Delaporte,Briard et Trichet,SCP Spinosi et Sureau
Date21 octobre 2014
Appeal Number41400911
Docket Number13-11805
Subject MatterSOCIETE (règles générales) - Siège social - Caractère fictif - Appréciation - Loi applicable - Détermination
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, IV, n° 153

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, rendu sur renvoi après cassation (1re chambre civile, 12 octobre 2011, pourvoi n° 10-18. 423), que, par acte du 11 avril 2001, la société Artifax Trading Limited (la société Artifax) a cédé à la société Suberdine Electronic communication (la société Suberdine) la totalité des actions représentant le capital de la société Univercell Telecom (la société Univercell), le prix, étant stipulé payable au 1er avril 2013 ; que par un autre acte du même jour, le vendeur a consenti à l'acquéreur une garantie d'actif et de passif ; qu'après s'être prévalue de cette garantie, la société Suberdine a fait assigner la société Artifax en paiement d'une certaine somme à ce titre ; que par jugements des 4 septembre et 18 décembre 2003 du tribunal de commerce saisi de cette action, la société Suberdine et ses filiales, dont la société Univercell, ont été mises en redressement puis en liquidation judiciaires ; que le 29 septembre 2003, la société Artifax a déclaré une créance de 3 658 776, 40 euros correspondant au montant du prix de cession des actions de la société Univercell ; que par jugement du 30 avril 2007, le tribunal a fixé la créance de la société Artifax à ce montant, condamné celle-ci, en exécution de la convention de garantie, à payer à la société Suberdine une certaine somme au titre d'un redressement de TVA et rejeté le surplus des demandes de cette dernière ; qu'en appel, M. X..., agissant en qualité d'organe de la procédure de liquidation judiciaire, et Mme Y..., agissant en qualité de liquidateur amiable de la société Suberdine (les liquidateurs), soutenant que le siège social indiqué dans les conclusions de la société Artifax était fictif, ont demandé que ses écritures soient déclarées irrecevables en application des articles 960 et 961 du code de procédure civile ; que faisant, en outre, valoir que la société Artifax était fictive, ils ont soutenu que celle-ci n'avait ni qualité, ni intérêt à agir et que sa déclaration de créance devait, en conséquence, être déclarée nulle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les liquidateurs font grief à l'arrêt de déclarer recevables les conclusions de la société Artifax alors, selon le moyen :

1°/ que toute société figurant à une instance d'appel doit indiquer l'adresse de son siège réel dans ses conclusions, s'agirait-il d'une société de droit étranger ; que le siège réel d'une société s'entend de son lieu de direction effective ; que, si ce lieu est présumé correspondre au siège statutaire, il ne s'agit cependant que d'une présomption simple pouvant être combattue par tous moyens ; qu'au cas présent, il ressort des propres constatations de l'arrêt attaqué que le siège statutaire de la société Artifax était fixé à l'adresse du cabinet d'avocat chypriote de M. Z...Z... ; qu'en refusant néanmoins de reconnaître un caractère fictif à ce siège statutaire, sans préciser en quoi le cabinet d'avocat au sein duquel il était localisé pouvait correspondre à un lieu de direction effective, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 960 et 961 du code de procédure civile ;

2°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'il résulte de l'article 10 de la convention de garantie du 11 avril 2001 que, pour l'exécution de cette convention, chaque partie « élisait » domicile en son siège social, et s'engageait à faire connaître tout changement éventuel dans l'adresse de ce siège ; qu'en relevant, pour dénier toute portée à la lettre expédiée le 1er avril 2003 par la société Artifax en provenance du cabinet d'avocats parisien de M. C..., qu'il était conforme à l'article 10 de la convention de garantie d'élire domicile en ce cabinet, la cour d'appel a violé l'article 1134 du code civil ;

3°/ que les juges du fond sont tenus d'analyser, même sommairement, les éléments de preuve versés aux débats par les parties ; qu'en refusant de reconnaître un caractère fictif au siège statutaire d'Artifax, fixé à l'adresse du cabinet d'avocat chypriote de M. Z..., sans s'expliquer sur les énonciations du certificat du 16 mars 2012 régulièrement produit par les liquidateurs, dans lequel M. D...soulignait que le nom de la société Artifax ne figurait pas à l'extérieur des locaux considérés, comme l'exigeait pourtant la loi chypriote, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que pour apprécier l'exactitude du siège social indiqué dans les conclusions d'une personne morale, il y a lieu de se référer à la loi dont dépend la société en cause ; qu'ayant relevé que la société Artifax produisait plusieurs documents datés des 2 juin 2011 et 16 novembre 2012, qui émanaient du « département » du registre des sociétés, dépendant du ministère du commerce de la république de Chypre, établissant que son siège était situé à Limassol, à une adresse qui était celle du cabinet d'une avocate, inscrite au barreau de Chypre depuis 1985, et précisé que celle-ci avait attesté que la fixation du siège de la société Artifax à son bureau était conforme à la législation chypriote, et ayant jugé, par une appréciation souveraine de la valeur probante des éléments qui lui étaient soumis, sans violer l'article 1134 du code civil et sans être tenue de suivre les liquidateurs dans le détail de leur argumentation, que le caractère fictif de ce siège social, lequel était celui figurant dans tous les actes de la procédure depuis l'introduction de l'instance, n'était pas démontré, la cour d'appel en a exactement déduit, sans avoir à faire d'autre recherche, que les conclusions de la société Artifax étaient recevables ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les liquidateurs font encore grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir de la société Artifax et, en conséquence, de la déclarer recevable en ses demandes alors, selon le moyen :

1°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties, telles qu'elles résultent de leurs dernières conclusions ; que la fictivité d'une société, découlant de son absence de réalité concrète, n'est pas assimilable à une inexistence juridique ; qu'en énonçant que M. X... et Mme Y...contestaient l'existence juridique de la société Artifax, quand seule la réalité concrète de cette société était remise en cause par ces parties, la cour d'appel a modifié l'objet du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, pour contester le droit à agir de la société Artifax, M. X... et Mme Y...faisaient observer, pièces à l'appui, que cette société était fictive, dans la mesure où elle n'avait pas d'activité sociale, ni d'organes de direction véritables, où elle n'avait pas publié de comptes sociaux ni de rapport annuel depuis 1997, et où il n'existait aucun affectio societatis entre ses associés ; qu'en relevant, pour écarter cette contestation, qu'il n'était pas établi qu'Artifax était dépourvue de toute existence juridique à la date d'introduction de son action, la cour d'appel, qui a confondu l'existence formelle et la réalité concrète de la société, a violé les articles 31 et 32 du code de procédure civile ;

3°/ que l'immatriculation et la personnalité morale d'une société sont des éléments impropres à établir son caractère non fictif ; qu'en se fondant sur de tels éléments pour écarter la contestation tirée de la fictivité de la société Artifax, et reconnaître à cette société le droit d'agir en fixation de la créance résultant du prix de cession des actions d'Univercell Telecom, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des mêmes textes ;

4°/ qu'il n'est pas permis au juge de dénaturer les documents de la cause ; qu'en énonçant que la société Artifax était toujours en activité selon les certificats émis par le département du registre des sociétés chypriote, notamment ceux datés du 16 novembre 2012, quand ces documents se bornaient à certifier l'immatriculation de la société, l'identité de ses représentants, et l'adresse de son siège statutaire, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis desdits certificats, en violation de l'article 1134 du code civil ;

5°/ que M. X... et Mme Y..., ès qualités, se prévalaient, à titre d'élément de preuve du caractère fictif de la société Artifax, d'un rapport Info Clipper du 29 janvier 2010 ; qu'en écartant ce rapport au motif qu'il y était précisé que les informations fournies l'étaient à titre indicatif et sans aucune garantie, quand nulle indication de cette nature ne figurait audit rapport, la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ce document, violant, de plus fort, l'article 1134 du code civil ;

6°/ que tout jugement doit être motivé ; qu'en l'espèce, M. X... et Mme Y..., ès qualités, faisaient observer, sans être contredits par la société Artifax, que cette dernière, immatriculée en 1995, n'avait déposé au registre des sociétés chypriote qu'un seul rapport annuel, datant de 1997, et aucun état financier ; qu'en affirmant que les comptes sociaux et le rapport de l'année 1997 avaient été déposés par M. Z..., en qualité de secrétaire de la société Artifax, sans préciser sur quel élément de preuve elle se fondait pour retenir que les documents déposés comprenaient les comptes sociaux, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

7°/ que dans leurs conclusions d'appel, M. X... et Mme Y..., ès qualités, faisaient valoir que la société Artifax avait été créée à Chypre pour éviter à la famille A..., non seulement d'être imposée sur les plus-values qui seraient réalisées à l'occasion de la cession d'Univercell Telecom, mais aussi d'avoir à répondre des conséquences d'irrégularités fiscales commises antérieurement à cette cession, dans le cadre de la gestion d'Univercell Telecom ; qu'en déclarant infondée l'allégation, toute différente, selon laquelle...

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