Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 11 avril 2018, 15-27.133 15-27.798 15-27.840 15-29.442, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2018:CO00405
Case OutcomeRejet
Date11 avril 2018
Subject MatterPRET - Prêt d'argent - Prêteur - Etablissement de crédit - Obligations - Obligation de mise en garde - Domaine d'application - Personne morale - Caractère averti - Appréciation en la personne des associés (non)
Appeal Number41800405
Docket Number15-27798,15-29442,15-27840,15-27133
CounselSCP Baraduc,Duhamel et Rameix,SCP Coutard et Munier-Apaire,SCP Gadiou et Chevallier,de Lanouvelle et Hannotin,SCP Piwnica et Molinié,SCP Waquet,Farge et Hazan,SCP Bénabent,SCP Nicolaÿ
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBull. 2018, IV, n° 40
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Statuant tant sur les pourvois principaux n° 15-27.133, formé par Mme X... et Mme Z..., n° 15-27.798, formé par M. C..., agissant en qualité d'héritier de Franciane A..., Mme B... et M. Loïc A..., agissant en qualité d'héritier de Luc A... et n° 15-29.442, formé par la société Port Fréjus investissement, et MM. E... et D..., ce dernier membre de la EE..., agissant respectivement en leur qualité d'administrateur judiciaire au redressement judiciaire et de mandataire ad hoc de la société Port Fréjus investissement, que sur les trois pourvois incidents relevés par M. et Mme M... et le pourvoi incident n° 15-29.442 relevé par M. V..., Mme O... et Mme T... et joignant ces pourvois au pourvoi principal n° 15-27.840, formé par M. H... et la société Investimmo plus, qui attaque le même arrêt ;

Donne acte à M. AA... puis à la SCP BTSG2 de leur reprise des instances de cassation n° 15-27.133, 15-27.798, 15-27.840 et 15-29.442 en qualité de liquidateur judiciaire de la société Port Fréjus investissement, ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Aix-en Provence, 17 septembre 2015), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 22 mai 2013, pourvoi n° 11-20.398), et les productions, que par acte authentique du 28 juin 1991, la société Comptoir des entrepreneurs (le CDE), aux droits de laquelle sont successivement venues la société Entenial puis la société Crédit foncier de France (le CFF), a consenti à la société en nom collectif Port Fréjus investissement, (la SNC) un prêt destiné à financer l'acquisition, sous la forme d'une vente en l'état futur d'achèvement, d'un complexe immobilier d'hôtellerie-thalassothérapie, garanti par une inscription d'hypothèque, des promesses de nantissement ainsi que par des engagements de caution solidaire souscrits par les associés, par des personnes participant à des conventions de croupiers sans être associées et par les conjoints des associés ; que la SNC étant défaillante, la société Expertises immobilières associés (la société EIA), cessionnaire de la créance du CDE, après lui avoir notifié, le 29 mars 1995, la déchéance du terme, l'a assignée, ainsi que les associés cautions, en exécution de leurs engagements ; que parallèlement, la société EIA ayant poursuivi la vente forcée de l'immeuble, ont été attraits à la procédure la Nouvelle société de réalisation de défaisance (la NSRD), venant successivement aux droits de la société Volney participations et de la société Hôtelière Volney, ainsi que la société Volney Fréjus , déclarée adjudicataire de l'immeuble ; que la SNC a été mise en redressement judiciaire le 12 janvier 2016 puis en liquidation judiciaire le 25 juillet 2017 ;

Sur le moyen unique du pourvoi n° 15-27.133, pris en sa première branche, sur le premier moyen du pourvoi n° 15-27.798, pris en ses deuxième et quatrième branches, sur le moyen unique du pourvoi n° 15-29.442, pris en sa troisième branche, sur le moyen unique des pourvois incidents n° 15-27.133, 15-27.798 et 15-29.442 relevés par M. et Mme M..., pris en leur troisième branche, et sur le moyen unique du pourvoi incident n° 15-29.442 relevé par M. V..., Mme O... et Mme T..., pris en sa deuxième branche, réunis :

Attendu que Mme X..., Mme Z..., M. C..., Mme B..., M. Loïc A..., la SNC, l'administrateur et le liquidateur de cette société, M. et Mme M..., M. V..., Mme O... et Mme T... font grief à l'arrêt d'infirmer le jugement prononcé le 27 mars 2007 par le tribunal de commerce de Cannes en ce qu'il a condamné le CFF à relever et garantir la SNC et ses associés de toutes les condamnations prononcées au profit de la société EIA au titre du remboursement du prêt et en ce qu'il a dit que le CFF serait le débiteur final des condamnations prononcées contre la SNC, de rejeter la demande de dommages-intérêts de cette société formée contre le CFF, venant aux droits du CDE, et sa demande de compensation avec les sommes auxquelles elle a été condamnée solidairement avec ses associés au bénéfice de la société EIA, cessionnaire de la créance, alors, selon le moyen :

1°/ que l'établissement de crédit prêteur de deniers est tenu d'un devoir de mise en garde envers l'emprunteur profane ; que, lorsque l'emprunteur est une société en nom collectif, au sein de laquelle chaque associé est solidairement tenu des dettes sociales, l'étendue du devoir de mise en garde s'apprécie en considération de la personne de chaque associé, assimilé à un coemprunteur ; qu'en l'espèce, Mme X... et Mme Z... rappelaient que la forme sociale retenue reposait sur une solidarité entre associés et faisaient valoir qu'en conséquence, la qualité d'emprunteur averti ou profane devait s'apprécier in concreto pour chaque associé, afin de s'assurer qu'ils avaient conscience des risques de l'opération ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, pour retenir que la SNC Port Fréjus Investissement avait la qualité d'emprunteur averti, a jugé que son dirigeant, M. H..., était averti "en sa qualité d'initiateur et de concepteur du projet, ancien banquier, spécialiste en gestion de patrimoine et en optimisation fiscale" et "avait l'expérience et la compétence lui permettant d'appréhender pleinement les risques attachés à l'opération, fût-elle complexe" ; qu'elle a également jugé qu'il n'était pas possible de soutenir que dans une SNC, la qualité d'emprunteur averti ne pouvait s'apprécier que dans la personne des associés, dès lors que "cette appréciation est incompatible avec la notion de personnalité morale, la mettre en pratique reviendrait à considérer que le Comptoir des entrepreneurs qui n'avait qu'un seul cocontractant, avait 21 interlocuteurs" ; qu'en se prononçant ainsi, portant une atteinte disproportionnée et illégitime au patrimoine des associés en nom collectif profanes, lesquels étaient créanciers envers la banque d'un devoir de mise en garde sur leurs capacités de remboursement et le risque d'endettement lié à l'opération projetée, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil et l'article premier du Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ que lorsque l'emprunteur est une société en nom collectif, chaque associé est solidairement tenu des dettes sociales, de sorte que l'étendue du devoir de mise en garde de l'établissement de crédit prêteur de deniers doit nécessairement s'apprécier en la personne de chaque associé, assimilé à un co-emprunteur ; qu'en l'espèce, Mme X... et Mme Z... faisaient valoir qu'à travers la SNC dont elles étaient associées, elles étaient personnellement, solidairement et indéfiniment tenues des dettes sociales, de sorte que la qualité d'emprunteur averti ou profane devait nécessairement s'apprécier in concreto pour chaque associé, afin de s'assurer qu'il avait conscience des risques de l'opération ; qu'en jugeant le contraire et en appréciant la qualité d'emprunteur averti au regard de son dirigeant, M. H..., quand elle constatait par ailleurs que, concepteur et initiateur du projet, il avait été apporteur d'affaires du CDE et même rémunéré à ce titre, ce que les associés ignoraient et ce qui était de nature à révéler un conflit d'intérêts avec eux, la cour d'appel, qui a débouté Mme X... et Mme Z... de leurs demandes, a porté une atteinte disproportionnée et illégitime au patrimoine des associés en nom collectif profanes et a violé l'article 1147 du code civil et l'article premier du Protocole additionnel de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liberté fondamentales ;

3°/ que le caractère averti de l'emprunteur personne morale s'apprécie in concreto au regard d'un faisceau d'indices tenant compte non seulement des compétences de son représentant légal mais aussi des circonstances de la négociation du prêt, de la complexité de l'opération, des compétences des associés de la personne morale, a fortiori lorsque ceux-ci sont indéfiniment et solidairement responsables des dettes sociales comme c'est le cas dans une société en nom collectif, et des informations dont ils disposent réellement pour apprécier les risques présentés par l'opération financée, ce que le juge doit vérifier ; qu'ainsi, en l'espèce, la cour d'appel ne pouvait juger que la SNC, même nouvellement créée, était un emprunteur averti au motif insuffisant que M. H... était un dirigeant averti du fait de son expérience et de ses compétences quand bien même l'opération était complexe, au motif erroné que l'appréciation de la qualité d'emprunteur averti de la SNC en la personne de ses associés était incompatible avec la notion de personnalité morale, et au motif inopérant que mettre en pratique cette appréciation en la personne des associés reviendrait à considérer que la banque, qui n'avait qu'un seul cocontractant, avait vingt et un interlocuteurs ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 1147 du code civil et L. 221-1 du code de commerce ;

4°/ que le caractère non averti de l'emprunteur, société en nom collectif, doit s'apprécier dans la personne des associés, lesquels sont tenus solidairement au passif et sont de véritables co-emprunteurs ; qu'en décidant du contraire, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, l'article L. 221-1 du code de commerce et de l'article premier du Protocole additionnel à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5°/ que le caractère non averti de l'emprunteur, quand celui-ci est une société en nom collectif dont tous les associés sont tenus indéfiniment et solidairement des dettes sociales et que le prêt a été consenti en considération de leur surface financière personnelle et de leur engagement d'apporter des fonds propres à la société, doit s'apprécier in concreto dans la personne de chacun d'entre eux ; qu'en jugeant le contraire, après avoir cependant constaté que les prêts du CDE, source exclusive de financement de l'opération litigieuse, avaient été...

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