Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 19 janvier 2017, 15-25.283, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Chauvin
ECLIECLI:FR:CCASS:2017:C300065
Case OutcomeCassation partielle
Appeal Number31700065
CitationSur la définition d'un ouvrage relevant de la garantie décennale, à rapprocher :3e Civ., 6 novembre 2002, pourvoi n° 01-11.311, Bull. 2002, III, n° 214 (cassation), et l'arrêt cité ;3e Civ., 17 décembre 2003, pourvoi n° 02-17.388, Bull. 2003, Bull. 2003, III, n° 231 (rejet) ;3e Civ., 26 avril 2006, pourvoi n° 05-13.971, Bull. 2006, III, n° 101 (cassation), et l'arrêt cité ;3e Civ., 7 novembre 2012, pourvoi n° 11-25.370, Bull. 2012, III, n° 160 (rejet)
Date19 janvier 2017
CounselMe Le Prado,SCP Boutet et Hourdeaux,SCP Célice,Soltner,Texidor et Périer,SCP Garreau,Bauer-Violas et Feschotte-Desbois,SCP Lyon-Caen et Thiriez,SCP Matuchansky,Poupot et Valdelièvre,SCP Ortscheidt
Docket Number15-25283
CourtTroisième Chambre Civile (Cour de Cassation de France)

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 5 mai 2015), que, pour améliorer l'exploitation de sa centrale alimentée par le canal de Nyer, la Société hydro-électrique du canal de Nyer (la SHCN) a confié à la société Hydro-M, en qualité de maître d'oeuvre, l'installation d'une conduite métallique fermée de plus de six kilomètres ; que les tuyaux fournis par la société Aquavia, aux droits de laquelle est venue la société Genoyer, assurée auprès de la société Axa corporate solutions ont été mis en place par la société Rampa travaux publics (la société Rampa), assurée auprès de la société Axa France IARD (la société Axa France), et assemblés par la société CTM Vissac, assurée auprès de la société Generali France assurances (la société Generali) ; que, se plaignant, après réception, de la corrosion des tuyaux, la SHCN a, après expertise, assigné en indemnisation la société Genoyer, la société Rampa, la société Hydro-M, et la société CTM Vissac ; que les assureurs sont intervenus à l'instance ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident, ci-après annexé :

Attendu que la société Genoyer fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la SHCN une part du montant des travaux et du préjudice financier ;

Mais attendu qu'ayant retenu que la société Genoyer, professionnel dans le domaine des tuyaux métalliques, qui connaissait la nature du projet et sa situation géographique, ne pouvait ignorer le risque de corrosion dû à la composition de l'eau naturelle, qu'elle avait omis de se renseigner sur l'existence ou non d'un dégazage de cette eau, qu'en l'absence d'une étude de l'eau du canal, elle aurait dû conseiller l'achat de tuyaux revêtus de protection interne à la SHCN, dépourvue de compétence en matière de corrosion de tuyaux métalliques, qui n'avait pas été mise en garde et n'avait pas, à la date de la commande des tuyaux, une connaissance suffisante des risques encourus, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée, a pu en déduire que le manquement de la société Genoyer à son obligation de conseil et d'information avait participé à la survenance du dommage qui ne s'analysait pas en une perte de chance ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur les deuxième et troisième moyens du pourvoi principal :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal :

Vu les articles 1792 et 1792-7 du code civil ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de la SHCN fondées sur la garantie décennale, l'arrêt retient que la conduite métallique fermée acheminant l'eau du canal de Nyer à la centrale hydro-électrique exploitée par la SHCN est un équipement qui a pour fonction exclusive de permettre la production d'électricité par cet ouvrage à titre professionnel ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la construction, sur plusieurs kilomètres, d'une conduite métallique fermée d'adduction d'eau à une centrale électrique constitue un ouvrage, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la SHCN contre les sociétés Hydro-M, Rampa et CTM Vissac, l'arrêt rendu le 5 mai 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;

Condamne les sociétés Hydro-M, Rampa travaux publics, Axa France IARD, Axa corporate solutions, CTM Vissac et Generali IARD aux dépens du pourvoi principal, et la société Genoyer aux dépens du pourvoi incident ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne les sociétés Hydro-M, Rampa travaux publics, Axa France IARD, CTM Vissac, Generali IARD, Genoyer et Axa corporate solutions à payer à la Société hydro-électrique du canal de Nyer la somme globale de 4 200 euros ; rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf janvier deux mille dix-sept.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt.

Moyens produits AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Garreau, Bauer-Violas et Feschotte-Desbois, avocat aux Conseils, pour la Société hydro-électrique du canal de Nyer.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exposante de ses demandes, fondées sur la garantie décennale et tendant à la condamnation de la SAS Hydro M, des sociétés Rampa et CTM Vissac à réparer les différents préjudices (reprise des désordres, préjudice financier) résultant pour elle de la corrosion prématurée des tubes constitutifs de la conduite métallique fermée qu'elle avait fait mettre en place,

AUX MOTIFS QUE

« Sur les actions en garantie décennale :

La SNC Société Hydro-électrique du canal de Nyer invoque sur son appel principal et à l'appui de ses demandes de réparation de son seul préjudice financier, au visa des articles 1792 et 1792-4-1 du code civil, la garantie décennale des travaux réalisés, réceptionnés le 2 mars 2010, pour installer la conduite métallique fermée acheminant l'eau du canal de Nyer à la centrale hydro électrique qu'elle exploite, à l'égard des sociétés suivantes : - la SAS Rampa Travaux Publics, entrepreneur chargé d'installer les tubes, la SARL Hydro-M, maître d'oeuvre, - la SAS CTM-Vissac, entrepreneur chargé de souder les tubes, la SA Generali JARD, assureur de la SAS CTM Vissac.

Dans le dispositif de ses conclusions, sur les appels incidents, elle demande aussi la confirmation du jugement déféré concernant le montant des travaux de reprise de la canalisation d'amenée d'eau et la condamnation des sociétés responsables au visa des articles 1147 et suivants du code civil en ce qui concerne la société Genoyer, et des articles 1792 et suivants du code civil en ce qui concerne les autres sociétés ayant participé à la conception et à la réalisation de la canalisation. Cette demande confirmative ne concerne donc que les sociétés condamnées en première instance de ce chef : la SAS Hydro-M et son assureur la SA Axa France IARD ainsi que la SA Axa Corporate Solutions, sur le fondement de la garantie décennale, pour 80 % du coût des travaux de reprise des tuyaux, - la SAS Genoyer, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, à hauteur de 20 % du coût des travaux de reprise des tuyaux.


Mais il résulte des dispositions invoquées par la SAS Rampa Travaux Publics, de l'article 1792-7 du code civil, dans sa rédaction résultant de l'ordonnance n° 2005-658 du 8 juin 2005, que ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4, les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage.

Tel est bien le cas en l'espèce, la conduite métallique fermée acheminant l'eau du canal de Nyer à la centrale hydro-électrique exploitée commercialement par la SHCN, équipement qui a pour fonction exclusive de permettre la production d'électricité par cet ouvrage, à titre professionnel.

Il convient donc de débouter la SHCN de toutes ses demandes fondées sur la garantie décennale des travaux litigieux, qui n'est pas applicable en l'espèce »

ALORS QUE la construction d'une conduite métallique fermée constitue la construction d'un ouvrage en soi et non la construction d'un équipement de l'ouvrage de sorte qu'en faisant application de l'article 1792-7 du code civil qui exclut du champ d'application de la garantie décennale les éléments d'équipement d'un ouvrage dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage, la cour a violé, par fausse application, les dispositions de l'article 1792-7 et, par refus d'application, l'article 1792 du code civil.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt partiellement infirmatif attaqué d'avoir débouté l'exposante de ses demandes tendant à l'indemnisation du préjudice résultant pour elle de la corrosion prématurée des tubes constitutifs de la conduite métallique fermée qu'elle avait entendu mettre en place et fondées sur les manquements de la SAS Hydro M, de la SAS CTM Vissac et la SAS Rampa Travaux publics à leurs obligations contractuelles de conseil,

AUX MOTIFS QUE

« Sur l'action en responsabilité contractuelle en réparation de l'ouvrage :

L'action en paiement des travaux de réparation de l'ouvrage mise en oeuvre par la société SHCN envers la SARL Hydro-M, condamnée en première instance à payer la somme de 1.184.800,00€, correspondant à 80% des travaux de reprise, étant fondée exclusivement sur les dispositions inapplicables des articles 1792 et suivants du code civil, par confirmation du jugement déféré, ce dernier doit être infirmé de ce chef et la demande rejetée comme mal fondée.

(…)

Sur les demandes de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier subi par la SNC SHCN :

Dans le dispositif de ses conclusions, la SNC SHCN sollicite la condamnation solidaire de la SAS Genoyer, la SAS Rampa Travaux Publics, la SARL Hydro M, la SAS CTM Vissac et la Compagnie Generali IARD, prise en sa qualité d'assureur de la société Vissac, à réparer l'entier préjudice qu'elle a subi du fait des désordres de corrosion ayant affecté la conduite d'amenée métallique en acier soudable desservant la centrale hydro électrique, tenant la responsabilité solidaire de plein droit qui s'applique aux sociétés requises ".

Elle est donc exclusivement fondée sur les...

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