Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 28 octobre 2015, 14-16.269, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Frouin
ECLIECLI:FR:CCASS:2015:SO01779
CitationSur l'application des articles 3 et 6 de la Convention de Rome du 19 juin 1980 concernant la protection du salarié par les dispositions impératives de la loi applicable par défaut, à rapprocher :Soc., 29 septembre 2010, pourvoi n° 09-68.851, Bull. 2010, V, n° 200 (2) (rejet), et l'arrêt cité ;Soc., 9 juillet 2015, pourvoi n° 14-13.497, Bull. 2015, V, n° ??? (cassation), et l'arrêt cité
Case OutcomeCassation partielle
Date28 octobre 2015
Appeal Number51501779
CounselSCP Fabiani,Luc-Thaler et Pinatel,SCP Masse-Dessen,Thouvenin et Coudray
Docket Number14-16269
Subject MatterCONFLIT DE LOIS - Contrats - Contrat de travail - Loi applicable - Loi choisie par les parties - Limites - Convention de Rome du 19 juin 1980 - Articles 3, § 3, et 6, § 1 - Portée CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Formalités légales - Entretien préalable - Loi étrangère choisie par les parties - Application - Exclusion - Cas - Dispositions impératives de la loi française applicable par défaut
CourtChambre Sociale (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2016, n° 838, Soc., n° 352

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X..., engagé le 1er juillet 1991 par la société Champagne Laurent Perrier et devenu en 1999 directeur commercial international, a signé le 25 octobre 2005 trois conventions avec la société Champagne Laurent Perrier et la société Laurent Perrier diffusion par lesquelles il devenait directeur général de la succursale belge de la société filiale de droit français Laurent Perrier diffusion pour une période qui ne pourra excéder cinq ans ; qu'en septembre 2010, le salarié a fixé de nouveau sa résidence en France et sollicité sa réintégration au sein de la société mère Champagne Laurent Perrier ; que, le 31 août 2011, celle-ci lui a proposé un poste de directeur du marché Belgique ; que le salarié a refusé cette proposition et n'a plus rejoint son poste à la succursale belge de la société Laurent Perrier diffusion à compter du 5 septembre 2011, se mettant à la disposition de la société mère à Tours-sur-Marne ; que la société Laurent Perrier diffusion, par application de la loi belge, a pris acte de la rupture du contrat de travail aux torts du salarié pour abandon de poste par lettre recommandée le 27 octobre 2011 ; que, par ailleurs, la société mère a notifié le 29 novembre 2011 au salarié son licenciement pour cause réelle et sérieuse motifs pris de son abandon de poste et de son refus de la proposition de reclassement en son sein ; que le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Reims en contestant les deux ruptures de ses contrats de travail ;


Sur le premier moyen :

Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire que le contrat de travail le liant à la société Laurent Perrier diffusion est un contrat de travail international et que les dispositions de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sont applicables alors, selon le moyen, qu'il incombe aux juges du fond, dans une matière d'ordre public telle que le droit du travail, d'interpréter les contrats unissant les parties afin de leur restituer leur véritable nature juridique, la seule volonté des intéressés étant impuissante à soustraire des travailleurs du statut social découlant nécessairement des conditions d'accomplissement de leur tâche ; qu'en retenant, pour infirmer la décision des premiers juges, conclure à la soumission de la relation contractuelle entre M. X... et la société Laurent Perrier diffusion à la Convention de Rome et, à terme, à l'application à la rupture des dispositions de la loi belge, que les parties se seraient accordées sur la nature internationale du « contrat » qui les liait, quand le document en cause, qui consistait en une simple lettre de confirmation d'embauche de M. X..., salarié français, par la société Laurent Perrier diffusion, société française, sur un papier à en-tête de la société française Laurent Perrier Champagne, pour exécuter une mission temporaire, limitée à une partie de la semaine, dans une succursale belge de la société, établissement dépourvu de personnalité morale et non désigné comme l'employeur, n'était en réalité qu'un simple contrat interne, de mission, soumis au droit français, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et, par fausse application, les dispositions de la Convention de Rome ;

Mais attendu qu'il résulte tant de l'arrêt que des conclusions du salarié devant la cour d'appel, reprises à l'audience, que celui-ci soutenait que le contrat de travail était un contrat international ; que le moyen, contraire à la position prise devant les juges du fond, est irrecevable ;

Mais sur le deuxième moyen, pris en ses deuxième et troisième branches :

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de Rome du 19 juin 1980 sur la loi applicable aux obligations contractuelles ;

Attendu qu'aux termes de ce texte, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article ; qu'il résulte des dispositions de l'article 3-3 de la Convention de Rome que les dispositions impératives d'une loi sont celles auxquelles cette loi ne permet pas de déroger par contrat ; qu'il ne peut être dérogé par contrat aux dispositions de la loi française concernant l'entretien préalable au licenciement ;

Attendu que, pour dire la loi belge applicable au contrat de travail liant le salarié à la société Laurent Perrier diffusion, la cour d'appel a retenu qu'il apparaît de l'appréciation globale des dispositions de la loi belge régissant les contrats de travail que la possibilité pour l'employeur de rompre le contrat aux torts du salarié et sans indemnités de rupture en cas d'abandon de poste-ce qui a été la procédure présentement mise en oeuvre-est encadrée précisément par des conditions de forme, notamment de mise en demeure, et de fond, en ce que l'employeur supportera la charge de prouver le caractère gravement fautif de l'attitude du salarié excluant la possibilité de poursuivre la relation contractuelle, qu'il s'évince à l'évidence du tout une protection d'ordre public pour le salarié équivalente à celle prévue par le droit français en matière de licenciement-les différences ne concernant que la forme de la procédure-étant rappelé, qu'en matière de faute grave, en droit français, la rupture est aussi privative des indemnités ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle a retenu par ailleurs qu'à défaut de choix de la loi belge le contrat avec la société Laurent Perrier diffusion présentait des liens plus étroits avec la France qu'avec la Belgique et qu'il aurait dû ressortir à l'application de la loi française et qu'en l'absence en droit belge de l'obligation pour l'employeur de procéder à un entretien préalable lors de la prise d'acte par ce dernier de la rupture du contrat de travail aux torts du salarié, la loi française était plus favorable, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le quatrième moyen :

Vu l'article L. 1232-1 du code du travail, ensemble l'article L. 1231-5 du même code ;

Attendu que, pour dire fondé le licenciement du salarié par la société Champagne Laurent Perrier, l'arrêt retient que l'articulation entre la convention tripartite et les deux contrats à temps partiel rendait ces conventions indivisibles et qu'elles avaient pour objet de gouverner l'exécution par M. X... de ses fonctions de direction du marché belge ; que par ailleurs, en vertu de la convention tripartite, c'était la société Champagne Laurent Perrier qui était débitrice de l'obligation de reclassement et de licenciement dans le cas où le reclassement s'avérerait impossible ; que l'ensemble de ces constats autorisait la société Champagne Laurent Perrier à invoquer une cause de licenciement tirée des motifs qui précèdent, ce qu'elle a fait ;

Qu'en se déterminant ainsi, alors qu'elle constatait que le licenciement était prononcé en raison de l'abandon par le salarié de son poste au sein de la société filiale Laurent Perrier diffusion, ce qui ne pouvait constituer une cause réelle et sérieuse de son licenciement par un autre employeur, et sans rechercher si la proposition de reclassement faite au salarié de directeur du marché Belgique, à savoir le poste qu'il occupait précédemment, était une proposition loyale de réintégration au sein de la société mère, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des textes susvisés ;

Et attendu que la cassation sur le quatrième moyen entraîne par voie de conséquence la cassation du chef de l'arrêt relatif à la demande au titre des stock-options ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les troisième et cinquième moyens :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il rejette la demande de M. X... au titre des compléments de primes de performance F 11, F 1 et F 2 outre les congés payés afférents, l'arrêt rendu le 5 mars 2014, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ; remet, en conséquence, sur les autres points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Condamne les sociétés Champagne Laurent Perrier et Laurent Perrier diffusion aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande des sociétés Champagne Laurent Perrier et Laurent Perrier diffusion et les condamne à payer à M. X... la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit octobre deux mille quinze.


MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir dit que Monsieur X... était lié à la SARL de droit français LAURENT PERRIER DIFFUSION par un contrat de travail international soumis à la Convention de ROME du 19 juin 1980, d'avoir conclu que la loi belge était applicable à la rupture dudit contrat et d'avoir débouté en conséquence le salarié de l'ensemble de ses demandes à ce titre ;

AUX MOTIFS QU'il y a d'abord lieu d'examiner la situation contractuelle de Monsieur X... dans ses rapports avec la SARL LPD ; qu'à cet égard - alors que les parties s'accordent sur la nature internationale du contrat de travail et sa soumission à la convention de Rome du 19/ 06/ 1980 - il échet de rechercher si les conditions de rupture de celui-là relevaient de la loi belge comme le font valoir les appelantes ou de la loi française ainsi que le revendique l'intimé ; que de ce chef les premiers juges ne se sont prononcés que sur les éléments qui selon eux caractérisaient les liens du contrat avec la FRANCE, en s'abstenant de...

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