Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 5 avril 2018, 17-12.595 17-14.029, Publié au bulletin

CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:C100373
Case OutcomeRejet
Docket Number17-12595,17-14029
Date05 avril 2018
Subject MatterEXPERT JUDICIAIRE - Responsabilité - Faute - Applications diverses - Obligations professionnelles - Manquement - Recours fondé sur l'enrichissement sans cause - Possibilité (non) QUASI-CONTRAT - Enrichissement sans cause - Action de in rem verso - Exclusion - Demandeur ayant commis une imprudence ou une négligence (non)
CounselSCP Boulloche,SCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Gadiou et Chevallier,SCP Capron
Appeal Number11800373
Publication au Gazette officielBull. 2018, I, n° 64
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Joint les pourvois n° 17-12.595 et 17-14.029, qui sont connexes ;

Donne acte à Mme Chantal K... du désistement de son pourvoi n° 17-14.029 à l'égard de M. X..., de MM. Laurent et Michel K... et de Mme Valérie K... ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 22 novembre 2016), que le notaire en charge du règlement de la succession de Patrice K..., décédé le [...], a fait appel à M. X..., commissaire-priseur judiciaire (le commissaire-priseur judiciaire), pour réaliser la prisée des biens meubles composant l'actif successoral, comprenant, notamment, deux lavis sur papier attribués à Pablo E... ; que, suivant acte de partage du 8 octobre 2007, lesdites oeuvres, évaluées à la somme de 250 000 euros chacune, ont été attribuées à Mme Chantal K..., l'épouse du défunt ; qu'en 2011, celle-ci s'est adressée à la société Artcurial qui a estimé leur valeur entre 500 000 et 700 000 euros chacune ; que, des doutes ayant été ultérieurement émis sur leur authenticité, Mme Chantal K... a sollicité en référé la désignation d'un expert, qui a conclu que les lavis litigieux étaient des faux ; qu'elle a ensuite assigné en responsabilité le commissaire-priseur judiciaire et la société Artcurial ; que ceux-ci ont appelé en garantie les autres héritiers, MM. Laurent et Michel K... et Mmes Valérie, Z... et Charlotte K... (les consorts K...), sur le fondement de l'enrichissement sans cause ;

Sur les premier, deuxième, troisième et cinquième moyens du pourvoi n° 17-12.595, ci-après annexés :

Attendu que ces moyens ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Sur le quatrième moyen du même pourvoi :

Attendu que le commissaire-priseur judiciaire fait grief à l'arrêt de rejeter son appel en garantie formé contre les consorts K..., alors, selon le moyen :

1°/ que le fait d'avoir commis une imprudence ou une négligence ne prive pas de son recours fondé sur l'enrichissement sans cause celui qui, en s'appauvrissant, a enrichi autrui ; que la cour d'appel, qui a rejeté l'action du commissaire-priseur judiciaire fondée sur l'enrichissement sans cause en relevant une faute s'analysant en une négligence, a violé l'article 1371 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, ensemble les principes qui régissent l'enrichissement sans cause ;

2°/ que celui qui bénéficie d'un enrichissement injustifié au détriment d'autrui doit, à celui qui s'en trouve appauvri, une indemnité égale à la moindre des deux valeurs de l'enrichissement et de l'appauvrissement ; que l'indemnisation peut être modérée par le juge si l'appauvrissement procède d'une faute de l'appauvri ; que la cour d'appel, qui a privé le commissaire-priseur judiciaire de toute indemnisation au titre de l'enrichissement injuste dont avaient bénéficié les consorts K... pour la raison que sa faute était seule à l'origine de l'appauvrissement invoqué, a violé les principes gouvernant l'enrichissement sans cause ;

Mais attendu que, si le fait d'avoir commis une imprudence ou une négligence ne prive pas de son recours fondé sur l'enrichissement sans cause celui qui, en s'appauvrissant, a enrichi autrui, l'action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute lourde ou intentionnelle de l'appauvri ;

Et attendu que la cour d'appel a relevé, d'une part, que, pour procéder à l'estimation des oeuvres litigieuses, le commissaire-priseur judiciaire s'était borné à effectuer un examen visuel superficiel et rapide, sur la foi d'un certificat établi en 1992, soit quinze ans auparavant, dans des conditions qu'il ignorait complètement, d'autre part, que les enjeux financiers et fiscaux de la succession en cause requéraient de ce professionnel de l'art une attention particulière justifiant qu'il procède à des investigations complémentaires ; qu'ayant ainsi fait ressortir que le commissaire-priseur judiciaire avait commis une faute lourde, elle en a exactement déduit que ce manquement à ses obligations professionnelles le privait de son recours fondé sur l'enrichissement sans cause ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 17-14.029, ci-après annexé :

Attendu que ce moyen n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois ;

Condamne M. X... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq avril deux mille dix-huit.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits au pourvoi n° S 17-12.595 par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour M. X....

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Maître Hervé X... à payer à Mme Chantal K... la somme de 425.010,50 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral ;

AU VISA des dernières conclusions communiquées par voie électronique le 9 septembre 2016 par Mme Chantal K... qui demande à la cour de :
- la dire recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré que Maître X... et la société ARTCURIAL ont engagé leur responsabilité à son endroit et en ce qu'il les a condamnés in solidum au paiement de la somme de 425.010,50 euros,
- infirmer le jugement et condamner in solidum Maître X... et la société AR TCURIAL à lui payer la somme de 114 000 euros au titre des intérêts produits par la somme de 425 010,50 euros,
- condamner la société ARTCURIAL au titre d'un quasi contrat à lui payer la somme de 500.000 euros représentant le montant du gain de plus-value annoncé et en tout état la condamner à ce paiement en raison de sa faute et de la perte de chance que celle-ci a générée,
- condamner in solidum Maître X... et la société ARTCURIAL à lui payer la somme de 140 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- condamner in solidum Maître X... et la société ARTCURIAL à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- dire et juger irrecevables M. Michel K... et Mme Valérie K... en leur appel incident et leur demande ;

ALORS QUE après l'ordonnance de clôture, aucune conclusions ne peuvent être déposées à peine d'irrecevabilité prononcée d'office ; qu'en faisant droit aux demandes de Mme Chantal K... contre Maître X... formées par des conclusions signifiées le 9 septembre 2016 qui devaient être déclarées d'office irrecevables dès lors que l'ordonnance de clôture était en date du 6 septembre 2016, la cour d'appel a violé les articles 783 et 907 du Code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST REPROCHE à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné Maître Hervé X... à payer à Mme Chantal K... la somme de 425.010,50 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 8.000 euros en réparation de son préjudice moral, et D'AVOIR débouté Maître Hervé X... de son action en garantie contre la société ARTCURIAL ;

AUX MOTIFS QUE « Maître M..., notaire chargé de la succession de Patrice K... a procédé à l'inventaire de ladite succession ; qu'à cet effet il a dressé le 25 septembre 2007 un acte mentionnant maître Hervé X... commissaire-priseur judiciaire à Paris désigné pour effectuer la prisée des objets susceptibles d'estimation ; que c'est dans ces conditions que celui-ci a procédé à l'évaluation des deux lavis en cause qu'il a fixée pour chacun d'eux à 250 000 euros ; que l'inventaire successoral se réalise certes sous la responsabilité du notaire qui le dresse. Pour autant le commissaire-priseur qui est appelé à évaluer les biens meubles le constituant peut engager sa responsabilité vis à vis des héritiers dès lors qu'il est démontré qu'il a commis une faute et que celle-ci est en relation directe avec un préjudice éprouvé par lesdits héritiers ; qu'il vient d'être constaté que les deux lavis litigieux sont des faux alors même que maître X... les a estimés, chacun, à 250 000 euros ce qui correspond à leur valeur à l'époque s'il s'était agi d'oeuvres authentiques ; que si dans l'accomplissement de sa mission maître X... n'était tenu que d'une obligation de moyen il demeure cependant que l'expert judiciaire a indiqué que les éléments de comparaison entre les originaux décrits par le ZERVOS et les oeuvres qui lui ont été soumises, essentiellement l'épaisseur du trait, qui mettent en évidence le caractère de faux de celles-ci "ont été perçus sans qu'il soit nécessaire de désencadrer les oeuvres litigieuses" ; que certes l'expert judiciaire a pu aisément former son opinion puisqu'il détenait un élément de comparaison, ce qui ne fut pas le cas de maître X... lors de sa prisée. Mais devant établir l'estimation d'oeuvres apparemment de la main d'un des plus grands peintres du XXème siècle qui bénéficie d'une cote considérable, maître X... qui en raison même de sa qualité de commissaire-priseur et donc de professionnel du marché de l'art et qui s'est engagé dans le cadre de sa mission à "faire sa prisée à sa juste valeur", ne pouvait ainsi se contenter pour donner une estimation des oeuvres litigieuses qui nécessairement impliquait qu'il vérifiât préalablement leur authenticité, d'un examen superficiel et rapide, ainsi que d'un unique certificat établi en 1992, soit quinze ans auparavant, par M. F..., au demeurant dans des conditions qu'il ignorait complètement ; qu'il lui appartenait en conséquence au regard des enjeux considérables tant en termes successoraux que fiscaux qui en résultaient pour les héritiers de Patrice K..., de procéder à des investigations complémentaires ; que notamment, il aurait pu se rapprocher de la fondation E... ce qui lui aurait ainsi permis d'apprendre l'entrée dans les collections publiques des deux mêmes lavis, information essentielle qui ne pouvait que le conduire dès lors à émettre des doutes sur les oeuvres en cause et à tout le moins à procéder alors à leur...

Pour continuer la lecture

SOLLICITEZ VOTRE ESSAI

VLEX uses login cookies to provide you with a better browsing experience. If you click on 'Accept' or continue browsing this site we consider that you accept our cookie policy. ACCEPT