Cour de cassation, civile, Chambre commerciale, 3 mars 2015, 13-27.525, Publié au bulletin

Presiding JudgeMme Mouillard
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:CO00238
Case OutcomeRejet
CounselSCP Meier-Bourdeau et Lécuyer,SCP Piwnica et Molinié
Docket Number13-27525
Appeal Number41500238
Date03 mars 2015
Subject MatterCONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives - Sanctions des pratiques restrictives - Action du ministre de l'économie - Applications diverses - Action tendant à la cessation de pratiques restrictives et au prononcé d'une amende civile
CourtChambre Commerciale, Financière et Économique (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2015, IV, n° 42

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 11 septembre 2013), que le ministre chargé de l'économie (le ministre), reprochant à la société Eurauchan, centrale d'achats des magasins à l'enseigne Auchan, une pratique créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, résultant des clauses des conventions régissant les relations entre cette société et ses fournisseurs, a assigné celle-ci en nullité de ces clauses, en cessation des pratiques et en paiement d'une amende civile ; que le ministre a renoncé, en cours d'instance, à sa demande de nullité ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société Eurauchan fait grief à l'arrêt de juger recevable l'action du ministre alors, selon le moyen, que la recevabilité de l'action du ministre, prévue à l'article L. 442-6 III du code de commerce, est subordonnée à l'information des parties au contrat litigieux ; que cette obligation d'information s'impose en tout état de cause, y compris lorsque le ministre ne demande que la cessation de la pratique incriminée et le paiement d'une amende civile dès lors que ces demandes impliquent nécessairement une appréciation de la licéité de la pratique mise en jeu dans les contrats conclus de nature à influer sur une éventuelle décision à venir sur les droits et obligations des parties aux contrats conclus ; qu'en jugeant néanmoins que la demande du ministre était recevable, peu important qu'il n'ait pas informé les parties aux contrats, la cour d'appel a violé l'article 6 § I de la Convention européenne des droits de l'homme, le principe de la liberté contractuelle et l'article 1134 du code civil ;

Mais attendu qu'il résulte de la réserve d'interprétation émise par le Conseil constitutionnel dans sa décision 2011-126 QPC du 13 mai 2011 que c'est seulement lorsque l'action engagée par l'autorité publique tend à la nullité des conventions illicites, à la restitution des sommes indûment perçues et à la réparation des préjudices que ces pratiques ont causés que les parties au contrat doivent en être informées ; qu'ayant constaté que le ministre avait renoncé en cours d'instance à poursuivre l'annulation des clauses litigieuses, c'est à bon droit que la cour d'appel a retenu que son action, qui ne tendait plus qu'à la cessation des pratiques et au prononcé d'une amende civile, était recevable ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu que la société Eurauchan fait grief à l'arrêt de déclarer recevable et bien fondée l'action du ministre alors, selon le moyen, que, si le ministre chargé de l'économie peut, en application de l'article L. 442-6 III du code de commerce, exercer l'action en responsabilité, prévue à l'article L. 442-6 I du même code et demander, à l'occasion de cette action, que soit ordonnée la cessation des pratiques mentionnées, que soit constatée la nullité, pour toutes ces pratiques, des clauses ou contrats illicites, la répétition de l'indu, le prononcé d'une amende civile et la réparation des préjudices subis, ce texte ne lui confère aucune action, aucun droit d'agir, en dehors de tout contrat litigieux, aux fins d'obtenir préventivement la suppression de clauses estimées illicites dans un contrat type proposé à la négociation entre professionnels ; qu'en déclarant cependant recevable et en faisant droit à la demande du ministre tendant à ce qu'il soit enjoint au distributeur de ne pas réintroduire à l'avenir les clauses litigieuses, relatives aux conditions de révision de prix, (14. 1. 2 et 14. 1. 3 du contrat) et au taux de service, (annexe 4 du contrat), dans les contrats types conclus avec ses fournisseurs, la cour d'appel a ajouté aux dispositions de l'article L. 442-6 III du code de commerce, en violation de ce texte ;

Mais attendu que l'article L. 442-6 du code de commerce, qui prohibe le fait de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, dispose que le ministre peut demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation de pratiques illicites ; qu'ayant relevé que la demande de cessation des pratiques formée par ce dernier était fondée sur l'analyse de clauses des contrats commerciaux et annexes proposées à la négociation par la société Eurauchan, et mises en oeuvre sans modification depuis 2009, la cour d'appel a fait l'exacte application de ce texte en déclarant la demande recevable en ce qu'elle visait la suppression pour l'avenir de telles clauses ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le sixième moyen :

Attendu que la société Eurauchan fait grief à l'arrêt de dire que l'articulation des articles 14. 1. 2 et 14. 1. 3 de la convention tente de créer un déséquilibre significatif en faveur de la société Eurauchan, dire que l'article 4 de l'annexe 4 crée un déséquilibre significatif en faveur de la société Eurauchan, de lui enjoindre de cesser à l'avenir ces pratiques abusives et de prononcer à son encontre une amende civile alors, selon le moyen ;

1°/ qu'aux termes de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce, engage la responsabilité de son auteur, le fait « de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties » ; qu'il résulte de ce texte que le « déséquilibre significatif » susceptible d'engager la responsabilité de son auteur est un déséquilibre dans les droits et obligations des parties, qui doit s'apprécier, in concreto, en prenant en compte l'ensemble de ces droits et obligations, tel qu'il ressort du contrat, pris dans sa globalité, et au regard du « partenaire » avec lequel il est conclu ; qu'en énonçant cependant, pour dire que la société Eurauchan avait, par les clauses de révision de prix, d'une part et par l'annexe 4, d'autre part, de son contrat type, tenté de créer et créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, que le déséquilibre est constitué par l'existence d'une convention unique, même négociée et qu'il devient significatif par la présence dans le contrat type proposé d'obligations injustifiées à la charge du fournisseur et néfastes pour l'économie, la cour d'appel a violé les dispositions du texte susvisé, ensemble et par fausse application celles de l'article L. 442-6 II du même code ;

2°/ que toute infraction, susceptible d'être sanctionnée, ayant le caractère de punition, doit être définie dans des termes suffisamment clairs et précis ; que le Conseil constitutionnel a décidé, le 13 janvier 2011, que la définition des pratiques prohibées par l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce était suffisamment claire et précise dès lors que le législateur s'est référé à la notion juridique de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » qui est une notion juridique déjà connue, puisque prévue à l'article L. 132-1 du code de la consommation et que cette notion a déjà fait l'objet de nombreuses précisions par la jurisprudence ; qu'il résulte tant des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation que des décisions juridictionnelles rendues sur le fondement de ce texte, que la notion juridique de « déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties » est une notion prenant en compte l'ensemble des « droits et obligations des parties », tel qu'il ressort du contrat, pris en son ensemble et au regard du « partenaire » avec lequel il est conclu ; qu'en retenant cependant, pour dire que la société Eurauchan avait, par les clauses de révision de prix, d'une part et par l'annexe 4, d'autre part, de son contrat type, tenté de créer et créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, sur le seul examen qu'en retenant néanmoins, que le juge peut apprécier l'existence d'un « déséquilibre significatif entre les droits et parties » au seul vu d'une clause figurant dans le contrat type proposé aux fournisseurs, la cour d'appel a violé les articles 7 de la Convention européenne des droits de l'homme et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, ensemble l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ;

3°/ qu'il appartient au ministre, qui entend voir constater et sanctionner l'existence d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, d'établir, au regard de l'ensemble des droits et obligations des parties, tels qu'issus du contrat, l'existence de ce déséquilibre ; qu'en affirmant, pour dire que la société Eurauchan avait, par les clauses de révision de prix, d'une part et par l'annexe 4, d'autre part, de son contrat type, tenté de créer et créé un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, qu'il appartient à la société Eurauchan de justifier que, par la négociation, d'autres clauses du contrat viennent compenser le déséquilibre ainsi causé, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve, en violation des articles 1315 du code civil et L. 442-6 I 2° du code de commerce ;

Mais attendu qu'après avoir énoncé que l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce invite à apprécier le contexte dans lequel le contrat est conclu et son économie, et avoir examiné les relations commerciales régies par la convention litigieuse, l'arrêt relève que la modification de l'article 14 de cette dernière est toujours refusée et constate que la société Eurauchan ne démontre pas qu'à l'issue de la négociation dont elle fait état, la modification des autres clauses ait néanmoins permis de rééquilibrer le contrat ; qu'en cet état, la cour d'appel, qui ne s'est pas déterminée en considération des seules clauses litigieuses, a, sans inverser la charge de la preuve, ni méconnaître les articles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, satisfait aux exigences de l'article L. 442-6 I 2° du code de commerce ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le...

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