Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 29 mai 2013, 12-20.903, Publié au bulletin

Presiding JudgeM. Charruault
ECLIECLI:FR:CCASS:2013:C100544
Case OutcomeRejet
CitationSur la nécessité de rechercher la preuve d'un lien de causalité par le biais de présomptions dans le cadre de l'imputabilité d'une maladie à une vaccination, à rapprocher :1re Civ., 22 janvier 2009, pourvoi n° 07-16.449, Bull. 2009, I, n° 11 (rejet), et les arrêts cités ;1re Civ., 26 septembre 2012, pourvoi n° 11-17.738, Bull. 2012, I, n° 187 (cassation), et les arrêts cités
Appeal Number11300544
Date29 mai 2013
CounselSCP Bénabent et Jéhannin,SCP Hémery et Thomas-Raquin
Docket Number12-20903
Subject MatterRESPONSABILITE DU FAIT DES PRODUITS DEFECTUEUX - Produit - Défectuosité - Lien de causalité avec le dommage - Préalable implicite - Participation du produit à la survenance du dommage - Preuve par le demandeur - Nécessité SANTE PUBLIQUE - Produits pharmaceutiques - Médicaments à usage humain - Vaccin - Dommage - Applications diverses SANTE PUBLIQUE - Produits pharmaceutiques - Médicaments à usage humain - Défectuosité - Preuve par le demandeur - Caractérisation - Présomptions graves, précises et concordantes - Recherche nécessaire
CourtPremière Chambre Civile (Cour de Cassation de France)
Publication au Gazette officielBulletin 2013, I, n° 116

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :



Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 31 octobre 2011), que Mme X..., qui, alors âgée de 17 ans, avait reçu, les 11 et 29 juillet 1995, des injections du vaccin contre l'hépatite B, dénommé Engerix B et fabriqué par la société Glaxosmithkline, a, d'abord, rapidement déclaré ressentir des engourdissements et fourmillements des membres, puis, après six mois, présenté des troubles oculaires graves, conduisant, en 1997, au diagnostic de la sclérose en plaques ; qu'imputant cette pathologie au vaccin, elle a assigné la société Glaxosmithkline en réparation de son préjudice ;

Attendu qu'elle fait grief à l'arrêt de la débouter de toutes ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre le défaut et le dommage ; qu'en exigeant que la demanderesse démontre non seulement le dommage, mais encore « l'imputabilité » du dommage à l'administration du produit, avant de prouver le défaut du produit et le lien de causalité entre ce défaut et le dommage, la cour d'appel a ajouté une condition que la loi ne comporte pas, en violation de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;

2°/ que, si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; que le doute scientifique, qui ne prouve ni n'exclut l'existence d'un lien de causalité entre le dommage et le défaut, est un élément neutre que le juge ne peut retenir en faveur ou au détriment de l'une ou l'autre des parties ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu de façon générale que « la preuve contraire à celle recherchée par Mme X... s'évince même de l'évolution des données statistiques qui n'a pas démontré de pic alarmant des déclarations de sclérose en plaques au terme d'une période non négligeable de quatre années de vaccination obligatoire en France » ; qu'en prenant en considération l'absence de démonstration, sur un plan scientifique, d'un lien de causalité entre la sclérose en plaques et la vaccination contre l'hépatite B, la cour d'appel s'est prononcée au regard d'un élément qui n'aurait pas dû influencer son appréciation et qui a irrémédiablement faussé celle-ci ; en conséquence, elle a violé l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;

3°/ que si l'action en responsabilité du fait d'un produit défectueux exige la preuve du dommage, du défaut et du lien de causalité entre les deux, une telle preuve peut résulter de présomptions, pourvu qu'elles soient graves, précises et concordantes ; qu'en conséquence, l'appréciation des juges du fond doit nécessairement prendre en compte l'existence conjuguée des différents éléments personnels invoqués par la victime qui, pris séparément, n'auraient pas une force probante suffisante ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a analysé de façon totalement séparée et indépendante chacun des éléments personnels avancés par Mme X..., qu'il s'agisse du facteur chronologique, de l'absence d'autre cause possible pour la pathologie développée par elle, ou de son jeune âge lors de l'apparition de la maladie ; qu'elle a ainsi énoncé que chacun de ces éléments, pris séparément, présentait une « faible valeur probante » ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher si, combinés entre eux, le facteur chronologique, l'absence d'autre cause possible pour la maladie et le jeune âge de Mme X... lors de la survenue de celle-ci, ne constituaient pas des présomptions graves, précises et concordantes permettant de retenir la responsabilité de la société Laboratoire Glaxosmithkline, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, interprété à la lumière de la directive CEE n° 85-374 du 25 juillet 1985 ;

4°/ que le défaut de sécurité du produit doit s'apprécier, notamment, au regard de la gravité des effets nocifs constatés ; que Mme X... soutenait que « le défaut d'un médicament est fonction de la gravité des effets nocifs au regard de la finalité thérapeutique recherchée » et que le vaccin Engerix B qui lui avait été administré présentait des risques majeurs mettant en jeu le pronostic vital du patient, ce qui le privait de la sécurité à laquelle celui-ci pouvait légitimement s'attendre ; qu'en énonçant cependant qu'il convenait « d'écarter d'emblée la notion du défaut intrinsèque du produit puisque cette question n'est pas invoquée par Mme X... », la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de celle-ci et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

5°/ que les parties au litige s'accordaient à dire que la notice du vaccin Engerix B administré à Mme X... en juillet 1995 ne comportait pas la mention, dans son annexe II destinée aux patients, du risque de développer une sclérose en plaques au titre des effets indésirables du produit ; que la société Laboratoire Glaxosmithkline reconnaissait ainsi elle-même que cette mention avait été « insérée dans le résumé des caractéristiques du produit (RCP) et non dans la notice patient » ; qu'en retenant cependant qu' « en l'absence de précision, le tribunal ne pouvait (…) juger de façon certaine que la notice du vaccin administré à Mme X... n'était pas conforme au RCP et au VIDAL », la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article 4 du code de procédure civile ;

6°/ qu'en s'abstenant de provoquer les observations des parties sur la teneur de la notice patient du vaccin Engerix B administré à Mme X..., la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

7°/ qu'un produit est défectueux lorsqu'il n'offre pas la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre ; que dans l'appréciation de cette exigence, il doit être tenu compte, notamment, de la présentation du produit, de l'usage qui peut en être raisonnablement attendu et du moment de sa mise en circulation ; qu'en conséquence, le fabricant d'un produit est tenu envers l'acquéreur d'une obligation de renseignement sur les dangers, même exceptionnels, que comporte l'utilisation du produit ; qu'en retenant que le vaccin Engerix B ne pouvait être qualifié de défectueux, cependant que les termes du litige établissaient que le dictionnaire Vidal et le RCP faisaient figurer au nombre des effets secondaires indésirables possibles du produit la poussée de sclérose en plaques, tandis que la notice de...

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