Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 12 mai 2015, 14-10.792, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:CO00451
Case OutcomeRejet
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Marc Lévis,SCP Piwnica et Molinié
Appeal Number41500451
Docket Number14-10792
Date12 mai 2015
Subject MatterCONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Décision - Procédure d'engagements - Décision d'acceptation d'engagements limitant les préoccupations de concurrence à certains aspects de la saisine - Domaine d'application des articles L. 462-8 et L. 464-6 du code de commerce (non) CONCURRENCE - Autorité de la concurrence - Décision - Recours - Recours devant la cour d'appel - Office du juge - Etendue - Applications diverses
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2015 n°5,IV, n°76

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 19 décembre 2013), que l'Autorité de la concurrence (l'ADLC) a été saisie, par les sociétés Cogent communications Inc et Cogent communications France (les sociétés Cogent), de différentes pratiques mises en oeuvre par le groupe France Télécom dans le secteur des prestations d'interconnexion réciproques en matière de connectivité internet, susceptibles d'être qualifiées au regard des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du Traité de fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) ; qu'à la suite d'une évaluation préliminaire ayant conduit le rapporteur à identifier des préoccupations de concurrence concernant d'éventuelles pratiques de ciseau tarifaire mises en oeuvre par la société France Télécom, celle-ci, devenue la société Orange, a proposé de prendre des engagements ; qu'à l'issue de la procédure prévue par les articles L. 464-2 I et R. 464-2 du code de commerce, l'ADLC a, par décision n° 12-D-18, accepté ces engagements et les a rendus obligatoires ; que les sociétés Cogent ont formé un recours contre cette décision ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les sociétés Cogent font grief à l'arrêt de rejeter leur recours dirigé contre la décision n° 12-D-18 et de rejeter, en conséquence, toutes leurs demandes alors, selon le moyen :

1°/ que si l'Autorité de la concurrence peut accepter des engagements proposés par les entreprises ou organismes et de nature à mettre un terme à des préoccupations de concurrence susceptibles de constituer des pratiques anticoncurrentielles prohibées, elle prend aussi une décision motivée de non-lieu lorsqu'elle considère que la pratique dénoncée comme étant de nature à porter atteinte à la concurrence sur le marché n'est pas établie ; qu'en considérant que la décision déférée de l'Autorité de la concurrence qui clôt la procédure après avoir accepté des engagements sur la seule pratique de ciseau tarifaire ne prononce pas un non lieu partiel à poursuivre la procédure sur les autres griefs, tout en constatant que cette décision avait écarté les autres griefs de la plainte en retenant qu'il n'a pas été mis en évidence de pratique susceptible de constituer un abus ou encore que les pratiques dénoncées ne relèvent pas en soi, d'un abus de position dominante ou d'un comportement discriminatoire susceptible de recevoir de qualification au titre des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé par fausse application l'article L. 464-2 I du code de commerce et par refus d'application les articles L. 462-8 et L. 464-6 du même code ;

2°/ que la limitation des préoccupations de concurrence de l'Autorité de concurrence par rapport aux pratiques dénoncées dans la plainte équivaut à un non lieu partiel ; qu'en affirmant le contraire, après avoir retenu que les préoccupations de concurrence relevées à ce stade de la procédure se limitent à d'éventuelles pratiques de ciseau tarifaire susceptibles de constituer des pratiques prohibées visées aux articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE et que l'Autorité a été saisie par les sociétés Cogent de « pratiques mises en oeuvre par le groupe France Télécom sur le marché du transit et ses marchés connexes » et que dans cette saisine, les sociétés Cogent dénonçaient notamment, comme constitutifs d'abus de position dominante un refus d'accès à la facilité essentielle couplé à une interconnexion imposée au niveau international du réseau de France Télécom, l'AS 5511, une pratique de vente liée entre l'accès aux abonnés d'Orange et des prestations de transit, le fait que France Télécom aurait proposé à des fournisseurs de services une prestation de transit à des prix très bas impliquant un effet de ciseau tarifaire, et la faiblesse de la capacité d'interconnexion qui lui a été accordée à Paris et reprochaient à France Télécom de ne plus avoir permis la transmission des préfixes par les pairs de Cogent, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé par fausse application l'article L. 464-2 I du code de commerce et par refus d'application les articles L. 462-8 et L. 464-6 du même code ;

3°/ qu'en considérant que les articles L. 462-8 et L. 464-6 du code de commerce ne seraient applicables qu'en présence d'une décision formelle de non lieu partiel, la cour d'appel a violé de plus fort les textes susvisés ;

4°/ qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement écarter la plupart des griefs de la plainte des sociétés Cogent dans le cadre d'une décision d'acceptation d'engagements, la cour d'appel qui a méconnu l'étendue des pouvoirs de l'Autorité de la concurrence, a violé par fausse application l'article L. 464-2 I du code de commerce et par refus d'application les articles L. 462-8 et L. 464-6 du code de commerce ;

5°/ que toute personne a droit que sa cause soit entendue par un tribunal indépendant et impartial ; que ce droit d'accès au juge implique notamment le droit d'obtenir une décision motivée tranchant définitivement sa contestation ; qu'en considérant que l'Autorité de la concurrence avait pu valablement choisir de recourir à la procédure d'engagements, sans qu'il soit nécessaire que cette procédure réponde aux attentes des plaignants et tranche définitivement le litige, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

6°/ que la saisine in rem de l'Autorité de la concurrence ne la dispense pas d'écarter formellement et expressément, par une décision motivée, les pratiques dénoncées dans une plainte qu'elle n'estime pas suffisamment établies en l'état du dossier ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les articles L. 462-8 et L. 464-6 du code de commerce ;

7°/ que l'article 5 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à ce qu'une autorité de concurrence nationale, lorsque, afin d'appliquer l'article 102 TFUE, elle examine si les conditions d'application de cet article sont réunies et que, à la suite de cet examen, elle estime qu'une pratique abusive n'a pas eu lieu, puisse prendre une décision concluant à l'absence de violation dudit article ; qu'en affirmant que la décision déférée ne constate pas une absence de violation de l'article 102 du TFUE, après avoir constaté que les pratiques dénoncées dans la plainte « ne peuvent être considérées comme établies » et que la décision avait écarté les autres griefs de la plainte en retenant qu'il n'a pas été mis en évidence de pratique susceptible de constituer un abus ou encore que les pratiques dénoncées ne relèvent pas en soi, d'un abus de position dominante ou d'un comportement discriminatoire susceptible de recevoir de qualification au titre des articles L. 420-2 du code de commerce et 102 du TFUE, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations a violé l'article 5 du règlement n° 1/2003 ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'ADLC, qui a pour mission de garantir le bon fonctionnement de la concurrence sur les marchés et de défendre l'ordre public économique, est habilitée à rendre des décisions pour remédier aux situations susceptibles d'être préjudiciables à la concurrence qu'elle identifie au terme d'une instruction allégée, et que l'évaluation préliminaire à laquelle se livre le rapporteur à cette fin n'a pas pour objet de prouver ou d'écarter la réalité et l'imputabilité d'infractions au droit de la concurrence en vue de les sanctionner, l'arrêt examine, à l'instar de l'ADLC, chacune des pratiques dénoncées dans l'acte de saisine, les motifs pour lesquels six d'entre elles n'apparaissent pas susceptibles de recevoir de qualification et ceux qui ont conduit l'ADLC à limiter les préoccupations de concurrence à d'éventuelles pratiques de ciseau tarifaire ; qu'en cet état, la cour d'appel, ayant fait ressortir que l'ADLC avait, au terme d'une procédure autonome, épuisé sa saisine, a, sans méconnaître les exigences des articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et 5 du règlement (CE) n° 1/2003, justement retenu que la décision critiquée n'était pas constitutive d'un non-lieu partiel et ne s'inscrivait pas dans le champ d'application des articles L. 462-8 et L. 464-6 du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que les sociétés Cogent font encore le même grief à l'arrêt alors, selon le moyen :

1°/ que lorsque la procédure d'engagements est mise en oeuvre, les parties à la procédure doivent, sous réserve des dispositions de l'article L. 463-4 du code de commerce, avoir accès à l'intégralité des documents sur lesquels s'est fondé le rapporteur pour établir l'évaluation préliminaire et à l'intégralité de ceux soumis à l'Autorité de la concurrence pour statuer sur les engagements ; qu'en affirmant qu'aucune disposition du code de commerce ou du règlement n° 1/2003 ne prévoit que le droit des parties d'accès au dossier de l'Autorité s'étend aux documents internes de la Commission ou des autorités de concurrence des Etats membres et, en particulier à la correspondance qui a pu être échangée entre la Commission et les autorités de concurrence des Etats membres ou entre ces dernières en application de l'article 11 dudit règlement, la cour d'appel a violé les articles L. 464-2 I et R. 464-2 du code de commerce ;

2°/ qu'en se bornant à affirmer péremptoirement que l'absence de communication des échanges institutionnels entre l'Autorité de la concurrence et la Commission n'avaient pas porté...

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