Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 2 juillet 2014, 13-16.730, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur)
ECLIECLI:FR:CCASS:2014:C100806
Case OutcomeRejet
Date02 juillet 2014
Docket Number13-16730
CitationSur le n° 1 : Sur le fondement de l'action en contestation du droit à la liberté d'expression, à rapprocher :1re Civ., 6 mai 2010, pourvoi n° 09-67.624, Bull. 2010, I, n° 103 (cassation sans renvoi), et les arrêts cités
CounselSCP Bénabent et Jéhannin,SCP Monod,Colin et Stoclet
Appeal Number11400806
Subject MatterRESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1382 du code civil - Abus de la liberté d'expression - Poursuite - Conditions - Détermination
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2014, I, n° 120

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 20 février 2013), qu'en avril 2003 M. X..., éditeur et dirigeant de la société Les Éditions du carquois, aux droits de laquelle se trouve la société RLD Partners, a publié un livre intitulé " François Y... : l'empire menacé ", écrit par M. Z..., lui-même présenté comme " journaliste économique et financier... ayant collaboré à de nombreux journaux et magazines, et dirigé les rédactions de La tribune Desfossés et de L'expansion ", l'ouvrage exprimant des doutes sur la capacité financière de la société Pinault-Printemps-Redoute (la société PPR), dénommée depuis Kering, à tenir son engagement de racheter à la société LVMH des actions de la société Gucci, une reproduction de la couverture de l'ouvrage étant par ailleurs affichée dans l'emplacement consacré aux cours de bourse de la société PPR au sein d'un espace publicitaire du site Boursorama. com acquis par l'éditeur ; que la société PPR, après l'échec définitif d'une procédure pénale pour diffusion d'informations fausses ou trompeuses de nature à agir sur le cours d'un titre réglementé, a recherché la responsabilité civile pour faute de MM. Z..., X... et de la société RLD Partners, leur reprochant d'avoir, par mots imprudents ou agressifs, introduit dans l'esprit des détenteurs ou acquéreurs du titre une image dégradée de celui-ci et d'elle-même ; qu'elle a été déboutée ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société PPR fait grief à l'arrêt de la débouter, alors, selon le moyen :

1°/ que l'atteinte portée à « l'image » d'une entreprise en jetant le doute et la suspicion sur sa situation économique et financière relève d'une action en responsabilité de droit commun fondée sur l'article 1382 du code civil ; qu'en vertu de ce texte, la liberté d'expression est soumise aux mêmes limites que tout autre droit et notamment au devoir de prudence et d'objectivité ; que la cour d'appel qui a cependant affirmé, par principe, qu'une telle atteinte ne peut être fondée sur l'application de ce texte dès lors qu'elle résulte de la publication ou diffusion de propos écrits mettant en jeu la liberté d'expression, a violé l'article 1382 du code civil par refus d'application, ensemble l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

2°/ qu'en affirmant, par motif éventuellement adopté des premiers juges, que la société PPR ne pouvait exiger de M. Z... de « s'astreindre aux obligations qui sont faites par l'article L. 544-1 du code monétaire et financier aux personnes exerçant à titre de profession habituelle une activité d'analyse financière », obligations qui n'étaient nullement invoquées à l'encontre de l'auteur et de l'éditeur par la société PPR dans ses conclusions d'appel, la cour d'appel a alors méconnu les termes du litige, tels qu'ils résultaient desdites écritures, en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en se bornant à relever, par motif éventuellement adopté des premiers juges, que « le point de vue exprimé par M. Z... dans son ouvrage (était) plus nuancé et en tout cas plus ouvert que (la société PPR ne le soutenait) », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée de façon précise par les conclusions d'appel de la société PPR, si l'omission par M. Z..., journaliste financier, des éléments d'information déterminants pour son sujet et parfaitement connus de lui, concernant la trésorerie disponible qui permettait au groupe PPR de finaliser sans difficulté l'opération de rachat des titres Gucci de la société LVMH, n'avait pas constitué un manquement au devoir de prudence et d'objectivité incombant à un professionnel averti en matière de finance, de nature à porter atteinte à l'image de la société PPR quant à sa bonne santé financière, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du code civil ensemble l'article 10 § 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Mais attendu que l'arrêt, qui retient exactement que, hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 du code civil relève que, par son intitulé même, l'ouvrage litigieux s'adressait à une clientèle plus large que celle des publications spécialisées en matière financière, et que, " dans l'affaire du rachat de Gucci par la société PPR ", il a été définitivement jugé que les informations livrées par M. Z... n'étaient ni mensongères, ni fausses, ni trompeuses, de sorte qu'en livrant aux lecteurs son opinion, fût-elle empreinte de subjectivité et d'une insuffisante rigueur, l'auteur n'a en rien méconnu les exigences du second paragraphe de l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la cour d'appel, qui par ailleurs n'avait pas à suivre la société PPR dans le détail de...

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