Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mars 2017, 15-13.248, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Batut
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:C100444
Case OutcomeRejet
Docket Number15-13248
Date29 mars 2017
CounselSCP Boré et Salve de Bruneton,SCP Waquet,Farge et Hazan
Appeal Number11700444
Subject MatterUNION EUROPEENNE - Protection des consommateurs - Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 - Article 7 - Pratique commerciale trompeuse - Omission trompeuse - Information substancielle - Prix - Définition - Applications diverses - Vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés PROTECTION DES CONSOMMATEURS - Refus et subordination de vente ou de prestation de service - Vente conjointe - Obligation d'information - Portée VENTE - Vendeur - Obligations - Obligation d'information - Etendue - Détermination
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 22 janvier 2015), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 6 octobre 2011, pourvoi n° 10-10.800), que, faisant valoir qu'au cours du mois de décembre 2006, la société Darty et fils (la société Darty) avait proposé à la vente des ordinateurs équipés d'un logiciel d'exploitation et de différents logiciels d'utilisation dans des conditions telles que cette pratique commerciale contrevenait à l'article L. 122-1 du code de la consommation, l'association Union fédérale des consommateurs-Que Choisir (l'UFC) l'a assignée aux fins de la voir condamner, en premier lieu, à cesser de vendre des ordinateurs sans offrir à l'acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation, en deuxième lieu, à indiquer le prix des logiciels préinstallés sur les ordinateurs proposés à la vente dans son réseau de magasins, en troisième lieu, à préciser à l'intention des consommateurs les conditions d'utilisation de ces logiciels ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal :

Attendu que la société Darty fait grief à l'arrêt de lui faire injonction, à peine d'astreinte, d'indiquer aux consommateurs les conditions d'utilisation des logiciels préinstallés, ainsi que leurs caractéristiques principales, et de la condamner à payer à l'UFC une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen, qu'une pratique commerciale ne peut être qualifiée de trompeuse que si elle altère ou est de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement ; que la cour d'appel a retenu que constituait une pratique commerciale trompeuse le fait, pour la société Darty, de ne pas indiquer les conditions d'utilisation et les caractéristiques principales des logiciels préinstallés sur les ordinateurs proposés à la vente ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si ce défaut d'information altérait ou était de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen en le conduisant à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 121-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 3 janvier 2008, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005 ;

Mais attendu que la cour d'appel a, d'abord, énoncé, sur le fondement de l'article L. 121-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, que constitue une pratique commerciale trompeuse, donc déloyale, le fait d'omettre, de dissimuler ou de fournir de façon inintelligible une information substantielle sur le bien ou le service proposé et que sont considérées comme substantielles les informations portant sur les caractéristiques principales du bien ou du service ;

Qu'elle a, ensuite, constaté que les caractéristiques principales des logiciels d'exploitation et d'application préinstallés sont inconnues du consommateur, puisque celui-ci n'est appelé à souscrire le contrat de licence des logiciels que lors de la mise en service de l'ordinateur, par hypothèse, après avoir acheté l'appareil ;

Qu'elle a, enfin, retenu que la seule identification des logiciels préinstallés, ainsi que l'invitation faite au consommateur de se documenter par lui-même sur la nature et l'étendue des droits conférés par la ou les licences proposées, ainsi que sur les autres caractéristiques principales des logiciels équipant les ordinateurs offerts à la vente, ne constituent pas une information suffisante ;

Qu'ayant ainsi caractérisé l'omission d'informations substantielles, au sens de l'article L. 121-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de l'article 7, § 4, sous a, de la directive 2005/29, et fait ressortir que les informations omises, relatives aux caractéristiques principales d'un ordinateur équipé de logiciels d'exploitation et d'application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause, de sorte qu'une telle pratique commerciale est trompeuse, dès lors qu'elle amène ou est susceptible d'amener le consommateur à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement, la cour d'appel de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; d'où il suit que le moyen, qui appelle la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt, est irrecevable ;

Sur le second moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Darty fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à l'UFC la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, alors, selon le moyen :

1°/ que l'UFC n'invoquait pas de courriers de consommateurs pour justifier du préjudice dont elle demandait réparation ; que la cour d'appel a retenu que le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs était établi par les nombreux courriers produits par l'association, sans préciser sur quels courriers elle s'appuyait ni expliquer en quoi ces courriers étaient de nature à démontrer le préjudice subi par les consommateurs du fait de l'absence d'information relative aux conditions d'utilisation et aux caractéristiques principales des logiciels préinstallés ; qu'en se déterminant ainsi, par le seul visa de documents non précisément identifiés et n'ayant fait l'objet d'aucune analyse, la cour d'appel n'a pas suffisamment motivé sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

2°/ que, s'agissant de l'impossibilité pour le consommateur d'acquérir auprès de la société Darty un ordinateur sans logiciels préinstallés et d'être informé du coût de ces logiciels, la cour d'appel a relevé « que, si les courriers de consommateurs produits par UFC démontrent que cette situation est contestée, leur examen attentif démontre cependant que leurs auteurs sont des amateurs éclairés voire des professionnels de l'informatique, et n'établit donc pas que les décisions du consommateur moyen, qui ne peut être réputé formuler de telles exigences, en sont affectées ou risquent de l'être » ; qu'il résulte ainsi des propres constatations de la cour d'appel que les courriers adressés à l'UFC portaient sur la question de la vente conjointe d'ordinateurs et de logiciels et non sur le manque d'information quant aux conditions d'utilisation et aux caractéristiques principales des logiciels préinstallés, de telles données étant connues des amateurs éclairés et des professionnels de l'informatique dont les lettres émanaient ; qu'en retenant, cependant, que le préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs était établi par les nombreux courriers produits par l'association de consommateurs, sans constater que ces courriers étaient relatifs au manque d'information reproché à la société Darty, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 421-1 du code de la consommation ;

Mais attendu que la cour d'appel a apprécié souverainement le montant du préjudice dont elle a justifié l'existence par l'évaluation qu'elle en a faite, sans être tenue d'en préciser les divers éléments ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur les trois moyens du pourvoi incident, réunis :

Attendu que l'UFC fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes tendant à voir juger que les agissements dénoncés constituent une contravention de vente liée, au sens de l'article L. 122-1 du code de la consommation, ainsi qu'une pratique commerciale trompeuse, au sens de l'article L. 121-1 du même code, en conséquence, qu'il soit enjoint, sous astreinte, à la société Darty, de cesser de vendre ses ordinateurs équipés de logiciels préinstallés sans offrir à l'acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation, et qu'il soit enjoint à celle-ci d'indiquer le prix des logiciels préinstallés, alors, selon le moyen :

1°/ qu'une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ; que constitue ainsi une pratique commerciale déloyale l'offre conjointe consistant en la vente d'un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le consommateur se trouve dans l'impossibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation et d'être informé sur ce prix ; qu'en retenant, néanmoins, après avoir relevé que les ordinateurs équipés de logiciels préinstallés ne formaient pas un produit unique mais étaient constitués d'éléments complémentaires dont chacun pouvait, en théorie, être vendu séparément, que la vente conjointe de ces éléments par la société Darty, sans possibilité offerte au consommateur d'acquérir un ordinateur « nu », en renonçant aux logiciels préinstallés moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d'utilisation et d'être informés sur celui-ci, n'était pas constitutive d'une pratique commerciale déloyale, la cour d'appel a violé l'article L. 122-1 du code de la consommation, interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs...

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