Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 juillet 2017, 16-16.901 16-50.025, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:C100825
CitationSur la transcription d'un acte de naissance, établi à l'étranger, d'un enfant né à la suite d'une convention de gestation pour autrui, à rapprocher : Ass. Plén., 3 juillet 2015, pourvoi n° 14-21.323, Bull. 2015, Ass. plén., n° 4 (cassation partielle), et les arrêts cités ; Ass. Plén., 3 juillet 2015, pourvoi n° 15-50.002, Bull. 2015, Ass. plén., n° 4 (rejet), et les arrêts cités ; 1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 15-28.597, Bull. 2017, I, n° ??? (cassation partielle sans renvoi).Sur la possibilité d'adoption, par l'épouse du père, de l'enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger, à rapprocher : 1re Civ., 5 juillet 2017, pourvoi n° 16-16.455, Bull. 2017, I, n° ??? (cassation).Sur l'absence de violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme résultant du refus de transcription de la filiation maternelle d'intention en cas de gestation pour autrui pratiquée à l'étranger, cf :CEDH, Grande chambre, arrêt du 24 janvier 2017, Paradiso et Campanelli c. Italie, requête n° 25358/12
Case OutcomeCassation partielle sans renvoi
Date05 juillet 2017
Docket Number16-16901,16-50025
CounselSCP Thouin-Palat et Boucard
Appeal Number11700825
Subject MatterETAT CIVIL - Acte de l'état civil - Acte dressé à l'étranger - Transcription - Refus - Cas - Acte irrégulier ou falsifié - Constatation - Applications diverses CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 8 - Respect de la vie privée et familiale - Domaine d'application - Etendue - Limites - Détermination FILIATION - Filiation adoptive - Adoption de l'enfant par l'épouse de la mère biologique - Adoption de l'enfant né d'une gestation pour autrui pratiquée à l'étranger - Possibilité - Condition
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Vu leur connexité, joint les pourvois n° F 16-50. 025 et B 16-16. 901 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, qu'aux termes de leurs actes de naissance, établis par les autorités ukrainiennes, Vicky et Kim Y...sont nées le 23 janvier 2011 à Kiev (Ukraine) de M. Y...et de Mme X..., son épouse, tous deux de nationalité française ; que le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Nantes s'est opposé à la transcription des actes de naissance sur les registres de l'état civil consulaire français, au motif que les enfants étaient nées à la suite d'une convention de gestation pour autrui ; que, le 25 mars 2013, un certificat de nationalité française leur a été délivré ;

Sur les premier et second moyens réunis du pourvoi n° F 16-50. 025, qui est recevable :

Attendu que le procureur général près la cour d'appel de Rennes fait grief à l'arrêt d'ordonner la transcription sur les registres de l'état civil consulaire français à Kiev et les registres du service central d'état civil à Nantes, des actes de naissance de Vicky et Kim Y..., nées de M. Y..., époux de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 47 du code civil accorde foi à tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait dans un pays étranger, sauf si notamment, les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ; que la réalité citée par l'article 47 du code civil correspond nécessairement à la conformité des énonciations de l'acte d'état civil par rapport aux faits qu'il relate ; que Mme X... étant citée comme mère alors qu'elle n'a pas accouché, les actes de naissance de Kim et Vicky Y...ne peuvent être déclarés conformes aux exigences de l'article 47 du code civil ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 47 du code civil ;

2°/ que l'article 312 du code civil énonce que l'enfant conçu ou né pendant le mariage a pour père le mari ; que la présomption de paternité qui s'applique au père pendant le mariage nécessite que l'épouse du mari soit bien la mère ; que si l'épouse n'est pas reconnue comme mère, le mari ne peut se voir appliquer une présomption de paternité ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 312 du code civil ;

Mais attendu que, l'arrêt n'ayant ordonné la transcription des actes de naissance des enfants Vicky et Kim qu'en ce qu'elles sont nées de M. Y..., sans désignation de Mme X... en qualité de mère, le moyen est inopérant en sa première branche ;

Et attendu que la cour d'appel, qui était saisie d'une action aux fins de transcription d'actes de l'état civil étrangers et non d'une action en reconnaissance ou en établissement de la filiation, a constaté que les actes de naissance n'étaient ni irréguliers ni falsifiés et que les faits qui y étaient déclarés correspondaient à la réalité, s'agissant de la désignation du père ; qu'elle en a déduit, à bon droit, abstraction faite du motif erroné mais surabondant critiqué par la seconde branche, que la convention de gestation pour autrui conclue ne faisait pas obstacle à la transcription desdits actes ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le second moyen du pourvoi n° B 16-16. 901 :

Attendu que M. Y...et Mme X... font grief à l'arrêt de n'ordonner la transcription, sur les registres de l'état civil consulaire français à Kiev et les registres du service central d'état civil à Nantes, des actes de naissance de Vicky et Kim qu'en ce qu'elles seraient nées le 23 janvier 2011, à Kiev, de M. Y..., époux de Mme X..., et non de Mme X..., alors, selon le moyen :

1°/ que les actes d'état civil dressés à l'étranger par l'autorité compétente conformément au droit étranger dont relève cette autorité doivent être reconnus en France dès lors qu'ils ne sont pas contraires à l'ordre public international français, lequel ne s'oppose pas à l'établissement de la filiation d'un enfant né à l'étranger dans le cadre d'une convention de gestation pour autrui ; qu'en considérant que l'établissement de la filiation maternelle de la mère d'intention en application de la loi compétente selon la règle de conflit serait impossible en l'état du droit français, pour rejeter la demande de transcription de la filiation de Kim et Vicky Y...à l'égard de Mme X..., après avoir constaté la régularité des actes d'état civil des enfants dressés à l'étranger, la cour d'appel a violé par fausse application les articles 3 et 311-14 du code civil ;

2°/ que les circonstances de la conception d'un enfant ne peuvent être opposées à l'établissement de sa filiation ; qu'en considérant que la norme selon laquelle l'établissement de la filiation maternelle de la mère d'intention serait impossible en l'état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d'un lien de filiation entre les enfants à l'égard de Mme X... qui n'est pas leur mère biologique, la cour d'appel a violé le droit au respect de la vie privée et à une vie familiale normale garanti par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ qu'en considérant que la norme selon laquelle l'établissement de la filiation maternelle de la mère d'intention serait impossible en l'état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d'un lien de filiation entre les enfants à l'égard de Mme X... qui n'est pas leur mère biologique, après avoir retenu que le droit ukrainien reconnaît la filiation maternelle des enfants Kim et Vicky à l'égard de Mme X..., la cour d'appel a méconnu les principes d'harmonie internationale des solutions, de continuité du statut personnel et de primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant, en violation de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble de l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

4°/ qu'en se bornant à considérer que l'absence de transcription n'empêche pas les enfants de vivre avec leur père et mère et que Kim et Vicky Y...s'étaient vu reconnaître les prérogatives attachées à la nationalité française et au titre des droits successoraux, sans s'assurer de la pérennité de leur lien avec Mme X... qui les élève et leur prodigue ses soins et de la responsabilité de cette dernière à leur endroit, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe de primauté de l'intérêt supérieur de l'enfant, de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article-3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant ;

5°/ que le droit au respect de la vie privée et familiale doit être reconnu sans distinction selon la naissance ; qu'un lien de filiation peut être établi à l'égard d'une mère d'intention dès lors que l'acte de naissance d'un enfant porte le nom de la femme qui a accouché ou ne donne aucune indication sur la femme qui a accouché ; qu'en considérant que la norme selon laquelle l'établissement de la filiation maternelle de la mère d'intention serait impossible en l'état du droit français ferait obstacle à la reconnaissance en droit interne d'un lien de filiation entre les enfants à l'égard de Mme X... qui n'est pas leur mère biologique, au prétexte que les actes de naissance des enfants Kim et Vicky Y...indiquent que Mme X... est leur mère, la cour d'appel a violé les articles 8 et 14 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que, selon l'article 47 du code civil, tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ;

Que, concernant la désignation de la mère dans les actes de naissance, la réalité, au sens de ce texte, est la réalité de l'accouchement ;

Qu'ayant constaté que Mme Y...n'avait pas accouché des enfants, la cour d'appel en a exactement déduit que les actes de naissance étrangers n'étaient pas conformes à la réalité en ce qu'ils la désignaient comme mère, de sorte qu'ils ne pouvaient, s'agissant de cette désignation, être transcrits sur les registres de l'état civil français ;

Attendu qu'aux termes de l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ;

2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une...

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