Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 6 juillet 2016, 15-17.346 15-19.341, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2016:C100851
Citationn° 1 :A rapprocher :Soc., 25 mars 1998, pourvoi n° 95-45.198, Bull. 1998, V, n° 175 (cassation) ;1re Civ., 6 juillet 2005, pourvoi n° 04-50.055, Bull. 2005, I, n° 304 (1) (cassation sans renvoi) ;Cons. Const., 20 janvier 2011, décision n° 2010-624 QPCn° 3 :A rapprocher :3e Civ., 29 mars 2006, pourvoi n° 03-70.203, Bull. 2006, III, n° 86 (cassation)n° 4 :A rapprocher :Soc., 25 mars 1998, pourvoi n° 95-45.198, Bull. 1998, V, n° 175 (cassation) ;1re Civ., 6 juillet 2005, pourvoi n° 04-50.055, Bull. 2005, I, n° 304 (1) (cassation sans renvoi)
Case OutcomeCassation partielle
Appeal Number11600851
Date06 juillet 2016
CounselSCP Célice,Blancpain,Soltner et Texidor,SCP Meier-Bourdeau et Lécuyer
Docket Number15-17346,15-19341
Subject MatterOFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Avoué - Expropriation pour cause d'utilité publique - Indemnité - Fixation - Limites - Détermination CHOSE JUGEE - Autorité erga omnes - Décision du Conseil constitutionnel POUVOIRS DES JUGES - Applications diverses - Décision du Conseil constitutionnel - Portée
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Donne acte au Fonds d'indemnisation de la profession d'avoué de ce qu'il se désiste de son pourvoi en tant que dirigé contre la Direction régionale des finances publiques d'Ile-de-France et du département de Paris, Mme X... et M. Y... ;

Joint les pourvois n° Q 15-17. 346 et G 15-19. 341, qui sont formés contre le même arrêt ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la loi n° 2011-94 du 25 janvier 2011 portant réforme de la représentation devant les cours d'appel a supprimé le monopole des avoués, procédé notamment à leur intégration dans la profession d'avocat et fixé les règles et la procédure d'indemnisation applicables ; qu'ayant refusé l'offre d'indemnisation qui leur avait été notifiée par la commission prévue à l'article 16 de la loi, la société civile professionnelle B...-C..., Y... et X..., précédemment titulaire d'un office d'avoué près la cour d'appel de Caen, en liquidation amiable (la SCP), Mme X... et M. Y..., anciens avoués associés de la SCP, ont saisi le juge de l'expropriation en paiement de diverses indemnités ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° Q 15-17. 346 :

Attendu que Mme X... et M. Y... font grief à l'arrêt de rejeter leurs demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 « portant réforme de la représentation devant les cours d'appel » prévoit que « les avoués près les cours d'appel en exercice à la date de la publication de la présente loi ont droit à une indemnité au titre du préjudice correspondant à la perte du droit de présentation, fixée par le juge de l'expropriation dans les conditions définies par les articles L. 13-1 à L. 13-25 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique » ; qu'aux termes de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation auquel il est expressément renvoyé, les « indemnités allouées doivent couvrir l'intégralité du préjudice direct, matériel et certain, causé par l'expropriation » en sorte que la loi du 25 janvier 2011, dans sa rédaction issue de la censure opérée par le Conseil constitutionnel le 20 janvier 2011, a réservé la possibilité, pour les avoués, d'obtenir l'indemnisation intégrale des préjudices directs, matériels et certains causés par l'expropriation de fait résultant de la suppression de leur profession ; qu'en l'espèce, M. Y... et Mme X... sollicitaient l'indemnisation de leurs préjudices de perte de revenus, de trouble dans les conditions d'existence, de trouble professionnel et de perte de droits à la retraite, préjudices dont ils démontraient que la matérialité était incontestable ; qu'en refusant d'indemniser intégralement ces préjudices, la cour d'appel a violé l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 « portant réforme de la représentation devant les cours d'appel », ensemble l'article L. 13-13 du code de l'expropriation dans sa version applicable au cas d'espèce ;

2°/ que, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a partiellement censuré, comme étant contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel au motif que celui-ci, tout en fixant au 31 mars 2012 la date à laquelle l'indemnité allouée aux avoués devait être arrêtée, accordait aux avoués, sans considération de la situation propre de chacun d'eux, un droit à obtenir l'indemnisation de « préjudices économiques et [d'] autres préjudices accessoires toutes causes confondues », lesquels préjudices, à ses yeux, présentaient, à cette date, un caractère « éventuel » ; qu'en déboutant Mme X... et M. Y... de leurs demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs pertes de revenus, de leur perte de droit à la retraite ainsi que des troubles qu'ils avaient subis dans leurs conditions d'exercice et dans l'exercice de leur activité professionnelle, au prétexte qu'elle était placée dans l'impossibilité de « faire application d'une disposition déclarée inconstitutionnelle » par le Conseil constitutionnel cependant que Mme X... et M. Y... ne sollicitaient pas la réintégration, dans l'ordonnancement juridique, de la norme que le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, jugée contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en sollicitant l'indemnisation de préjudices éventuels mais, ayant subi en fait des préjudices certains et quantifiables, en demandaient la réparation, conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi du 25 janvier 2011 et au principe de réparation intégrale posé par l'article L. 13-13 du code de l'expropriation – principe dont le Conseil constitutionnel n'a, à aucun moment, constaté le caractère inconstitutionnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en estimant qu'il résultait de la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 que serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques l'indemnisation intégrale, sur le fondement de l'article L. 13-13 du code de l'expropriation, des préjudices financiers subis par les avoués dont le caractère certain serait, comme en l'espèce, incontestablement établi au jour où le juge de l'expropriation serait amené à statuer, la cour d'appel l'a dénaturée et méconnu l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

4°/ qu'à supposer même qu'il puisse être retenu contre la lettre et l'esprit de la loi du 25 janvier 2011 que cette loi n'autoriserait pas l'indemnisation des préjudices de perte de revenus, de trouble dans les conditions d'existence, de trouble professionnel et de perte de droits à la retraite revendiqués par Mme X... et M. Y..., et dont la matérialité était incontestablement établie, son application devrait alors être écartée comme contraire aux articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que les décisions du Conseil constitutionnel n'ont d'autorité qu'en ce qui concerne la constitutionnalité des lois ; que l'autorité attachée aux décisions du Conseil constitutionnel ne limite pas la compétence du juge ordinaire pour exercer son contrôle de conventionnalité (CC Déc. n° 2010 – 605 DC) ; que sauf à procéder à un contrôle indirect de constitutionnalité des traités, le juge ordinaire ne peut se prévaloir de l'autorité attachée à une décision de non-conformité d'une loi rendue par le Conseil constitutionnel pour refuser d'apprécier la compatibilité d'une disposition législative avec les dispositions spécifiques d'une Convention internationale ; qu'en estimant que l'autorité de la chose décidée par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 lui interdisait de vérifier la conformité de la loi, telle qu'elle résultait de la censure du Conseil constitutionnel, au regard des exigences spécifiques de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la cour d'appel a violé les articles 55 et 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

5°/ que dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, le Conseil constitutionnel a censuré, comme étant contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques, l'article 13 de la loi portant réforme de la représentation devant les cours d'appel au motif que celui-ci, tout en fixant au 31 mars 2012 la date à laquelle l'indemnité allouée aux avoués devait être arrêtée, accordait aux avoués un droit à obtenir l'indemnisation de « préjudices économiques et [d'] autres préjudices accessoires toutes causes confondues » qui, à ses yeux, présentaient, à cette date, un caractère « éventuel » ; qu'en déboutant Mme X... et M. Y... de leurs demandes tendant notamment à l'indemnisation de leurs pertes de revenus et de leurs pertes de droits à la retraite au prétexte qu'elle était placée dans l'impossibilité de « faire application d'une disposition déclarée inconstitutionnelle » par le Conseil constitutionnel en raison de l'autorité conférée à cette décision par l'article 62 de la Constitution, cependant que Mme X... et M. Y... ne sollicitaient pas la réintégration, dans l'ordonnancement juridique, de la norme que le Conseil constitutionnel avait, dans sa décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011, jugée contraire au principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques en sollicitant l'indemnisation de préjudices éventuels mais, ayant subi en fait des préjudices certains et quantifiables dont la loi n'assurerait pas la réparation, reprochaient à celle-ci de ne pas assurer un juste équilibre entre la privation de propriété qu'ils subissaient et les considérations d'intérêt général qui l'animaient puis demandaient l'application du principe de réparation intégrale tel que consacré par la Cour européenne des droits de l'homme, sur le fondement de l'article 1er du Premier Protocole additionnel à la Convention éponyme, principe dont le Conseil constitutionnel n'a, à aucun moment, constaté le caractère inconstitutionnel, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en estimant qu'il résultait de la décision n° 2010-624 DC du 20 janvier 2011 que serait contraire au principe constitutionnel d'égalité des citoyens devant les charges publiques l'indemnisation intégrale, par le juge de l'expropriation, des préjudices financiers subis par les avoués dont le caractère certain serait, comme en l'espèce, incontestablement établi au jour où celui-ci serait amené à statuer, la cour d'appel l'a dénaturée et méconnu l'article 62 de la Constitution du 4 octobre 1958 ;

7°/ que le juge ordinaire doit s'efforcer d'interpréter les décisions du Conseil constitutionnel, comme toute norme, en conformité avec les stipulations de la Convention de...

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