Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 8 février 2011, 09-17.034, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Favre
CitationA rapprocher :Com., 28 juin 2005, pourvoi n° 03-13.112, Bull. 2005, IV, n° 146 (2), (cassation partielle)
Case OutcomeCassation partielle
Appeal Number41100090
Docket Number09-17034
CounselSCP Gatineau et Fattaccini,SCP Nicolaÿ,de Lanouvelle et Hannotin
Date08 février 2011
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2011, IV, n° 19

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la société Saint-Yves qui exploitait une conserverie avait pour fournisseurs quasi-exclusifs 52 adhérents d'une coopérative de production des légumes du Sud-Est Oise (Capleso) et qu'elle avait passé des contrats d'épandage d'effluents avec quatre agriculteurs de la région; qu'elle a cessé son activité ; que les adhérents de la Capleso et cette dernière l'ont assignée en indemnisation des préjudices qu'ils déclaraient avoir subis du fait de la cessation de cette activité et que les quatre agriculteurs titulaires des contrats d'épandage ont demandé une indemnisation distincte au titre de la rupture des conventions d'épandage ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Saint-Yves fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir déclarée responsable des dommages subis par les agriculteurs demandeurs (à l'exception de la société coopérative Capleso), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, d'avoir ensuite confirmé le jugement entrepris en ce que celui-ci l'avait condamnée au paiement de diverses sommes aux agriculteurs tout en relevant les indemnisations de certains d'entre eux, et d'avoir également confirmé le jugement entrepris en ce que ce dernier l'avait condamnée au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts à des épandeurs, alors, selon le moyen, qu'un arrêt doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens, au besoin par le visa des conclusions des parties avec indication de leur date ; qu'au cas présent, la cour d'appel n'a pas choisi de viser les conclusions des parties avec indication de leur date ; qu'elle n'a pas non plus exposé, en liminaire, les prétentions respectives des parties et leurs moyens, se contentant à ce stade, s'agissant de la SICA Saint-Yves, demanderesse au pourvoi, d'indiquer que «la SICA Saint-Yves conteste que les conditions de sa responsabilité soient réunies » ; que la cour d'appel n'a pas rétabli cette absence d'exposé des conclusions de l'exposante dans le corps de ses motifs, puisque si elle a renvoyé à ce passage de sa motivation l'exposé des prétentions précises des parties (en terminant son exposé liminaire par «il convient d'analyser les divers moyens des parties »), elle a négligé la demande principale de la SICA Saint-Yves, qui était de voir les agriculteurs être déclarés irrecevables (plutôt qu'infondés) en leurs demandes indemnitaires; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les articles 455 et 458 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'aucun texte de loi ne détermine sous quelle forme doit être faite dans un jugement la mention des prétentions respectives des parties et de leurs moyens ; qu'il suffit qu'elle résulte même succintement de la décision ; que l'arrêt déclare la société Saint-Yves responsable des dommages subis par la coopérative Capleso et un certain nombre de ses coopérateurs ; qu'il retient que le surplus des demandes et des moyens des parties ont été justement exposés et pertinemment appréciés par le premier juge, et adopte les motifs du jugement du 18 décembre 2007 et les conséquences que le premier juge en a déduites dans son dispositif ; que ce jugement renvoie aux motifs de la décision avant dire droit du 14 mars 2006 retenant que les adhérents de la coopérative étaient recevables à solliciter l'engagement de la responsabilité délictuelle de la société Saint-Yves en se prévalant du non respect des prescriptions de l'article L. 442-6-I-5º du code de commerce par la société Saint-Yves envers la société Capleso ; que la cour d'appel a par là même fait ressortir qu'elle répondait au moyen invoqué ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 31 du code de procédure civile ;

Attendu que la recevabilité de l'action en responsabilité engagée par un associé à l'encontre d'un cocontractant de la société est subordonnée à l'allégation d'un préjudice personnel et distinct de celui qui pourrait être subi par la société elle-même ;

Attendu que pour dire recevable l'action introduite par les coopérateurs membres de la société Capleso, l'arrêt retient que les coopérateurs fondant leurs demandes non seulement, à titre principal, sur les règles de la responsabilité pour rupture brutale d'une relation commerciale établie, mais également, à titre subsidiaire, sur les règles de la responsabilité civile délictuelle, invocables par tous tiers ayant subi un préjudice, ils avaient nécessairement tant qualité qu'intérêt à agir pour solliciter l'indemnisation de dommages dont ils offrent de démontrer l'existence et l'ampleur, étant précisé que l'existence du droit invoqué par le demandeur et la détermination du régime de responsabilité applicable ne sont pas des conditions de recevabilité de son action mais de son succès et devront donc être examinées lors des développements relatifs au bien-fondé de l'action ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le septième moyen :

Vu l'article 455 du code de procédure civile ;

Attendu qu'après avoir énoncé dans ses motifs que les épandeurs étaient créanciers d'une période de maintien de ces contrats pour une année et donc en droit d'être indemnisés du fait de la rupture anticipée de ces relations contractuelles par la société Saint-Yves, l'arrêt a confirmé le jugement contraignant celle-ci à exécuter ses obligations contractuelles pendant la durée de cinq années durant laquelle les conventions devaient encore recevoir exécution ;

Attendu qu'en statuant ainsi la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction entre les motifs et le dispositif et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a dit l'action des coopérateurs contre la société Saint-Yves recevable et en ce qu'il l'a condamnée à exécuter ses obligations contractuelles vis-à-vis des épandeurs pendant une durée de cinq ans, l'arrêt rendu le 18 août 2009, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la société Ferme de la Theve et les autres défendeurs aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande, les condamne à payer à la société Saint-Yves la somme globale de 2 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit février deux mille onze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils pour la société Saint-Yves.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré la SICA SAINT YVES responsable des dommages subis par les agriculteurs demandeurs (à l'exception de la société coopérative CAPLESO), à l'occasion de sa brusque cessation d'activité non précédée d'un préavis suffisant début 2004, d'avoir ensuite confirmé le jugement entrepris en ce que celui-ci avait condamné la SICA SAINT YVES au paiement de diverses sommes aux agriculteurs tout en relevant les indemnisations de certains d'entre eux, et d'avoir également confirmé le jugement entrepris en ce que ce dernier avait condamné la SICA SAINT YVES au paiement de diverses sommes à titre de dommages-intérêts à des épandeurs ;

Aux motifs liminaires que « les parties formulent les demandes suivantes : - la SICA SAINT YVES conteste que les conditions de sa responsabilité soient réunies ; - les coopérateurs suivants (…) sollicitent un relèvement de leur indemnisation ; - les autres coopérateurs et les quatre épandeurs, intimés, concluent à confirmation ; qu'il convient d'analyser des divers moyens des parties » (arrêt p. 6 et 7) ;

Et aux motifs que « Bases juridiques : selon les parties en cause, la base juridique du fait générateur de la responsabilité diffère ; qu'entre les coopérateurs et la conserverie, il n'y a pas de relations contractuelles, les agriculteurs n'étant en relation qu'avec la coopérative ; qu'une responsabilité pour brusque rupture ne peut, dans ces conditions, se fonder que sur l'article 1382 du Code civil ; qu'entre les épandeurs et la conserverie, il y avait des contrats, tous conclus le même jour, le 23 octobre 1997, pour six ans, renouvelables pour la même durée par tacite reconduction, en l'occurrence reconduits pour six ans à effet du 1er janvier 2003, donc jusqu'au 1er janvier 2009 ; que dans ces conditions, les bases d'une éventuelle responsabilité sont contractuelles ; Conditions de la rupture : Selon la SICA SAINT YVES, la cessation d'activité du 19 janvier 2004 était rendue nécessaire par l'obsolescence de l'usine ; qu'elle a été précédée d'une publicité suffisante depuis le mois de novembre 2003, tant par des articles parus dans la presse locale que par des réunions tenues avec les responsables de la coopérative, de sorte qu'on ne peut parler d'une brusque rupture ; Coopérateurs : S'il n'est pas contesté que la conserverie pouvait cesser son activité, la question se pose en revanche de savoir quel délai de préavis elle devait laisser aux agriculteurs demandeurs avant de cesser d'acheter leur production ; qu'aucun contrat de fourniture ne liait la SICA SAINT YVES à ces agriculteurs, comme il a été vu, ni même à la coopérative, de sorte qu'aucun préavis contractuel n'était stipulé ; que toutefois, il n'est pas discuté que, depuis une...

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